Que le mot “lusitanisme” ne vous fasse pas peur et paraisse gros à vos yeux ou oreilles. Il s’agit juste du terme utilisé pour désigner les mots d’emprunt ou d’héritage portugais dans une autre langue. Comme anglicismes pour les mots anglais.
Voici donc ma première liste de 12 lusitanismes de la langue véhiculaire de Lomé pour vous. Certains vous étonneront peut-être ou alors vous feront sourire ou éclater de rire, tellement vous les auriez utilisé sans le savoir.

Les Portugais ont été les premiers Européens à aborder les côtes africaines au XIVè siècle. A l’époque les pays n’étaient pas délimités et toute la côte du Golfe de Guinée était impactée. Ils y avaient mené des activités commerciales mais aussi et surtout la vente d’esclaves. Les différentes transactions ont induit des échanges de tous ordres, dont les langues entre les populations et les portugais. Par la suite, la grande vague des descendants d’anciens esclaves revenus du Brésil, des Caraïbes et de l’Amérique a aussi fortement influencé les langues parlées sur nos côtes. Ce retour massif a été à son apogée au 19e siècle.
Beaucoup de familles des villes côtières du Togo et des pays voisins ont des noms à consonance portugaise. Ce sont des descendants de portugais ou de personnes ayant travaillé pour les lusitaniens et qui ont hérité de leur nom. L’on peut citer entre autres : d’Almeida, Do Rego, De Souza, Olympio, Ribeiro, Da Silva, Rodriguez, Gomez, Domingo, Mariano, Monteiro, Santos, De Medeiros, Da Costa, Da Cruz, D’Oliveira entre autres.
Dans les lignes ci-dessous, je vous dresse à ma manière un petit panorama des emprunts et héritages du portugais dans la langue locale véhiculaire de Lomé. Pour les termes, la prononciation portugaise joue beaucoup.
Abounêkévi, kaléta et konkada sont portugais
Lorsque nous étions enfants, nous aimions cacher les poupées de nos sœurs. Et tous les enfants habillés d’une certaine manière étaient traités d’« abounêkévi« , nom local par lequel nous appelons les poupées. Ce mot « abounêké » vient du portugais « boneca« .
Nous avions en partage avec ces mêmes sœurs dont nous dérangions les « abounêkévi« , la passion d’une galette de moelle de noix de coco ou d’arachide mixé avec du sucre cuit. Cette galette, nous l’appelons « konkada » et il est très succulent. Les portugais sont aussi passés par là car à l’origine le « cocada » a été introduit par eux. Et le nom a été gardé et transformé en “konkada” au gré des prononciations.
Aux périodes de fin d’années, nous chantions souvent la chanson « kaléta kaléta gbo kaléta mou kéké » en suivant des groupes d’enfants masqués et dansant dans les rues. Mais nous étions loin d’imaginer que notre mot « kaléta » vient du lusitanisme « careta » (grimace, assimilée à masque, en portugais).
Dans les ateliers : plingo, saka et goma
Chez les menuisiers du Togo en général et de Lomé en particulier, l’on désigne le clou par le terme « plingo » C’est une déformation de « prego » le mot portugais désignant « clou ». Je vous rassure qu’il n’y aucun lien avec le diminutif qu’on sert aux présidents en les appelant « prégo ». En plus du plingo, nos menuisiers, désignés par le nom « capita » (anglicisme issu de carpenter), utilise des « saka« . Leurs scies sont désignées ainsi certainement à cause du mot portugais « serra« . Ne vous fiez pas à l’écriture mais écoutez la prononciation portugaise.
De chez le menuisier nous nous rendons chez le blanchisseur qui pour blanchir vos habits dira qu’il utilise du « goma » (amidon). Goma de tapioca en portugais signifie gomme de tapioca. Ce qui explique tout.

Dans les églises : vêlê, missa, biblia et Papa
Lorsque nous faisons un tour chez les religieux, nous avons la bougie qui est très utilisée. Que ce soit chez les catholiques que chez les fidèles du courant du « christianisme céleste » ou même des bouddhistes ou autres religions locales, la bougie est présente. Elle est appelée « vêlê » qui vient du terme portugais « vela« .
Les catholiques togolais disent souvent qu’ils font « missa » (messe) en lisant « biblia » (bible). Ces deux termes sont exactement pareils en portugais ainsi que le terme pour désigner le Pape qui est « Papa« .
Le portugais aux funérailles : loutou et adaka
Les cérémonies de sortie de deuil sont appelées « loutou dédé« . Le mot deuil est traduit par « loutou » qui vient du portugais « luto« .
Avant d’arriver à la sortie de deuil, il a bien fallu enterrer le défunt à l’aide d’un cercueil. Dans la langue véhiculaire de Lomé, le cercueil est appelé « adaka » qui est une déformation du mot portugais « arca » (arche ou boîte).
Le féchada des De Souza et compagnie
Si vous connaissez les petits enfants de la famille royale de Kodjoviakopé, demandez-leur ce qu’ils consomment souvent lors de leurs fêtes de retrouvailles annuelles. Il s’agit du « feijoada » qu’ils appellent « féchada » qui est un plat portugais.
Ah ! J’allais oublier que le nom de cette famille royale est « Kodjovia De Souza ».
Ainsi prend fin notre premier petit tour des lusitanismes de la langue de Lomé.
A vos commentaires donc…
Merci
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