Mawulolo

Quand les couleurs de l’arc-en-ciel s’assombrissent

L’arc-en-ciel est un symbole de joie, de bonheur voire de richesse dans beaucoup de traditions en Afrique. C’est pourquoi lorsque l’on décrit l’Afrique du Sud comme la « nation arc-en-ciel », cela représentait pour moi, au-delà de sa composition démographique diverse, un vrai symbole. Mais ça, c’était avant.
Drapeau de l’Afrique du Sud – Crédit photo : David Peterson sur Pixabay

Depuis quelques années, les violences contre des Africains étrangers vivant en Afrique du Sud sont récurrentes. Certains Sud-Africains, pour des raisons obscures et futiles, s’en prennent aux activités économiques et aussi physiquement aux ressortissants africains. Des pertes en vies humaines, des pillages et saccages sont à déplorer.

Du temps de l’Apartheid, la ségrégation raciale contre les Noirs Sud-Africains, j’étais encore enfant. A Lomé, mes amis et moi avions à cœur de crier, partout où besoin était, notre sympathie à Mandela et à son peuple. Par nos coiffures, nos habits, nos chants et même notre argent nous avons supporté les enfants de Soweto et l’Afrique du Sud pour leur libération du joug de l’apartheid. Je me souviens que nous chantions à tue-tête Upheavel de Nel Oliver même si nous ne parlions pas anglais.

Par ailleurs, notre amour pour ce pays et notre conviction qu’il était béni a été renforcée par la victoire des Bafana-Bafana, la sélection nationale de football, à la Coupe d’Afrique des Nations en 1996. L’année précédente, c’étaient les Spring Boks, l’équipe nationale de rugby, qui avaient remporté la Coupe du Monde de cette discipline. Il avait donc suffi que l’Apartheid finisse, que Mandela vienne au pouvoir et que les blancs et noirs du pays s’unissent pour obtenir ces résultats. En tout cas, c’est ce que nous pensions fortement.

Je vais même exagérer en me demandant si ces tristes événements n’ont pas contribué au décès de Chester Williams, le vendredi 6 septembre dernier par crise cardiaque. Chester Williams était le seul joueur non-blanc des Spring Boks lors du Mondial de rugby en 1995. En Afrique, nous aimons bien les coïncidences et souvent en cas de décès, nous faisons vite des rapprochements.

Nos styles de coiffure

Nous avions notre style de coiffure que nous appelions « Mandela ». Notre coupe de cheveux se voulait identique à celle de Nelson Mandela. Et le coup de ciseaux qui marquait la raie était très important. Ce qui faisait que nous préférions les coiffeurs ambulants venant du Ghana aux coiffeurs disposant d’ateliers. Ces derniers étaient souvent béninois et n’acceptaient de nous faire que des coiffures que nous jugions trop classiques. D’ailleurs, ils étaient souvent d’un âge assez avancé et ne comprenaient pas toujours nos désirs de jeunes.

Lorsque nous étions à Atikpodji (un marché de friperie de Lomé), les tee-shirts portant l’effigie de Nelson Mandela était très prisés. Et en arborer un était toute une fierté pour nous.

Le concours de dessin

A l’école primaire, je me rappelle que nous avions fait un concours de dessin pour illustrer l’Apartheid. Ce fut l’occasion pour nous, alors enfants, d’être sensibilisés sur la gestion raciste qui était de mise dans ce pays. Nos imaginations, illustrées en dessin, avaient démontré toute la tristesse d’enfants et aussi la solidarité que nous voulions témoigner à nos sœurs et frères de la nation arc-en-ciel. Nelson Mandela était pour nous une icône et son peuple, notre peuple. Un dessin m’a beaucoup marqué. C’était celui d’un de mes camarades. Il représentait un homme noir mort pendu à une potence. Cet homme perdait du sang par la bouche et la mare qui en résultait marquait les délimitations de l’Afrique du Sud dans la carte de l’Afrique. Ce sang, selon mon camarade, illustrait celui de la communauté noire sud-africaine qui était martyrisé.

De nos jours, c’est le sang d’autres Africains qui est versé en Afrique du Sud par certains Sud-Africains. Heureusement que ce ne sont pas tous les fils et filles du pays qui s’adonnent aux violences contre les étrangers.

Pauvre Madiba !

Dans ma société d’origine, lorsqu’un enfant commet une bêtise, les témoins demandent souvent qui sont ses parents. A l’évocation du nom de ces derniers, les témoins peuvent alors trouver l’action de l’enfant normale, ou non. L’on a tendance à comparer l’enfant à ses parents pour voir s’il correspond aux valeurs ou à l’image que ceux-ci véhiculent.

Lorsqu’on s’interroge sur ce qui se passe en Afrique du Sud, on ne peut que dire « Pauvre Madiba ! ». Oui, ses enfants ne démontrent en rien toute la valeur que nous lui reconnaissons.

Pire encore, beaucoup d’Africains sont déçus, car du temps de l’Apartheid, nous avons tous pleuré et prié pour nos frères et sœurs de l’Afrique du Sud, et certains parmi eux nous répondent en monnaie de singe.

J’espère que ce sera la dernière fois, même si j’en doute fortement. Oui, la dernière fois que nous voyons certains Sud-Africains s’en prendre à des étrangers africains vivant dans leur pays. J’ai bien dit certains, car il ne faut pas être aussi « bête » pour penser que ce sont tous les habitants du pays de Mandela qui sont xénophobes.

Que tous les Sud-Africains et surtout ceux et celles qui commettent ces actes répréhensible se souviennent que « Nkosi sikélé li africa », leur hymne national, signifie « Que Dieu bénisse l’Afrique ».

Que la bêtise humaine cesse !


Jimi Hope, le rocker togolais n’est plus

(Ce billet-hommage est co-écrit avec Inda Etou)

Evacué sur Paris en France suite à une maladie, Jimi Hope, le rocker, bluesman, sculpteur et peintre togolais ne reverra plus son cher pays le Togo. Il a passé ses instruments à gauche dans la nuit du dimanche 4 au lundi 5 août. L’émotion est grande.

Jimmy Hope - © Pierre René-Worms/RFI
Jimmy Hope – Crédit : rfi.fr © Pierre René-Worms/RFI

Né le 12 octobre 1956 à Lomé, son vrai nom est Hope Claude Koffi Senaya. Avec sa voix puissante, il a écumé les scènes et les cabarets du monde entier. Sa voix rauque et sa maestria à la guitare ont fait effet partout où il est passé. Sans oublier ses textes riches de sens et de sagesse. Il chantait en anglais, en français mais aussi dans les langues locales du Togo et du Ghana : l’Ewé et le Mina. Son histoire a un profond lien historique avec celui de son pays, le Togo. Oui, la famille Senaya vient d’Anyako (Ghana, en Volta region). Cette bourgade faisait partie de l’ancienne délimitation du Togo d’avant sa répartition entre l’Angleterre et la France, à l’époque coloniale.

L’homme ne savait pas manipuler que la guitare ou les instruments de musique, mais aussi la lame de rasoir qui lui servait à dessiner ses toiles sur lesquelles il avait au préalable fait passer des couches de peinture. Il était aussi sculpteur. Un artiste complet. Ses fresques sont visibles à son domicile, sur les murs de l’aéroport international de Lomé mais aussi au rond-point « Colombe de la paix » à Lomé et dans l’enceinte de la présidence togolaise. Même la Cour constitutionnelle du Gabon porte la marque de Jimi.

En matière de musique, il a à son actif près de 15 albums et des chansons produites à l’inspiration et sans formalisme. La vie de tous les jours avec ses joies et ses vicissitudes étaient sa source d’inspiration préférée. En témoignent les titres de ses chansons qui pouvaient avoir des connotations particulières selon celui ou celle qui l’écoute.

Nous partageons avec vous nos ressentis sur quelques chansons cultes de Jimi.

Agbébavi [Inda]

Le titre est évocateur : « Le souci de vivre ». Cette chanson est d’ailleurs la préférée de Roger et moi. Je me suis juste prononcée la première lors du choix ! Une petite traduction puis je vous explique pourquoi je la trouve si particulière. Elle dit : « Il y a un temps pour les souffrances et un temps pour le bonheur. » Elle dit : « Aussi loin qu’un pays soit, il ne pourra être visité que par un être humain. Même s’il fait chaud dans une chambre, ce n’est qu’un être humain qui peut y vivre. L’on ne peut se jeter dans le feu à cause du froid. » C’est beau n’est-ce pas ? Voire poétique !

Je pense que cette chanson, dont les paroles traversent le temps, fait partie des meilleures de Jimi Hope. Elle ne peut être résumée en un seul mot mais si j’étais dans l’obligation de le faire, je dirais qu’elle parle d’espoir. La réussite se construit, c’est un processus et baisser les bras lorsque les difficultés pointent le bout de leur nez n’est pas envisageable. C’est cette vérité qui est si bien agencée dans « Agbébavi » au travers de belles tournures de phrases, d’expressions sages, avec en fond un mélodieux mariage de guitare et d’harmonica joués par l’artiste. La simplicité de la chanson, la voix rauque de Jimi, tout cela fait un cocktail qu’on ne peut se lasser d’écouter.

Souvent lorsque des amis et moi organisons de petites retrouvailles ici et que nous avons une guitare sous la main, cette chanson fait partie de celles que nous fredonnons. Le fait qu’elle soit chantée dans une langue traditionnelle togolaise, l’Ewé, que la musique soit si douce et que les paroles soient sages et si belles nous plonge un instant dans une bulle, nous rend nostalgiques et nous rappelle notre pays. Ce n’est pas tout. « Agbebavi » nous renseigne également sur la sagesse des personnes âgées, leur importance et la place particulière qu’occupe l’oralité dans nos sociétés africaines. Ce sont deux générations qui communiquent dans cette chanson !

It’s too late [Roger]

Dans ce morceau, Jimi Hope illustre bien l’adage disant que celui qui n’a pas encore traversé la rivière ne peut se moquer de celui qui se noie. Il l’explique avec l’image de la taille du groin du porc et de la mâchoire du caïman. Leurs petits demandent à leurs parents pourquoi ces membres sont aussi longs. C’est qu’ils ne comprendront que plus tard, lorsqu’ils auront le même âge, que cela est inné à leur race.

Le titre de cette chanson était devenu une véritable réplique à beaucoup de questions à l’époque. Dès que vous posiez une question à un interlocuteur et que vous étiez un peu en déphasage ou en retard, l’on vous répondait « It’s too late ». Même lorsque vous pensiez courtiser une fille et que son cœur était déjà pris, l’on vous renseigne par « It’s too late ».

Cette chanson nous enseigne qu’il ne faut jamais se moquer de la condition de ses propres parents ou de sa propre famille lorsque l’on croit qu’ils n’ont pas fait assez, que ce soit sur le plan matériel, moral ou social. A terme, nous pourrions tous être confrontés au même problème. Et cette expression « It’s too late » comme mot de fin.

La moralité de la chanson est de prendre le soin de bien analyser la situation des autres et la nôtre avant d’émettre des jugements. Ce qui nous permettra d’anticiper notre propre condition pour l’avenir. Mieux, l’on saura ce qui est immuable ou non.

 Agbébada [Inda]

Agbébada ou « la mauvaise vie ». Voilà une autre chanson de l’artiste que je ne me lasserai jamais d’écouter. Ce qui fait des titres de l’artiste des œuvres intemporelles sont ses vérités et ses paroles pleines de sens et le titre Agbébada ne déroge pas à cette règle. Cet hymne à la paix nous appelle à penser nos actes avant de les poser car la vie est courte. Eh oui ! La vie est très courte et il en a été touché en nous quittant à l’âge de 63 ans.

Voici les paroles principales de ce morceau : « Que la mauvaise vie disparaisse et que la lumière éternelle nous vienne ! Qu’elle nous vienne ! Méchants, pensez à demain, la mort existe. Croyant, où es-tu, où est ta foi ? C’est pitoyable. La mort existe, faites attention. »

Cette chanson retentit plus que jamais comme un avertissement et un conseil dont nous devrons nous rappeler lorsque nous posons nos actes. Ce que Jimi véhicule dans cette chanson peut se résumer en cette phrase : « Vanité des vanités, tout est vanité ». Il ne sert donc à rien d’être méchant et de se croire tout puissant lorsque nous savons que nous finirons sous terre peu importe notre statut social ou notre puissance. La chanson clame la paix et l’amour entre tous. Même si l’instrumental est souvent privilégié dans ses chansons, Jimi Hope a écrit des textes profonds.

I can’t take it [Roger]

A l’époque, nous n’avions même pas besoin de comprendre le sens de cette chanson car elle était totalement en anglais. Pourtant nous l’avons tous aimé et chanté à tue-tête. Elle était la chanson de la célèbre émission « Télé Loisirs » qui passait sur la chaîne nationale, la Télévision Togolaise (TVT). En ces temps, il n’y avait pas foison de chaînes de télévision et Internet.

Dès que ce générique était lancé, beaucoup de personnes se rassemblaient dans la cour de notre maison. Et notre poste téléviseur était placé alors dans la cour pour que tout le monde puisse suivre. Tout le monde chantait et à une des parties instrumentales, on nous entendait tous crier « D’évia ntô so ka tchi kô, gaké ésé vévé » (l’enfant s’est pendu mais il a eu mal). Je ne sais plus si c’est Jimi Hope lui-même qui avait attribué ces paroles à cette partie instrumentale.

Nous étions enfants, et nous avions créé un orchestre fictif dans notre maison. Les guitares et les micros étaient juste des tiges en bois. Les batteries étaient des vieux bidons. Il fallait nous voir lancer nos « concerts » (avec nous-mêmes comme public) avec « I can’t take it » de Jimi Hope. Nous tentions d’imiter la voix, la posture et les gestes du rocker.

Nous ne manquions pas de courir derrière lui lorsqu’il passait dans notre quartier à Nyékonakpoè. Il y avait des amis et de la famille et y était fréquemment.

Une empreinte indélébile

Jimi Hope aura marqué plusieurs générations dont celle de nos parents et la nôtre. Nous pensons qu’elle marquera aussi les générations à venir car sa musique fait partie de notre patrimoine culturel, de notre patrimoine musical. Ce grand artiste qui aura passé sa vie à peindre, sculpter et chanter restera l’un des plus talentueux du Togo. Il a aussi aidé beaucoup de jeunes en les initiant à la musique, à la peinture ou à la sculpture.

Comme tu l’as chanté toi-même « Ewoé, ékou lé lo… » (Mince, la mort existe), tu n’as pas raté ton rendez-vous avec elle.

Au revoir Jimi et que la terre te soit légère…

Inda Etou et Roger Lasmothey

Vous retrouverez ce billet sur le blog de Inda.


Tous les jeunes Africains ne se ruent pas vers l’Europe

Le titre de l’essai « La ruée vers l’Europe » écrit en 2018 par Stephen Smith me fait toujours rire. Il me rappelle des interpellations (rassurez-vous, ce n’est pas par la police) qui m’ont été faites lors de mes trois séjours en Italie. Une fois, avant même que je ne réponde à celle qui s’adressait à moi, une autre lui avait déjà rétorqué à haute voix : « Mais lui, il est venu légalement et il va repartir chez lui ». Elle voulait savoir pourquoi les Africains viennent autant en Italie par bateau via la Méditerranée.
Pour ceux et celles qui ne le savent pas, je vous le dis 
: « En Afrique tous les jeunes ne se ruent pas vers l’Europe et ni vers ailleurs ». D’autres restent pour entreprendre et se battre avec leurs moyens. Et ça leur réussit plutôt bien. J’en ai trouvé deux au Togo. Et il y en a beaucoup d’autres.

Un box "So ahoé" ouvert et des paquets de thés à infuser "Ginger & Spices" - Photos : Roger Mawulolo
Un box « So ahoé » et des paquets de thés à infuser « Ginger & Spices » – Photos : Roger Mawulolo

Il n’y a plus un seul jour où les médias ne nous montrent des images de nos frères et sœurs africains voulant accéder à l’Europe par la Méditerranée. Certains y vont même avec leurs enfants en bas âge. Disons que c’est leur très grand amour pour ces derniers qui les poussent à faire cela. Si je dis autre chose, je pourrai être taxé « d’égoïste ayant déjà trouvé pour lui » et refusant donc de comprendre la souffrance qui peut obliger quelqu’un à prendre cette grave décision que de traverser le désert et ensuite la Méditerranée avec un enfant en bas âge. Pour tout ça, l’on nous parle de « la ruée vers l’Europe ». Les Toofan n’ont pas pensé si bien dire, dans leur chanson « La vie là-bas » avec Louane, que je vous présente en fin d’article.

En fait dans le présent billet, je vais vous parler d’un jeune entrepreneur et d’une jeune entrepreneuse togolais. Leurs concepts simples mais forts originaux m’ont vraiment émerveillé. Après des discussions avec eux et des achats effectués, je me suis dit « Tiens…tiens…et pourtant, eux aussi auraient pu choisir la voie de l’immigration par les pirogues ». Mais ils se sont battus avec le peu de moyens dont ils disposaient. Et je vous assure que ces moyens sont bien inférieurs à ceux que certains mobilisent pour prendre les pirogues vers la Méditerranée. Eux, « la ruée vers l’Europe » ne semble pas les tenter.

Akouvi Hyppolite-Cléante Assogba avec le concept « So Ahoé »

Miss Akouvi - Photo : missakouvi.com
Miss Akouvi – Photo : missakouvi.com

Le concept « So Ahoé » d’Akouvi Hyppolite m’a conquis. Il est basé sur des produits locaux africains présentés dans un box en bois de sapin marqué « So Ahoé » qui veut dire « vient du pays ». Du raphia sert à sceller la boîte et à en décorer l’intérieur. Le contenu de la boîte varie des produits cosmétiques à l’alimentaire en passant par des boissons ou des épices. Le client peut composer sa box en faisant le choix des produits disponibles et dont Akouvi vous fournira la liste.

« So Ahoé » est destiné à tous les Africains d’ici et d’ailleurs et à tous les amoureux du naturel. Il veut vous rapprocher de tous ces créateurs qui mettent toutes leurs énergies, toutes leurs émotions dans chaque production. Il souhaite également raconter l’histoire de l’Afrique et faire vivre à travers les box et les astuces beauté la culture africaine dans toute sa globalité. Le concept veille à ne sélectionner que des produits à base d’ingrédients naturels.

Je suis tombé sous le charme de ces boîtes et de l’idée. Les diverses institutions privées ou publiques du Togo devraient pouvoir se servir de cette jeune entrepreneuse pour leurs idées de cadeaux institutionnels à leur clientèle. Les fournisseurs de produits locaux aussi peuvent nouer des partenariats avec elle.

Elle a eu des opportunités pour immigrer mais a choisi de rester. Titulaire d’un diplôme universitaire en gestion commerciale, elle est aussi blogueuse. Ses proches et ami-e-s l’appellent Miss Akouvi.

Aphtal Cissé, le créateur de « Ginger & Spices »

Aphtal Cissé - Photo : Aphtal Cissé
Aphtal Cissé – Photo : Aphtal Cissé

#LémBléwou (Attrape moi doucement), #Amébéviyé (Elle a aussi des parents), #Amélakou (Il y aura un mort), #EnerGinger sont des hashtags désormais connus de beaucoup de jeunes Togolais. Basé sur les vertus du gingembre, le jeune Togolais Aphtal Cissé a créé le « Ginger & Spices Bar » à Lomé dans le quartier Cacavéli. Et ces hashtags sont en fait des cocktails à base de gingembre, de clou de girofle ou de cannelle qu’il propose à ses clients. Il concocte aussi des soupes à base des mêmes produits. Du thé, du jus et des infusions complètent ce menu alléchant et original.

Sa dernière trouvaille est la sacoche de sachets de thé à infuser. Vous en avez en gingembre pur, en gingembre et cannelle ou encore en gingembre et clou de girofle. Le conditionnement des sachets est une œuvre d’artiste. La sacoche est faite en sac de jute, ce qui lui confère une touche traditionnelle africaine.

Ayant fait des études universitaires en sciences juridiques à l’Université de Lomé, la passion d’Aphtal pour la communication l’a rattrapé et il a suivi des cours dans une des universités privées de la capitale togolaise. Il est blogueur et écrivain. Par ailleurs, c’est lui qui m’a convaincu, en 2014, de devenir mondoblogueur. Il y était déjà.

Il aurait pu chercher la voie de l’immigration mais a préféré se lancer dans l’entrepreneuriat privé. Et aujourd’hui, son surnom est « Mister Ginger » ou encore « From Cacaveli with ginger ».

 Pour finir l’histoire de « La ruée vers l’Europe »

Il est vrai que certaines raisons poussent certains Africains à vouloir immigrer coûte que coûte vers l’Occident et surtout l’Europe. Mais leur nombre rapporté à celui des jeunes vivant sur le continent est encore faible pour parler de ruée.

En Europe, il y a également beaucoup de personnes ignorantes qui pensent que ce phénomène concerne tous les jeunes Africains. A ces personnes, je dis : « Non, en Afrique tous les jeunes ne se ruent pas en pirogue vers l’Europe. » Et ils n’en ont même pas tous envie. Il y en a beaucoup qui restent sur le continent et se battent pour entreprendre. A eux, s’ajoutent ceux de la diaspora qui reviennent volontairement en Afrique pour y  investir ou y travailler. Un terme, très à la mode actuellement, a même été trouvé pour les désigner : les repatriés.


Fadiouth, l’île des classes d’âge

Sur l’île de Fadiouth, au Sénégal, il n’y a pas que des coquillages mais aussi la tradition séculaire des « classes d’âge ». Et la période de célébration de la fête du 15 août est réservée à leurs retrouvailles.

Pont de Fadiouth - Crédit photo : Morceau2vie (avec l'aimable autorisation de Samantha Tracy)
Le pont de Fadiouth – Crédit photo : Morceau2vie (avec l’aimable autorisation de Samantha Tracy)

Fadiouth est située à moins d’un kilomètre de Joal, la ville natale du célèbre poète Léopold Sédar Senghor, premier président du Sénégal. Ces deux villes avec la localité de Ngazobil forment la commune de Joal-Fadiouth, distante d’environ 120 kilomètres de Dakar. Les deux contrées sont reliées par un joli pont en bois long de 600 mètres environ.

L’île de Fadiouth, encore appelée l’île aux coquillages, est essentiellement habitée par l’ethnie Sérère. A l’origine animiste, cette ethnie s’est par la suite répartie entre le christianisme et l’Islam avec une forte domination du premier. Un cas assez rare au pays de Senghor. Au Sénégal, environ 11,5 % de la population est sérère.

Les noms que l’on retrouve souvent à Fadiouth sont : Ndiaye, Sarr, Ndong, Diokh, Diouf, Faye. On y retrouve quelques Touré, Mendy, Traoré ou autres noms qui sont souvent issus de mères originaires de Fadiouth. Au Sénégal, on peut facilement se déclarer originaire du village de sa mère. Certaines familles « étrangères » s’y sont aussi installées.

Fadiouth, le village du vivre-ensemble

La célébration des classes d’âge dans la période du 15 août n’a aucune connotation religieuse. Pour cette célébration, il n’y a ni chrétiens, ni musulmans mais juste des habitants de Fadiouth. Même si cela pourrait s’apparenter à la fête de l’Assomption. Un vrai exemple de vivre-ensemble.

L’île dispose d’un seul et même cimetière pour les chrétiens et les musulmans.

Les musulmans de l’île ont contribué financièrement à la construction de la paroisse catholique qui y a été inaugurée en 1981. Pour la mosquée, les chrétiens fadiouthiens ont eux aussi cotisé.

A Fadiouth, on se partage tout et on fait tout ensemble.

Les classes d’âge

A Fadiouth, les hommes et femmes né(e)s la même année sont de la même classe d’âge et cela est très bien organisé. Il s’agit d’une véritable association avec une vie sociale bien animée. Et cela même quand ils ne vivent pas à Fadiouth. La fête catholique de l’Assomption, célébrée le 15 août, est l’occasion du grand rassemblement des classes d’âge.

Les personnes nées la même année se constituent en classe d’âge à partir de l’âge de 20 ans. Les célébrations se font tous les 5 ans pour une classe donnée. Ce qui évite que trop de classes d’âge ne fêtent la même année. Vous avez ainsi la classe des 20, 25, 30, 35, 40, 45, 50 jusqu’aux plus âgées.

Les classes d’âge initient plusieurs activités lorsque leur année de célébration arrive. Au-delà du traditionnel nguël *, des activités caritatives ou à portée sociale sont aussi organisées. Toutes ces activités sont portées par les cotisations des membres. Des khawarés** ou des yendus*** aussi sont organisés. Les membres sont souvent habillés en uniforme et les manifestations sont rythmées par la musique typique sérère (voir la vidéo en fin de billet).

A l’âge de 40 ans, les membres mariés voient leur conjoint intégré à leur classe d’âge. Cette double appartenance n’a pas d’incidence sur les cotisations statutaires. Le montant restant invariable que l’on soit seul ou en couple dans la corporation.

Souvent les classes d’âge ont leur uniforme.

Les retombées sociales

Les classes d’âge permettent d’entretenir les relations sociales entre les fils et filles de Fadiouth. Leur solidarité s’en trouve renforcée.

Les relations islamo-chrétiennes se renforcent avec la célébration des classes d’âge. Tous les fils et filles de Fadiouth de la même génération célèbrent leur fête sans distinction de religion.

Les célébrations permettent aux « Fadiouthiens » vivant hors de leur village voire même du Sénégal d’y retourner régulièrement et ainsi rendre visite à la famille restée sur place.

Lorsque vous discutez avec les originaires de cette île, ils ne se lassent pas de vous conter et de compter le grand nombre de mariages qui a pu être célébré grâce aux classes d’âge. Oui, les ngël, yendous et autres khawarés ont favorisé des rencontres qui ont abouti à des couples.

Comme quoi, des classes d’âge aux classes nuptiales, il peut n’y avoir qu’un pas ou alors pas de pas du tout.

Diokondial*** !!!

* nguel : festival de danses parfois avec des démonstrations de lutte traditionnelle

** khawaré : fête avec vente de repas et boissons commençant généralement vers midi et qui finit avant minuit

*** yendou : fête ou célébration tenant juste en diurne

**** diokondial : merci en langue Sérère


CAN 2019 : Sénégal-Bénin, le match qui a fait balancer des cœurs à Dakar

Ça y est ! La CAN est finie avec une victoire finale des Fennecs de l’Algérie sur les Lions du Sénégal. Sur la route de cette finale, les Lions ont dû battre en quarts de finale les Ecureuils. Ce « Sénégal-Bénin » n’a pas été un match facile à suivre pour tout le monde. 

Deux posts Facebook traduisant le sentiment de Sénégalais d'origine béninoise - Montage : Roger Mawulolo
Deux posts Facebook traduisant le sentiment deux Sénégalo-béninoises pendant le match – Montage : Roger Mawulolo

Au Sénégal il n’y a pas que les Sall, Wade, Ndiaye, Mbengue, Ndong, Bassène ou Mané, il y aussi les Nanga, Féliho, Atchadé, Ahouanménou, Koïssi, Zounglas, Hodonou pour ne citer que ces noms-là. Ces derniers sont des Sénégalais d’origine béninoise. Des fois, ils ont la double nationalité en bonne et due forme.

Lorsque le match Sénégal-Bénin s’est confirmé pour les quarts de finale, ils disaient leur dilemme sur les réseaux sociaux, dans les quartiers et maisons.

Leurs quartiers de prédilection à Dakar sont les Sicap : Liberté, Karack, Amitié, Sacré Cœur voire Siprès et Ouakam. De plus en plus on les trouve aussi dans les nouveaux quartiers comme Keur Massar, Tivaouane Peuhl, Diamniadio, Zac Mbao et autres.

L’histoire…

Du temps de l’Afrique occidentale française (AOF), Saint-Louis puis Dakar en ont été les capitales. A ce titre, le Sénégal accueillait des fonctionnaires venus de tous les pays de l’AOF dont le Bénin. L’administration étant centralisée au Sénégal. Des enseignants, des douaniers bref des agents de l’administration publique venaient de divers pays. Qu’ils soient mariés à des Sénégalaises ou pas, beaucoup ont fait souche au Sénégal.

L’histoire se poursuit toujours de nos jours avec la jeune génération de Béninois vivant au Sénégal. Même certains étudiants béninois laissent des traces au Sénégal (si vous voyez ce que je veux dire 😀 ).

L’observation a montré que la prédilection des Béninois va souvent aux femmes de la Casamance (sud du Sénégal). A part elles, ils appréciaient bien aussi les femmes de l’ethnie sérère.

Dans cette communauté sénégalaise d’origine béninoise, nous avons des célébrités. Nous pouvons citer le rappeur Didier Awadi, créateur du groupe Positive Black Soul. Un autre est Joseph Koto, qui a dirigé des équipes de football et aussi les sélections nationales du Sénégal à divers niveaux. On peut compléter la liste avec Fabienne Féliho, Miss Sénégal en 1987 et Jean-Jacques Armand Nanga, un des directeurs généraux les plus célèbres des Douanes sénégalaises.

Le match Sénégal-Bénin

Capture du post Facebook de Valéry Samuel Hodonou, sur le match Sénégal-Bénin (avec son aimable autorisation)
Capture du post Facebook de Valéry Samuel Hodonou, sur le match Sénégal-Bénin (avec son aimable autorisation)

Bien avant le match beaucoup ont indiqué leur mal-être ou leur dilemme face à la confrontation prévue. Qui supporter ?  Un post Facebook d’un membre de cette communauté indiquait « Là, je suis mal barrée. Quart de finale Sénégal-Bénin ». Un autre disait « Bon lâchez nous un peu on va réfléchir…Notre sang est quand même béninois. Weu…d’ici lundi on décide ». Lundi, c’était deux jours avant le match. Cet internaute n’a pas finalement pu se décider car avant le match. Et il a remis « Une chose est sûre…au soir du mercredi nous Sénégalais venus du Bénin ou Béninois né au Sénégal, nous serons heureux et en demi-finale ». Le dilemme était grand et lourd.

Au début du match j’ai pu lire sur les réseaux sociaux (Facebook) ce post d’une internaute née au Sénégal d’un père Béninois et d’une mère Sénégalaise, qui a vécu au Sénégal et en a la nationalité : « J’ai chanté les deux hymnes nationaux avec les joueurs. Que le meilleur gagne ».

L’excitation était grande lorsque le ballon s’approchait d’un des buts. Beaucoup ne savaient, s’il fallait crier « Allez…marque…marque ! » ou bien « Allez …rate…rate !».

A la fin

La fin du match a été un soulagement pour eux tous car, l’on pouvait lire « Félicitations au Sénégal et au Bénin ». Le match a été empreint d’un fair-play avec des vannes bien senties entre les supporters des Lions et des Ecureuils.

(l’article continue après la vidéo)

La quasi-totalité des membres de la communauté a, par la suite, supporté le Sénégal en quarts, en demi-finale contre la Tunisie et en finale contre l’Algérie.

Pour finir, je vous livre le sentiment d’un membre de cette communauté avec qui j’ai pu discuter. Son nom : Valery Samuel Hodonou (un Sénégalais avec un vrai nom béninois).

Valery Samuel Hodonou (avec son aimable autorisation)
Valery Samuel Hodonou (avec son aimable autorisation)

« Je suis Valéry Samuel Hodonou né au Sénégal d’un père béninois et d’une mère sénégalaise. Donc on va dire Sénégalais d’origine béninoise. D’abord très content de savoir le Bénin à ce stade de la compétition ou personne ne l’attendait… Ayant vécu au Sénégal depuis ma tendre enfance mon cœur a évidemment balancé du côté des Lions de la Téranga avec une belle pensée pour cette brave équipe béninoise. Très inquiet a un moment donné du match car ayant compris que « ce Bénin » que l’on croyait très petit était capable de donner des sueurs froides à n’importe quelle équipe. Mais finalement heureux qu’à la fin du match, que deux grandes nations se faisaient face avec un total fair-play de part et d’autre. Vive le foot »


Egypte 2019, la CAN des premières fois – Partie 2

Egypte 2019 se poursuit avec de nouvelles « premières fois ». Après mon précédent billet sur les faits qui constituent une première pour l’histoire de la CAN, d’autres nouveaux sont apparus. Décidément cette 32è édition veut marquer l’histoire.

L’Egypte a été sortie de la compétition en huitièmes de finale. Et ça au moins ce n’est pas la première fois qu’elle est éliminée avant la finale d’une CAN chez elle. En 1974, elle avait déjà terminé troisième à une CAN qu’elle accueillait. Par contre, elle avait remporté les éditions de 1959, 1986 et 2006 qu’elle avait accueillies.

Des règles du jeu à l’historique des rencontres ou victoires entre équipes participantes, des premières fois se révèlent encore.

La règle du 4è changement en cas de prolongation

A la Coupe du Monde 2018 en Russie, la FIFA a mis en application la règle autorisant les équipes à opérer un 4è changement si le match passe à la phase des prolongations. L’UEFA a suivi en appliquant la même règle lors de ses diverses compétitions de la saison 2018-2019.

La CAF a, pour sa part, adopté cette règle pour cette CAN 2019. Il s’agit donc de sa première application dans la compétition. Et c’est au stade des huitièmes de finale.

Qualification en quarts pour le Bénin et Madagascar

Les Ecureuils du Bénin et les Baréas de Madagascar ont créé la sensation dans cette CAN Egypte 2019.  Après leur première qualification pour un deuxième tour de la compétition, les deux équipes n’ont pas fait de cadeau aux Lions de l’Atlas et aux Léopards. Des herbivores (Ecureuils et Zébus) qui ont dévoré des carnivores, dirait-on. Ils ont été qualifiés pour la première fois de leur histoire en quarts de finale de la CAN.

Dans ce lot de surprises, celle de Madagascar est historique. Qu’une équipe faisant son baptême de feu en phase finale de CAN se qualifie pour le tour suivant. Seul le Cap-Vert, en 2013, avait fait autant.

Les premières ne se poursuivront malheureusement pas pour le Bénin et Madagascar. Elles ont été finalement éliminées en ces quarts de finale.

Les Baréas ont aligné 4 matches sans défaite

De 1982 à 2019, il y a 37 ans et 20 Coupes d’Afrique des Nations. Après 1982, Madagascar est le premier pays à ne pas avoir perdu ses 4 premiers matchs à la CAN. En 1982, la Libyen avait réussi l’exploit d’aligner 5 matchs sans défaites.

Ils auraient atteint ce vieux record libyen s’ils avaient pu battre la Tunisie lors des quarts de finale.

Premières victoires en confrontation directe à la CAN

Le Sénégal, en huitièmes de finale et en demi-finale, a rencontré pour la première fois l’Ouganda puis le Bénin. C’est la première fois que les Lions rencontraient ces deux nations en phase finale de CAN. Sadio Mané et sa bande ont donc obtenu les premières victoires du Sénégal sur ces deux pays en leur première confrontation en CAN.

Les Bafana Bafana quant à eux ont réussi l’exploit de défaire Mohamed Salah et ses coéquipiers sur leurs terres. Pourtant, les deux précédentes rencontres entre ces nations s’étaient soldées par des victoires des Pharaons. Le 24 janvier 1996 à Johannesburg, sur ses terres, l’Afrique du Sud avait été battue par 1 but à 0, et le 28 février 1998 à Ouagadougou, elle avait perdu 2 à 0 face à l’Egypte. Il s’agit dont en cette édition de la première victoire du pays de Mandela sur celui des Pharaons.

La qualification du Bénin pour les quarts de finale a deux aspects de « première fois ». Hormis la qualification elle-même, c’est la première fois que le Bénin bat le Maroc en phase finale. Leur seule et première rencontre précédente à ce niveau s’était tenue à Sfax au Maroc le 31 janvier 2004. Les Lions de l’Atlas avaient pris le dessus avec 4 buts à 0.

Le limon du Nil semble être d’une fertilité sans borne pour la culture des « premières fois » dans la Coupe d’Afrique des Nations.

Par Roger Mawulolo (facebook) (twitter)


Égypte 2019 : la CAN des premières fois

Cette 32e édition de la Coupe d’Afrique des nations est particulière. Beaucoup de faits s’y produisent pour la première fois. Du format aux équipes en passant par l’instance organisatrice, en Égypte la CAN est pleine d’inédits et de rebondissements. Inventaire.  

Équipe malgache – crédit : fédération malagasy de football

L’Égypte n’est pas un terrain nouveau pour la Coupe d’Afrique des nations. Mais le pays n’en est pas moins le terrain de quelques premières expérimentations, voire de quelques exploits qui ont d’ors et déjà marqué l’histoire de cette compétition continentale.

Cette édition de la CAN est pleine de premières fois. Ne ratons pas l’occasion de les signaler.

Format, période et arbitrage vidéo

Cette CAN est avant tout la première édition à 24 équipes. Ce qui a permis aux quatre meilleurs troisièmes de chaque groupe de se qualifier. On doit ce changement de format au nouveau président de la Confédération africaine de football. Après la longue ère Hayatou, la CAF a amorcé un nouveau virage avec le Malgache Ahmad Ahmad, qui en est donc à sa première CAN en tant que président de l’instance footballistique africaine.

A part le format, il y a aussi la période de déroulement qui change cette année. La CAN se déroulait habituellement durant le mois de janvier. Ce qui créait souvent des tensions entre les joueurs professionnels africains évoluant en Europe et leur club. La CAN 2019 se déroule du 21 juin au 19 juillet. Cette période estivale arrange finalement tout le monde. Même si certains évoquent la chaleur ou encore la saison pluvieuse dans certains pays comme un handicap.

L’assistance vidéo à l’arbitrage (VAR) aussi fera son apparition dans la compétition à partir de la phase des quarts de finale. Au vu de l’expérience malheureuse de la finale de la Ligue des Champions africaine, cela fait émerger beaucoup de scepticisme. Mais il fallait bien y aller. Ne dit-on pas en Afrique que c’est en forgeant que l’on devient forgeron ?

Les premières participations

Avec une Coupe d’Afrique des nations à 24 équipes, de nouvelles équipes ont réussi à passer la phase de qualification. Trois pays en sont à leur première participation à la phase finale de la CAN cette année. Le Burundi, Madagascar et la Mauritanie ont fait leur entrée dans la cour des grands du continent. Menés par leurs coaches respectifs Olivier Niyungeko, Nicolas Dupuis et Corentin Martins, les Intamba mu Rugamba ou Hirondelles, les Baréa et les Mourabitounes ont démontré des valeurs certaines qui leur ont permis de se qualifier haut la main pour cette compétition « Egypte 2019 ».

Les premières qualifications au second tour

Certaines équipes, elles, s’étaient déjà qualifiées mais n’avaient jamais passé le premier tour de la compétition. S’il a fallu que les Écureuils attendent leur 4e participation pour accéder pour la première fois cette année au second tour de la compétition, il en a fallu 7 aux Cranes de l’Ouganda.

Mais le plus spectaculaire est l’exploit des Barea, les zébus, de la grande île. Pour leur première participation à cette compétition majeure, Madagascar a réussi à se hisser au second tour. Ils ont même fini premiers de leur poule, devant le Nigeria qu’ils ont battu sans trembler.

Ces trois pays disputent donc leur premier match d’un second tour de la CAN. Et parmi les trois, il n’y a que le Bénin qui s’est qualifié en étant l’un des meilleurs troisièmes.

Une autre première fois, on l’espère, est à attendre du côté du Sénégal. Assurément, une bonne prestation des Lions du Sénégal leur permettra de gagner leur première Coupe d’Afrique. Sans oublier que cela pourrait bien propulser Sadio Mané au rang de Ballon d’or africain, pour une première fois. Ce qui ferait une belle brochette de premières fois pour cette CAN 2019 !

A croire que les pyramides sont un environnement propice aux premières fois.

Par Roger Mawulolo (facebook) (twitter)


CAN 2019 : une surprise nommée Bénin

Le Bénin est plus réputé pour sa culture vaudou et ses zémidjans* que pour son football. Mais, de plus en plus, le pays de Béhanzin est en train de changer la donne. Le premier match des Écureuils, lors de la 32e édition de la Coupe d’Afrique des nations, en a encore fourni la preuve.
Un exploit historique est-il en marche ?

Mickaël Poté - Photo : Pierre René-Worms/RFI
Mickaël Poté (maillot blanc) face au Ghana – Photo : Pierre René-Worms/RFI

Sur la partie du Golfe de Guinée allant du Nigeria à la Côte d’Ivoire, le Bénin est vu comme le petit poucet en matière de football. Les autres pays de cette bande, à savoir le Nigeria, le Ghana, la Côte d’Ivoire et le Togo, ont tous participé à davantage de Coupes d’Afrique des nations. Ils ont tous déjà accédé au deuxième tour de cette compétition. Et ils ont chacun joué au moins une Coupe du monde ! Ce que le Bénin n’a encore jamais fait…

Longtemps considéré un cran en dessous en termes de football, le Bénin commence pourtant à faire parler de lui, petit à petit, brisant le mythe. Pour son premier match de l’actuelle CAN, qui se déroule en Egypte, il a tenu en échec un des cadors d’Afrique de l’Ouest : le Ghana. Match nul, deux buts à deux. Le Bénin, qui n’a jamais passé le premier tour de la CAN, a tenu tête aux Black Stars, quadruple vainqueurs de la compétition.

C’est aussi à cause du Bénin que le Togo, son voisin de l’Ouest, ne participe pas à la CAN 2019. Lors du dernier match des éliminatoires, les Écureuils ont battu les Éperviers dans leur antre de Kouhounou. Quelques mois plus tôt, ils avaient déjà contraint les Togolais au match nul à Lomé.

De plus en plus, les Écureuils gagnent le respect des autres pays, qui avaient tendance à les prendre de haut lorsqu’il s’agit de football.

L’histoire du Bénin avec la CAN

Pourtant le pays revient de loin. Le Bénin en est à sa quatrième Coupe d’Afrique des nations. A ce jour, il n’a remporté aucun match dans la compétition. Au total sur 9 matchs disputés, avant l’édition égyptienne, le Bénin a totalisé 8 défaites pour 1 match nul. Contre le Ghana, les Écureuils ont donc engrangé leur deuxième match nul sur 10 matchs de CAN.

La première participation du Bénin à une CAN remonte à 2004. La bande de Moussa Latoundji n’avait marqué qu’un seul but et cumulé trois défaites. Résultats identiques en 2008. En 2010, le Bénin réussit à obtenir son premier match nul face au Mozambique ! Mais il perd les deux autres matchs. Lors de ces trois éditions, le Bénin a toujours croisé son voisin de l’Est, le Nigeria. Et il a toujours perdu.

Les espoirs béninois pour cette CAN 2019

Mais la victoire sur l’équipe togolaise menée Emmanuel Adébayor, synonyme de qualification pour la CAN 2019, a ouvert la voie à beaucoup d’espoirs. Surtout que les Écureuils avaient déjà battu en novembre 2018 les Fennecs de l’Algérie, à Cotonou.

Espoirs qui ont grandi lors du match à Ismaïlia. Les Black Stars des frères Ayew ont souffert face au Bénin. Il s’en est même fallu de peu pour que, dans les dernières minutes du match, l’attaquant Steve Mounié ne marque le troisième but et n’arrache la victoire !

Le buteur béninois Mickael Poté est actuellement en tête des buteurs, avec deux buts à son actif. Et le gouvernement béninois n’a pas lésiné sur les moyens pour mettre l’équipe dans les meilleures conditions depuis les éliminatoires. En avril dernier, le ministre béninois des sports, Oswald Homeky, a indiqué que l’équipe bénéficiait d’un cadre professionnel. Dans un entretien à Jeune Afrique, il déclarait : « Les histoires de primes sont réglées à l’avance. Les questions liées aux déplacements, aux hébergements et aux équipements également. Les rapports avec les joueurs sont déformais fluides. Nous ne voulons plus des problèmes du passé. » Tous les voyants semblent au vert pour que le Bénin réalise un exploit.

Même une éventuelle troisième place du groupe F leur permettrait de se qualifier. Avec la CAN à 24 équipes, les quatre meilleurs troisièmes de chaque groupe accèdent au deuxième tour.

Le prochain match sera contre les Djurtus de la Guinée Bissau. Une équipe largement à la portée des Écureuils, qui auront récupéré entre temps leur maître à jouer : l’emblématique capitaine Stéphane Sésségnon.

Espérons que la proximité de cet exploit ne paralyse pas la bande de Michel Dussuyer, le coach français des Écureuils. Si le Bénin passe le premier tour, nous aurons certainement des concerts de klaxons des Peugeot 405 et 505 et des zémidjans du marché de Dantokpa, de Cotonou à Natitingou. Ainsi plus personne n’osera dire que le Bénin est le petit poucet du football africain.

* zémidjans : appellation des moto-taxi au Bénin

Par Roger Mawulolo (facebook) (twitter)


Toofan, le football et la Coupe d’Afrique des Nations

Le football et la musique ont toujours eu un lien fort. Ainsi les grandes compétitions ont des hymnes ou des chansons dédiées. La 32e édition de la CAN, qui se tient en Egypte du 21 juin au 19 juillet 2019, ne déroge pas à la règle. Elle a un hymne composé et chanté par le groupe togolais Toofan. Une chanson qui va surtout rythmer les émissions de la chaîne Canal +, qui a commandé cette chanson.

Beaucoup ne savent pas que c’est une chanson liée à une CAN qui avait révélé les Toofan au grand jour. C’était en 2006 à partir du Togo avec les chansons « 2006 » et « Epervier Ogbragada ». La première chanson citée était en l’honneur des Eperviers du Togo qualifiés pour la CAN 2006, tenez-vous bien, en Egypte ! Comme l’actuelle édition.

Petit résumé de l’histoire du groupe Toofan

Plusieurs fois primé pour ses compositions, Toofan est un groupe qui a toujours démontré de l’amour pour le football. Depuis leur création en 2005, au moins cinq de leurs chansons sont liées au ballon rond.

Le groupe était à sa création composé de trois artistes : All-one, Barabas et Master Just. Il s’est par la suite réduit à deux. Pour reprendre des titres du groupe, ce ne serait pas un « affairage » de ma part que de vous dire qu’on peut considérer que All-one a fait « gweta » à Barabas et Master Just en choisissant « la vie bas ». (« Gweta » est une chanson de Toofan qui veut dire « esquiver ou fuir » tandis que « affairage », un de leurs titres aussi, veut dire « commérage » et « la vie là-bas » parle de l’immigration vers l’Europe.)

Aujourd’hui le groupe chante sur de grandes scènes avec des artistes de renom partout dans le monde. Il a signé avec la major Universal. Un aboutissement certain.

 « Panenka » pour la CAN 2019

Pour la 32e édition de la Coupe d’Afrique des Nations, Master Just et Barabas ont composé « Panenka ». Un hymne dédié à tous les amoureux du ballon rond. Le titre fait référence à ce joueur tchèque, Antonin Panenka, qui a inventé ce geste de classe et de grâce, renommé la « panenka » en son honneur. Elle sert à tirer des penalties.

Comme tous les joueurs, doués techniquement, qui arrivent à réussir ce geste, Toofan a démontré une fois de plus son talent.

La chanson débute par une évocation de divers systèmes de jeu utilisés en football à savoir le 4-4-2 et 4-3-3. Elle enchaîne ensuite sur l’esprit de famille et l’unité africaine que la compétition doit servir à renforcer. Et elle finit par inviter tout le monde à rester « en mode CAN ».

La chaîne Canal+ dans son émission « Talents d’Afrique » avait reçu les Toofan pour parler de « Panenka », si vous voulez en savoir plus. Et regardez bien le clip pour apprendre la danse.

« Africa Hoyéé » en 2012 et « Ola Ola » en 2015

Deux autres éditions de la CAN avaient déjà eu des clips dédiés par le même groupe. En 2012, lors de la CAN Gabon- Guinée équatoriale, c’était “Africa Hoyéé” dont le clip a été tourné à Lomé.

Dans Africa Hoyéé, le groupe évoque la joie et l’espoir que procure la passion du foot. Ce qui éloigne de l’image de guerre et de famine que l’on voit souvent de l’Afrique. La chanson finit sur une note qui dit “le football unit les peuples”.

Pour “Ola Ola”, la chanson a été faite avec d’autres artistes africains notamment Cano, Molare, Manni Bella, Eddy Kenzo, Singuila, Arielle T et Wizboyy. Elle insiste, elle, sur la passion des Africains pour le foot, le beau jeu et le comportement exemplaire à avoir sur le terrain… sans oublier les exultations du public !

Toutes ces chansons portent le sceau reconnaissable de ce groupe qui fait la fierté des Togolais. Une musique rythmée avec des paroles en anglais, français et en Mina, la langue véhiculaire parlée généralement à Lomé, la capitale togolaise. Le style argotique qu’ils utilisent n’est vraiment compréhensible que de certains initiés de Lomé !

Alors même si le Togo ne joue pas la CAN cette année, on peut sans crainte dire que le pays sera quand même présent par le biais de Toofan mais aussi de Claude Leroy, le sélectionneur des Eperviers qui sera sur les plateaux de Canal+ Afrique comme expert.

Bonne CAN 2019 à tous ! Dans une bonne ambiance musicale.

Par Roger Mawulolo (facebook) (twitter)


CAN 2019 : Dakar se prépare et sera prête

La Coupe d’Afrique des Nations de football se déroulera du 21 juin au 19 juillet en Egypte, au pays des pharaons. Le Sénégal y sera. Et tout le pays s’y prépare.
L’amour et la passion du peuple sénégalais pour le ballon rond et les Lions, l’équipe nationale, vont de nouveau se montrer.
Ce billet est publié dans le cadre de la #MondoCAN 2019 initiée par l’équipe de Mondoblog.

Un jeune supporter à l'intérieur du Sénégal -Photo :Ndianko Ndao (avec son autorisation)
Un jeune supporter à l’intérieur du Sénégal -Photo : Ndianko Ndao (avec son autorisation)

Le Sénégal a toujours été un pays de football et les attentes de la population sont devenues énormes depuis l’épopée des Lions à la Coupe du Monde 2002. Dans cette compétition où ils sont arrivés au stade des quarts de finale, ils avaient démontré toutes les capacités du Sénégal.

Aujourd’hui, à chaque compétition continentale ou mondiale de football, le peuple sénégalais rêve de voir les Lions revenir avec la coupe.

Cette année sera-t-elle la bonne ? Je ne saurais le dire mais je le souhaite vivement. Ce qui est sûr, c’est que tout le pays et toutes ses villes avec en tête la capitale, Dakar, se préparent à suivre avec ferveur la Coupe des Nations 2019.

Le Président Macky a remis le drapeau national aux Lions

La cérémonie de remise du drapeau national aux Lions du Sénégal a marqué les esprits. Elle s’est déroulée le vendredi 7 juin 2019. Au-delà de son aspect solennel, elle a été empreinte d’émotions lorsqu’un soldat ayant perdu ses deux membres supérieurs lors d’une mission a été présenté. Un exemple fort de l’engagement qui est demandé aux joueurs et au staff de l’équipe nationale. Le « blessé de guerre » a pris la parole pour dire aux Lions « ca-kanam » (« Allez de l’avant » en wolof, langue locale du Sénégal).

Les mots utilisés par le président Macky Sall étaient bien choisis pour motiver la troupe. Il a aussi rappelé aux joueurs toute la considération et le respect à vouer à l’aboyeur. Je veux dire le coach Aliou Cissé dont c’était le surnom lorsqu’il était joueur et capitaine des Lions du Sénégal.

Rappelant la devise du pays «Un peuple – un but – une foi », Macky Sall a demandé à la sélection nationale de jouer pour le peuple dans le seul but de ramener la coupe. Si l’on dit que la foi permet de soulever des montagnes, c’est qu’avec elle on peut aussi soulever une coupe, a dit en somme le Président. Il a par ailleurs demandé aux jouer de laisser le titre de «Lions de la Téranga» (Lions de l’hospitalité) au Sénégal et d’être, en Egypte, comme des lions dans une jungle où il faut régner. Son mot de fin a été « Dem ba diekh » (« allez jusqu’au bout », en wolof).

Le village de la CAN 2019 est prêt, la RTS aussi

A la place de la Nation (Place de l’Obélisque) à Dakar, les derniers travaux sont en cours pour la transformer en ce qui sera appelé le village de la CAN. Là, les populations pourront suivre tous les matchs de la compétition et surtout ceux du Sénégal.

La RTS (Radio Télévision Sénégalaise), la chaîne nationale, y fera ses plateaux spéciaux de couverture avec des invités bien choisis. Ce sera également une fan zone.

Le village de la CAN est une nouvelle version de ce qui a été le village du Mondial. Plusieurs sponsors en profitent pour accompagner la fête du football. Cette place se retrouve prise d’assaut pour les célébrations des victoires du Sénégal.

Installation du village de la CAN à la Place de la Nation - Photo : Roger Mawulolo
Installation du village de la CAN à la Place de la Nation – Photo : Roger Mawulolo

Les supporters sont prêts, les commerçants aussi

Le douzième Gaïndé (mot wolof signifiant lion), le groupe national de supporters qui accompagnera les Lions en Egypte, est aussi prêt. La délégation sera, dans les prochains jours, en Egypte. A part ceux qui voyagent, certains seront ici à Dakar pour animer les rues surtout quand le Sénégal joue.

La population sera aussi de la partie, dans les domiciles, les boutiques, les restaurants ou dans les bars. Tous les lieux où un poste téléviseur ou même une radio seront allumés seront pris d’assaut.

Les commerçants lancent déjà des publicités liées à la CAN. Les promotions sur les divers produits électroménagers sans oublier les crédits de communication téléphonique sont déjà publiées. Les vendeurs de maillots de l’équipe nationale ainsi que de tee-shirts à l’effigie des Lions du Sénégal voient déjà leurs chiffres d’affaires augmenter.

Comme le dit celui chez qui j’ai acheté mon maillot, les Chinois seront de la partie. Pour dire que les faux maillots seront bientôt sur le marché. Et il n’a pas eu tort.

Tout le monde espère ne pas revivre la désillusion du Mondial 2018.

Moi-même je suis prêt pour la CAN

De mon côté, je me prépare à suivre tous les matchs tant que cela sera possible. Mais je ne compte pas rater un seul match du Sénégal. Je supporte les Lions.

Je suis avec intérêt les matchs des autres équipes comme les Super Eagles du Nigeria, les Eléphants de la Côte d’Ivoire et les Bafana Bafana de l’Afrique du Sud. J’accorderais une attention particulière aux matchs des Lions indomptables du Cameroun. Mes ami(e)s du Cameroun vous diront certainement pourquoi je veux les suivre. Par ailleurs, il faut préciser que l’organisation de l’actuelle CAN leur a été retirée à quelques mois de son début. Le pays n’était pas prêt.

Je me ferai également un plaisir de produire quelques billets pour MondoCAN 2019, une initiative de l’équipe de Mondoblog. Les mondoblogueurs pourront proposer divers articles liés directement ou indirectement à la compétition. Le présent billet est le premier de la série.

Je vous souhaite une bonne CAN et surtout beaucoup de sensations fortes.

Par Roger Mawulolo (facebook) (twitter)