Je parie que bientôt nous aurons des coaches chinois à la tête de nos sélections africaines, tellement les africains sont peu prophètes sur leur propre continent. La CAN 2017 en est une parfaite illustration avec la « tonne » d’entraîneurs expatriés présents ((12 sur 16 !). La CAN ne fait donc pas seulement grincer les dents aux coaches européens. Elle fait sourire certains, les « sorciers blancs ».

Les coaches de la CAN 2017
Seize coaches : dix Européens, quatre Africains, un Sud-américain et un Asiatique se répartissent les directions des sélections dans cette édition 2017.
Parmi les dix Européens, la France se taille la part du lion avec cinq entraîneurs. Tels des dompteurs, Claude Leroy dirige les Éperviers du Togo ; son ex-Adjoint Hervé Renard tient les rênes des Lions de l’Atlas, le Maroc. Michel Dussuyer mène les Éléphants de Côte d’Ivoire pendant que Henryk Kasperczak gère les Aigles de Carthage, la Tunisie. L’ex-bleu Alain Giresse est le coach des Aigles du Mali. La liste est complétée par deux Belges (Hugo Broos avec le Cameroun et Georges Leekens avec l’Algérie), un Portugais (Paolo Duarté avec le Burkina-Faso), un Serbe (Milutin Sredojevic avec l’Ouganda) et un Espagnol (José Antonio Camacho avec le Gabon).
Les autres viennent d’Amérique latine (Hector Cuper, Argentine) ou d’Asie (Israël avec Avram Grant). L’Afrique ne fournit, elle-même, que 4 coaches avec Aliou Cissé (Lions du Sénégal), Florent Ibenge (République démocratique du Congo), Kalisto Pasuwa (Cranes du Zimbawbé) et Baciro Candè (Guinée-Bissau). Parmi eux, seul Florent Ibenge peut se targuer d’avoir déjà été sur le podium de la compétition avec la RDC en 2015. Il est d’ailleurs le seul, parmi eux, à avoir dirigé une équipe lors d’une CAN avant cette année. Pourtant Claude Leroy, à lui seul, a participé à neuf éditions de la CAN avec 6 équipes différentes et en a remporté une. Hervé Renard, lui, totalise déjà deux trophées de cette compétition, gagnés avec la Zambie et la Côte d’Ivoire. C’est tout dire.
Pourquoi les « sorciers blancs » sont préférés ?
Nous disons souvent en Afrique que, même si l’on déteste le lièvre et que l’on insulte ses grandes oreilles, il faut au moins reconnaître qu’il court plus vite que nous. Plusieurs raisons militent en faveur des entraîneurs européens souvent désignés sous l’appellation de « sorciers blancs » :
- L’imaginaire africain
Nul ne peut dire que dans un coin de la tête des Africains -même si c’est à leur corps défendant- est ancré le mythe de la supériorité du « blanc ». Lorsqu’il arrive qu’une équipe africaine accepte d’avoir un coach africain, le traitement et les rémunérations ne sont jamais les mêmes que pour un coach européen. D’ailleurs certains grands clubs africains sont dirigés par des Européens. Hubert Velud, après Philippe Carteron, a dirigé le TP Mazembé, l’un des meilleurs clubs africains. Il vient d’ailleurs de signer un nouveau contrat avec l’Étoile du Sahel (Tunisie).
Même lorsqu’ils échouent dans un pays, ils rebondissent dans un autre. Michel Dussuyer, qui a peiné avec le Bénin, dirige, de nos jours, la Côte d’Ivoire. Alain Giresse, qui a raté une CAN avec le Sénégal, dirige le Mali actuellement. Les circonstances atténuantes sont rarement accordées aux coaches africains par leur propre pays (autorités, joueurs et public sportif compris).
- Le niveau du football européen
Aussi Africain et fier de l’être que nous sommes, il faut admettre que le niveau du football européen est de loin supérieur à celui de notre continent. Les meilleures écoles de formation d’entraîneurs sont en Europe et le taux d’Africains à y être formés n’est pas très significatif. Les Africains qui sortent de ces écoles sont souvent des entraîneurs de petits clubs et quand ils sont dans les grands clubs, ils sont des éternels adjoints ou juste membres de leur staff. Boubacar Sarr « Locotte » a été longtemps coach adjoint au PSG.
Des joueurs professionnels africains évoluant en Europe ont plusieurs fois eux mêmes réclamé des coaches européens pour leurs équipes nationales. Ils expliquent cela par le fait qu’ils sont plus outillés et plus professionnels que les Africains.
- Leur réseau et leur capacité d’adaptation
Les coaches européens ont un très bon réseau, cela leur donne accès à l’Afrique. Même les services de coopération s’y mettent parfois. Je me souviens encore du temps où feu Goetlieb Goeller entraînait le Togo grâce à la coopération allemande. Les agents de football aussi permettent un parfait maillage du territoire africain, ils placent ces entraîneurs à la moindre demande. Les équipementiers interviennent aussi parfois.
Les coaches européens s’accommodent des pratiques mystiques imposées par certaines fédérations, même s’ils n’y croient pas. Il faut aussi leur reconnaître qu’ils étudient bien la psychologie africaine avant d’arriver sur le terrain. Certains vont encore plus loin, Feu Bruno Metsu a épousé une Sénégalaise quand il dirigeait les Lions de la Téranga, il a même adopté le prénom de « Abdou Karim » pour se mettre à la couleur locale ! A son décès, il a été enterré au cimetière musulman de Dakar. Plus qu’une adaptation.
In fine, les coaches européens ont encore de très beaux jours à la tête des sélections africaines.
Des preuves de réussites africaines existent pourtant…
Qu’attendons-nous pour réellement donner leur chance aux coaches africains ? Sont-ils aussi mauvais ? Nos fédérations et Etats réclament des entraîneurs expérimentés sans en former, même ceux qui se forment ne se voient pas confier des sélections. Comment donc gagneront ils en expérience ? Pourtant Yéo Martial a remporté la CAN avec la Côte d’Ivoire (1992). Mohamed El-Gohary (1998) et Hassan Shehata (2006, 2008 et 2010) cumulent 4 trophées avec l’Égypte. Et feu Stephen Keshi (2013) a gagné cette CAN avec le Nigeria. Il avait d’ailleurs qualifié le « petit » Togo pour le Mondial 2006 devant le Sénégal, alors dirigé par le Français Guy Stéphan.
Si nous ne nous réveillons, bientôt les Chinois et les Indiens seront à la tête de nos équipes de football. Déjà qu’ils prennent nos économies…
Par Roger Mawulolo [facebook] [twitter]
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