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Douze mots portugais de Lomé - partie 2

Mon précédent billet écrit en français mais parlant portugais à travers la langue cosmopolite partagée à Lomé et dans plusieurs villes du Togo semble ne pas vous avoir laissé indifférents.
Ce qui a aiguisé ma curiosité. Voici douze autres mots de la même origine desquels nous nous servons régulièrement.

Circulation sur le Boulevard des armées à Lomé – Image libre BenSim77, CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons

La première partie de notre balade portugaise s’est terminée sous un air gastronomique. Reprenons donc par le même bout.

Le portugais des cuisines de Lomé : gafo, sabala (sablôè) et ayo

La fourchette est appelée à Lomé « gafo« , qui est une déformation du mot portugais “garfo”. L’on peut même présumer que nos aïeuls ne mangeaient qu’avec les doigts jusqu’à ce qu’apparaissent les parents de Vasco de Gama. Ils devaient donc avoir dans leurs affaires des garfo pour manger. Ce que nous avons donc prononcé à notre façon et obtenu « gafo ».

Au Togo quand vous allez chez la vendeuse de kon’m, vous entendrez certainement un client dire “nam sablôè vidé kpé” (donne-moi encore un peu d’oignon). Il s’agit des tranches d’oignon cru que nous dégustons avec ce plat de “pâte de maïs habillé”. C’est un des autres noms du célébrissime kon’m. Le mot “sablôè” est la transformation du “cebola” portugais. L’on dit aussi “sabala”.

Ayo né sui” (mettez de l’ail à suffisance) est une expression connue au pays de Mlapa 3 de Togoville. La similitude entre le mot portugais désignant l’ail avec notre ayo national ne peut relever du hasard. L’un est le père sinon le grand-père de l’autre. Les lusitaniens disent “alho”. Comme je le disais dans la partie 1, fiez-vous à la prononciation de Cristiano Ronaldo plutôt qu’à la lecture comme un français.

La cuisine encore et toujours : salada et moyo

Les matins dans les villes togolaises, vous pourriez nous voir prendre du pain et de la salade. Oui, c’est une sorte de sandwich que nous aimons bien, surtout dans les cours de récréation. Nous nous groupons alors autour de la “salada-tô” (vendeuse de salade). Oui la salade à Lomé, nous l’appelons “salada”, tout comme les compatriotes de José Mourinho.

Les Loméens et les Cotonois aussi disent souvent “sauce moyo”. C’est une grave tautologie mais nous ne le savons pas. Le mot sauce est traduit en portugais par “molho”. Il s’agit en fait de la sauce tomate. Et c’est bien de là que vient notre “moyo”.

Sablôè ( oignon en français et cebola en portugais) trônant avec le plat local kon’m – Photo : Roger Mawulolo

Point et santé : akonta et

Après avoir si bien mangé il faut bien faire le point. Oui, même avant d’aller au paradis, il nous est dit qu’un point sera exigé. A Lomé et ses environs, on dit “ad’o akonta” (faire ou rendre les comptes). Le calcul en portugais se dit “conta”. Il semble que le terme vient de là. “Conta” est devenu “akonta”.

En portugais, peine ou maladie peut se dire dor ou doença. Plusieurs études soutiennent que le mot “” utilisé pour dire maladie, tant dans la langue cosmopolite de Lomé qu’en Ewé proviendrait de cette source.

De la plage vers le Ghana et le Bénin  : copra, saya et nlêssi

Les exploitants de cocoteraie connaissent bien le copra et cela même avant l’arrivée des colons français sur la côte du Golfe de Guinée. Ce mot est d’origine portugaise et les français même l’ont comme lusitanisme dans leur langue. Le copra est obtenu par le séchage de l’amande fraîche de la noix de coco. Accompagné de gari, le copra fait des merveilles à nos papilles gustatives.

A Lomé, une forte colonie béninoise existe et quand leurs dames portent de larges robes, on dit qu’elle sont en “mami saya”. Saya vient du portugais “saia”, qui veut dire jupe.

Si donc le Loméen n’a pas été séduite par la Béninoise, il peut se rabattre vers Aflao, la ville ghanéenne voisine. Mais là, il sera obligé de parler “nlêssi gbé”. Cette expression désigne la langue anglaise. Une bien curieuse ressemblance, donc avec le mot portugais “inglês”.

L’Eglise toujours : Kristo et sacramento

Les chrétiens togolais appellent le Christ, Kristo. Notre premier contact avec les pratiques catholiques ayant été induit par les compatriotes de Bartolomeu Dias, Kristo vient certainement de là, même s’il est né à Bethléem.

Le Saint sacrement de la même religion est appelé “sacramento” à Lomé comme au Portugal. La phrase fétiche des mamans catholiques “Ma d’o gbé d’a lé sacramento gbô” (Je prierai devant le Saint sacrement).

Je ne dirai pas qu’ainsi prend fin notre tour portugais à Lomé ou au Togo. Toutefois, la probable suite dépendra des résultats de mes prochaines recherches.

Finissons avec ce clip de l’artiste togolais Green-G qui nous parle des 3 épices (Dotê, sablôè et ayo) prisées des Togolais. Deux parmi elles vous rappellent quelque chose, non ?
Mia dogo*

* mia dogo : A bientôt, en langue de Lomé

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Commentaires

Eleonore
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super travail de recherche! C'est vraiment intéressant de connaître ses similitudes entre les langues

Mawulolo
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Merci tata

Benedicta honyiglo
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Merci pour ton billet très instructif. Je voulais ajouter une petite contribution, pour l'oignon, certains disent aussi : saboulè, sabala ou encore sabalè !!

Mawulolo
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sabala est le terme utilisé en Ewe. Au Sénégal, on dit sôblè ou sonblê selon la prononciation des uns et des autres... Tjrs le portugais