Dans les langues locales du Togo, gari est appelé gali. Longtemps considéré comme l’aliment des défavorisés, le gari se fait depuis un bon moment une nouvelle notoriété. Au Togo surtout, mais également au Ghana ainsi qu’au Bénin, il a retrouvé ses lettres de noblesse. Même dans les diasporas de ces pays, beaucoup ne jurent que par lui. On le trouve aussi au Nigeria ainsi qu’au Cameroun où il est appelé “tapioca”. Je précise qu’au Togo et au Bénin, le tapioca est différent du gari. Mais bon, le Cameroun est particulier. Bref, revenons au gari...

Le manioc est l’élément de base pour la fabrication du gari. Cette tubercule a été introduite en Afrique de l’Ouest par les Portugais au début du XVe siècle.
De nos jours, il demeure une tubercule très prisée car assez facile à cultiver sur diverses surfaces. Au Togo, au Bénin et au Ghana notamment, il est consommé bouilli ou pilé (foufou). Au Sénégal, on en retrouve des morceaux bouillis dans le célèbre tiep bou diène.
Par ailleurs, le célèbre attiéké ivoirien est aussi réalisé à partir du manioc.
La préparation
La préparation du gari se réalise généralement sur 3 à 4 jours environ. Le manioc est récupéré puis traité en plusieurs étapes que l’on peut regrouper en deux phases.
La première phase est constituée du lavage, du râpage, de la fermentation, du pressage, du tamisage ou de l’émottage et en dernier de la cuisson ou garification. A la fin de cette phase, le gari brut est obtenu. La deuxième phase permet l’affinage par le refroidissement et le tamisage. L’emballage et le stockage boucle l’ensemble du processus. Le tamisage permet de donner au gari sa granulométrie finale.
Toutes les étapes sont importantes pour l’obtention d’un gari de qualité. De nos jours, le matériel servant à produire du gari se modernise et se mécanise.
Le nom “gari” (gali en langue locale au Togo) vient du processus de râpage. En effet, ce râpage, à l’époque et même aujourd’hui, se faisait sur un plateau en fer ou en acier percé de petits trous, appelé en langue locale (Ewe et Mina) “ga”. Le verbe “râper” est synonyme de “li” dans les mêmes langues. Ce qui donne le mot “ga-li” qui signifie “c’est le plateau en fer qui l’a râpé”.

Les experts en la matière
Au Togo, les experts en préparation de gari sont les populations de la préfecture de Vo dont le chef-lieu est Vogan. Elles ont exporté leur expertise dans beaucoup d’autres régions et ont ainsi formé plusieurs fabricants.
Grâce à ce transfert de compétences, on peut aujourd’hui entendre parler de Anfoin-gali, Gléï-gali, Tsévie-gali. Anfoin, Gléï et Tsévié, des villes du Togo.
A Vogan, l’épicentre du gari, le vogan-gali a des variétés dénommées : Lagos-vi (le Lagossien), Madoumakou (je le mangerai à tout prix) ou encore yovodévi (l’européen). Ce sont des garis de luxe.
Les régions frontalières du Togo et du Bénin se partagent l’expertise en gali. Agoué-gali appelé ahayoé ou encore sonhui sont des garis d’excellente qualité, sans oublier le missê-gali de Savalou. Au Nigéria, l’on colore souvent le gari en jaune, grâce à de l’huile de palme.
Les informations données dans cette partie (les experts du gari) ainsi que l’explication du nom gali, donnée plus haut, ont pour source la vidéo réalisée en langue Mina par Chimène la Togolaise sur sa page Facebook.
Quatre vies du gari dans l’eau
Le champion de la classe est le galidossi. Très adulé, il s’agit d’un mélange d’eau et de gari complété par du sucre, du lait et des arachides grillées. La saveur est exquise. La quantité d’eau doit être suffisante pour submerger ou noyer complètement le gari, d’où son surnom de tôgba (lagune). Il existe même un tee-shirt dédié : « Galidossi is our caviar » réalisé par la marque togolaise « La marmite noire« . Un évènement de dégustation, dénommée « Galidossi party » s’est également tenu à Lomé en octobre 2020.

Après le chef galidossi, nous avons le pinon, appelé éba au Bénin voisin. Il s’agit d’une pâte de gari préparée à l’eau chaude. A l’aide d’une spatule, on fait tourner le mélange afin d’obtenir une pâte selon la texture voulue. Le pinon se mange accompagné d’une sauce. Il est un cousin du célèbre akoumê, la pâte de maïs togolaise. Il peut être blanc ou rouge.
L’un des lieutenants du Général galidossi est le galifoto. Je ne vous dis pas ce qu’on sent lorsqu’il vous glisse sur le palais. Pour l’obtenir, on prépare une omelette et on le mélange au gari légèrement mouillé. Et puis c’est tout. On peut y rajouter des morceaux de viande et même du poisson frit.
Sa simplicité peut lui valoir le grade de soldat de rang. Ce qui ne veut en aucun cas dire qu’il est le moins savoureux. Le gali kou dessi se conçoit et se réalise en toute simplicité. Il s’agit juste du gari arrosé de sauce. Tous les types de sauce se prêtent au gali kou déssi.
Pour ramollir un peu le gari et surtout atténuer sa force d’absorption, on le mouille souvent un peu avant d’y mettre la sauce, sinon la quantité de sauce à utiliser serait importante. Ah oui, il faut bien faire des économies, n’est-ce pas ?
Une des utilités de notre mets du jour est de servir à boucler un repas, surtout ceux avec une sauce. Chez certaines personnes, c’est une habitude, sinon, une tradition que de finir ainsi leur repas.
« Un peu de gari pour terminer la sauce ou pour nettoyer l’assiette »
3 vies du gari à sec

Le gali pipi est le plus simple. Il s’agit juste de manger du gari à sec. Selon les capacités de chacun, il peut s’agir d’une poignée, d’un bol ou d’une assiette de taille variable. On appelle ça affectueusement en langue « énoumédénou« . On peut traduire ça par « juste pour le plaisir ».
Le gali kou éné (gari accompagné d’amandes de noix de coco) est succulent et fait la joie des personnes de tout âge. Une de ses variantes est le gali kou népi dans lequel les amandes de noix de palme remplacent celles de noix de palme. Un mets pour les connaisseurs. Ces plats servent souvent de goûter et de moment de partage.
Le gali kou koukloui, quand à lui, c’est du gari accompagné d’une galette d’arachide généralement de forme effilée. Le gonazo, forme ronde du koukloui, peut le remplacer. Les dérivées sont gali kou konkada ou gali kou louga. Konkada et louga sont des friandises à base de sucre et d’arachide.
Quelques hors-catégorie
En hors-catégories, nous avons des tubercules de patate douce, écrasées et malaxées avec du gari puis arrosées d’huile végétale. Une mixture très succulente qui permet de tenir la faim pendant des heures. C’est le gali kou dzété. On peut le réaliser avec des morceaux d’igname ou d’alloco frits.
Le gawou, une galette à base de haricot, peut s’inviter dans la danse. Il est écrasé à la main et malxé avec le gari. Ce qui donne le gawoufôtô.
Un autre formatage de consommation est de saupoudrer de gari du riz à la sauce ou du haricot à l’huile végétale ou de palme. Ce sont respectivement ce qu’on désigne en langue locale par moulou kou gali et vêyi kou gali.
Le gari, un concept social
Deux proverbes ou expressions courantes utilisées au Togo sont relatifs à cette semoule.
Quand un Togolais veut t’interdire de faire entrave à la bonne marche de ses affaires ou d’un projet important qu’il mène, il te dit « ngba kou kô do gali mé nam o lo« . Littéralement, cela veut dire « ne mets surtout pas de sable dans mon gari ». Et c’est que le sujet est très sérieux.
« Gali ké kô d’agnigban mou trô yô na agban o » est une autre expression utilisée pour dire que l’on doit toujours prendre soin des trésors dont on dispose. L’expression traduite en français donne « le gari renversé au sol ne peut jamais être totalement récupéré ».
Lorsque l’on vit à l’extérieur de son pays, la consommation du gari est une façon de garder le lien avec le pays. J’en ai fait l’heureuse expérience quand après trois semaines à n’avoir pas manger de plats togolais, l’on m’a servi un pinon bien chaud à Gueule tapée dans un quartier de Dakar. Jamais pinon n’a été aussi doux dans mon gosier. Mon âme a béni le Seigneur et j’ai compris pourquoi on appelle ce mets « le sauveur ».
« Ngba kou kô do gali mé nam o lo »
Expressions togolaises relatives au gari
(ne mets pas du sable dans mon gari)
« Gali ké kô d’agnigban mou trô yô na agban o »
(le gari renversé au sol ne peut jamais être totalement récupéré)
Le gari, ce mets simple, demeure très prisé sur la côte ouest africaine et centrale. Il est très accessible à toutes les bourses. De nos jours, il est également une source de revenus importante pour des communautés, notamment des groupements d’intérêt économique, surtout féminin. Et beaucoup d’ONG (Organisation Non Gouvernemental) et autres institutions établissent des programmes d’accompagnement des populations rurales pour la modernisation du secteur, par la formation ou la mécanisation des acteurs.
Sacré gari !
Préparation de galidossi
Vidéo : Roger Mawulolo
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