Avec certaines discussions et interventions lors de la dernière formation Mondoblog tenue à Dakar, je me suis vraiment interrogé sur le type de blogueur que je dois être.
Il m’a fallu entendre un aîné parler le dimanche et que le lundi, je lise le dernier billet d’Ecclésiaste Deudjui pour que cette question me revienne à l’esprit.
Dois-je (devons-nous) être un (des) blogueur(s) thermomètre(s) ou un (des) blogueur(s) thermostat(s) ?

Martin Luther King, le défenseur bien connu des droits humains, était aussi Pasteur. Il avait jugé que dans une communauté chrétienne on avait des fidèles thermomètres et d’autres qui sont des thermostats. Le premier groupe se contente de mesurer la température et de s’y conformer tandis que le second ne se contente pas seulement de la mesurer mais la régule.
Ceci veut dire tout simplement que les fidèles « thermomètres » n’agissent en rien sur les évènements qui se passent dans leur environnement. Ils laissent faire et subissent alors que les « thermostats » agissent, dénoncent et proposent des solutions.
Ceci peut facilement s’appliquer à tout autre groupe mais aussi aux blogueurs.
Le blogueur thermomètre
Le blogueur thermomètre se contente d’écrire tout en évitant les sujets qui fâchent. Je dirai qu’il écrit pour juste décrire la nature sans rien de plus. Il ne donne aucun avis, ni aucune orientation. Il est un simple spectateur. Qu’on tue les autres, qu’on les méprise ou qu’on les exploite ou qu’on bafoue les droits humains lui n’en a cure. Qu’on maltraite la veuve ou l’orphelin, que la mauvaise gouvernance s’instaure, ce n’est pas son problème.
Qu’on détruise l’environnement, que des migrants meurent, que des kamikazes tuent en se tuant ou que des terroristes décapitent des innocents, lui préfère regarder ailleurs ou composer des poèmes à l’eau de rose. Encore qu’avec des poèmes on peut dénoncer des choses qui ne fonctionnent pas.
Qu’on craigne d’être taxé d’homophile ou d’homophobe, on est thermomètre. Qu’on craigne de donner son vrai avis sur un sujet, c’est pareil.
Si nous vivons dans un pays dirigé par un dictateur et que nous craignons pour nos vies, nous pouvons au moins parler du voisin qui bat sa femme ou qui néglige ses enfants. C’est aussi un sujet qui peut éveiller des consciences.
Le blogueur fermant ses yeux sur ce qui ne va pas et qui préfère par peur ou indifférence ne rien dénoncer est donc un « blogueur thermomètre ». Son comportement est fonction de celui du groupe où il vit. Tel un béni oui-oui.
Le blogueur thermostat
Le thermostat ne se contente pas d’indiquer la température de l’endroit où il est placé, mais agit ou réagit quand cette température n’est pas normale, pour la ramener au niveau voulu.
C’est cela que doit être un blogueur : écrire quand il y a un problème. Écrire avec des preuves et des arguments. Dire ce qui ne va pas même si cela doit déranger. Faire entendre les voix de ceux qui n’ont pas d’espaces d’expression.
Face à la montée de la violence aveugle qui tue, viole, maltraite, asservit par mille et une voies, doit-on se taire et faire semblant ? Face au dérèglement climatique, doit-on rester coi?
Dans certaines traditions africaines, le bélier est sacrifié lorsque la paix revient entre deux groupes qui étaient en conflit. On dit souvent que si le bélier lui-même avait cherché à prévenir le conflit en dénonçant les germes souvent visibles, il aurait évité qu’on le sacrifie à la fin car le conflit n’aurait même pas débuté. C’est une image pour indiquer que lorsque la case de notre voisin brûle il faut l’aider à éteindre le feu, de peur que le feu n’atteigne notre propre case. Donc cher blogueur, fuir les problèmes de la société pourrait, un jour, se retourner contre toi et tu pourras être la victime du problème que tu évites de dénoncer.
Les risques d’être un thermostat

Il est vrai que certains blogueurs engagés l’ont payé de leur vie. Je m’incline devant la mémoire de Neloy Neel, un blogueur engagé assassiné en cette année même au Bangladesh.
Dans beaucoup de pays aussi, des blogueurs sont traqués, emprisonnés et maltraités physiquement ou mentalement. Connaissez-vous les blogueurs Alexeï Navalny, Amos Yee, Alaa Abdel Fattah, Raif Badawi ? Eux sont connus pour souffrir de leur engagement mais d’autres moins connus ou pas du tout souffrent aussi en silence et dans l’oubli.
A la récente formation Mondoblog de 2015 à Dakar, on a certains amis blogueurs que je ne citerai pas qui nous ont parlé des menaces reçues. Certains ont dû, à certains moments, cesser leur publication sous peine de représailles. Si tu n’as jamais vécu cela, tu ne peux pas comprendre.
Mais est-ce une raison pour se taire ? Moi je dis non car le mal ne fera que progresser et devenir plus fort, plus pernicieux.
Faire son choix
Interpeller, sensibiliser, conscientiser, informer, éveiller les consciences : voilà le rôle que moi je trouve nécessaire pour un blogueur. C’est de cela qu’il s’agit. Un blogueur est un porte-voix des sans voix de nos sociétés. Il faut certainement dire ce qui marche mais encore plus dénoncer ce qui ne va pas.
Comme nous sommes à l’époque des #JeSuis…., à toi, cher ami blogueur, de faire le choix entre : « #JeSuisBologueurThermometre » et « #JeSuisBlogueurThermostat ».
Sans cela, pour moi et selon moi, vous n’aurez jamais le droit de dire « Mondoblogito ergo sum ». Vous pourriez aussi me répondre que vous ne l’avez jamais dit et je vous demanderai à quoi donc sert votre blog.
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