Le 5 octobre 1990 est l’une des dates déterminantes de l’histoire contemporaine du Togo. Et de cette date à nos jours, il y a eu des changements que chacun apprécie à sa manière.
Il y a donc 30 ans que les faits se sont produits. Moi, j’avais 12 ans.
Je vous livre ici quelques changements induits par cette date. Avec le temps, on n’y fait plus très attention. Certains ne sont pas survenus immédiatement dans la foulée de cette date fatidique, mais ils n’en sont pas moins des conséquences directes.

Le 5 octobre 1990 est la date à laquelle au palais de Justice de Lomé, des étudiants, notamment Dossouvi Logo et Agbélengo Doglo, étaient jugés pour distribution de tracts qualifiés de subversifs à l’endroit du régime en place, sur le campus universitaire. Oui, ils avaient osé critiquer le régime en place. A l’époque, c’était grave.
Ainsi, les évènements ont dégénéré en des troubles qui ont secoué Lomé et ses environs. On peut dire, sans risque de se tromper, que depuis cette date, plus rien n’a été comme avant au Togo et ce, jusqu’à nos jours.
L’une des conséquences directes de ces évènements, a été la Conférence nationale débutée en juillet 1991. Elle était déclarée “souveraine” pour certains et “dite souveraine” pour d’autres.
Mais ceci n’est pas le sujet de mes propos.
Le 5 octobre 1990 et l’hymne national
L’exécution de “Terre de nos aïeux”, qui était à l’époque l’ancien hymne du Togo, a été l’une des actions déterminantes de la journée du 5 octobre 1990. Il a ravivé des souvenirs glorieux pour certains et jeté le trouble dans l’esprit d’autres.
En effet, cet hymne composé par Alex Casimir-Dosseh a été adopté à l’indépendance comme celui du pays. Mais il a été remplacé en 1979 par un autre, nommé “Unité nationale”. Le troisième congrès du parti-État de l’époque (le RPT, Rassemblement du peuple togolais) tenu les 27, 28 et 29 novembre a pris cette résolution qui fut ensuite entérinée par la Constitution.
Les réclamations alors débutées ouvertement le 5 octobre 1990 ont abouti à la restauration de cet hymne en 1992.
Le 5 octobre 1990 et la devise du Togo
Au 5 octobre 1990, la devise de la République Togolaise était “Union, Paix, Solidarité”. Il en avait été décidé ainsi par l’État, toujours suite au Congrès de novembre 1979 du Rassemblement du peuple togolais (RPT).
Le 5 octobre 1990, l’ancienne devise “Travail, Liberté, Patrie” a été scandée haut et fort au Palais de justice de Lomé lors du procès mentionné dans la partie précédente.
Un de nos voisins, un agent de la fonction publique d’une quarantaine d’années à l’époque et qui assistait par curiosité au procès est revenu tout tremblant et au pas de course à la maison. A toute question qu’on lui posait, sa réponse était “ils ont chanté “Salut à toi” et crié “Travail, liberté, Patrie”. Dès qu’il disait cela, tous les visages étaient effarés. Ce n’est que bien après que nous, les plus jeunes, avions compris. « Salut à toi » était le début de l’hymne « Terre de nos aïeux » ; Et rien que le titre effrayait.
Les palais des congrès de Lomé et de Kara
Avant le 5 octobre 1990, il n’y avait pas d’appellation « palais des congrès ». Les bâtiments de Lomé et Kara que vous connaissez aujourd’hui sous ces appellations s’appelaient « Maison du parti ».
Ils étaient les lieux de rassemblement des forces vives de la nation, rassemblées dans le même creuset national de l’époque, le Rassemblement du Peuple Togolais (RPT). C’était le temps du parti unique ou parti-État. L’on disait aussi « Maison du RPT ».
Alors, le 5 octobre 1990 a secoué l’édifice du parti unique et les diverses réformes ont mené vers le changement de nom de ces édifices considérés comme des patrimoines nationaux.

La réhabilitation du 27 avril comme Fête nationale
Même si la restauration de la célébration officielle du 27 avril comme Fête nationale du Togo n’est intervenue qu’en 2006, les réclamations pour sa restauration ont débuté juste après les manifestations du 5 octobre 1990.
Ainsi, à l’époque, sur les documents officiels du pays et même des calendriers, le 13 janvier était la fête nationale du Togo et le 27 avril ne portait aucune mention. Le 27 avril était donc un jour ordinaire et ouvrable.
Il fallait être un enfant ou un élève très courageux pour oser demander à ses parents ou à son instituteur pourquoi le 27 avril n’était pas célébré.
Le réintroduction des prénoms occidentaux dans les documents officiels
De 1974 jusqu’aux années 1991 au Togo, il était difficile voire impossible que les prénoms comme Guillaume, Roger, Bénédicta, Hyppolite, Gabriel ou Jean-Pierre figurent sur un acte de naissance d’un Togolais né au Togo. Au contraire, on avait plutôt Kodjo, Komla, Kokou, Kossi, Séna, Edem, Mawulolo, Dzitri, Agbéko, Essozimna, Eyadéma, Babanam, Yendoubé et autres. C’était l’époque de l’authenticité.
Le 24 janvier 1974, le DC3 présidentiel, à bord duquel se trouvait le Président Gnassingbé Eyadéma, s’est crashé à Sarakawa. Le Général y a survécu. A son retour le 2 février 1974 à Lomé, le pays a opéré le retour aux sources authentiques du pays, dont les prénoms. Etienne Gnassingbé devient Gnassingbé Eyadéma. Tout le peuple a suivi, l’administration a fait le reste. Des Edouard sont devenus Edem, les Barthélémy mués en Gbégnon…
Après le 5 octobre 1990, ces noms de baptême, comme on l’appelle au Togo, ont refait surface. Moi-même, mon père a été heureux d’aller rajouter Damien Roger à mes prénoms authentiques sur mes documents officiels. Ceci au prix de l’établissement d’un jugement supplétif. Mais, rassurez-vous, cette retouche n’a pas concerné mon âge.
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