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Sénégal : les habitudes du Ramadan

Au Sénégal, le Ramadan est une période particulière. Il induit un changement notable d’habitudes.

Ramadan - ccQATAR Ramadan Greetings sur Flickr
Ramadan – ccQATAR Ramadan Greetings sur Flickr

L’année dernière, je vous avais parlé de toutes les péripéties du choix de la date de début de Ramadan, sachant que cette dernière a forcément une répercussion sur la date de fin. Au Sénégal, pour choisir quand débuter et finir cette période, tout est lié à la lune et à celui qui l’a vue. Une fois le Ramadan lancé, le panier Ndogou rythme les ruptures de jeûne. Au-delà de ces deux points, il y a d’autres habitudes dont je vous parle ici.

Le week-end d’avant et d’après

Dakar est une ville réputée festive et bouillante les soirs et les week-ends. Je vous l’assure, le week-end d’avant le Ramadan et celui d’après sa fin sont comparables à ce qu’on peut voir les 24 et 31 décembre. Tous les restaurants, bars et boîtes de nuit de la ville sont pris d’assaut et les Dakarois, futurs jeûneurs y compris, y vont à fond, dans la fête. Comme le dit un ami, le jeûne est une course de fond, donc il faut emmagasiner de l’énergie pour tenir. Je ne saurai dire de quelle énergie il s’agit ici. Là, il s’agit du début. Pour le week-end suivant la fin, il me dit que c’est un rattrapage de tout le temps d’abstinence. Je me demande presque ce qu’il rattrape, vu ce qu’il a emmagasiné.

Les crachats et les sotiou

Pendant cette période de jeûne, beaucoup s’abstiennent aussi d’avaler leur salive. Il leur faut donc l’envoyer à l’extérieur. C’est une période particulière, où il faut faire attention lorsqu’une fenêtre est ouverte ou est en train de s’ouvrir : un bon jet de crachat peut vous arriver dessus. Faites surtout attention aux abords des « cars rapides », aux « Ndiaga Ndiaye », aux « clando » ou aux taxis. Il faut même être vigilant quand on s’en approche des fenêtres de bureaux.

Généralement, les cracheurs ont des sotiou (cure-dent) dans la bouche.

Tu ne nous accompagnes pas ?

La phrase préférée de mes ami(e)s sénégalais(es) pendant le Ramadan : « Tu ne nous accompagnes pas ?».

Les Sénégalais sont tellement solidaires en tout que même pendant le Ramadan, ceux qui jeûnent réclament qu’on les accompagne. Pour nous autres, notre accompagnement se résume souvent en l’offrande du sukeuroukoor (le sucre du jeûne, en traduction littérale). Il s’agit d’un petit cadeau de solidarité, en nature ou en espèces, à offrir aux jeûneurs pour la rupture du soir.

Les profils et styles sur Facebook et dans la ville

Pendant le Ramadan, beaucoup de profils Facebook changent. L’on voit beaucoup d’inscription du nom d’Allah en caractères arabes remplacer les photos de profil. Les femmes qui gardent leurs photos deviennent subitement voilées.

En ville, les filles et même des femmes qu’on voyait en pantalon ou autres tenues deviennent des voilées. Vous serez étonnés de voir Ndèye Awa*, votre voisine de quartier, spécialiste des jeans tailles basses, devenir une voilée. Mais dans tous les cas, même avec le voile, elle maintient son charme.

Le rallye de la rupture

A l’approche de l’heure de rupture du jeûne, une folie semble s’emparer des conducteurs. Ces derniers semblent oublier les règles du code de la route. L’essentiel est d’être chez soi avant la rupture. Les embouteillages sont monstres et beaucoup en arrivent à oublier qu’ils sont dans une période de préservation. Des insultes peuvent fuser lorsque l’un ne cède pas le passage à l’autre.

Sur le trajet, vous pouvez vous voir offrir votre ndogou (repas de rupture). Des groupes de jeunes, des entreprises ou des partis politiques s’organisent pour offrir aux conducteurs et aux passants le repas et le thé de rupture. Ils sont souvent visibles à divers carrefours.

Les apatams sur la chaussée

Il faut aussi connaître son trajet et tous ses écueils en période de Ramadan. Il ne manque pas un jour où une conférence religieuse n’est organisée dans les quartiers. Si vous êtes dans un quartier où il y a un terrain de football ou de basket, là, vous êtes tirés d’affaire. Sinon, des apatams apparaissent très vite sur les chaussées ou sur les voies réservés aux véhicules.

Les conducteurs se créent alors des déviations selon leur connaissance du quartier.

Pour finir sachez que pendant le Ramadan, tout est au ralenti. Dans les bureaux de l’administration, beaucoup dorment ou somnolent. Si vous osez crier fort « diogue léne dogue diot na » (phrase en wolof signifiant « réveillez-vous, l’heure de la rupture a sonné »), des gens peuvent accourir croyant que l’heure de la rupture a sonné. Lorsque vous entendez beaucoup de jeûneurs dire « astakhfiroulahi » (expression signifiant « que Dieu m’en garde ou m’en éloigne »), cela indique qu’une jeune fille habillée en mini-jupe ou en pantalon trop moulant est dans les parages.

Malgré tout ce que je vous ai dit, nous avons un Ramadan apaisé au Sénégal. Ce qui ne semble pas être le cas ailleurs où l’on peut se voir infligé des amendes ou être agressé car on aura mangé au vu et au su des jeûneurs.

Bon Ramadan à tous…

Par Roger Mawulolo [Facebook] [Twitter]

* Ndèye Awa : prénom usuel courant au Sénégal, utilisé, ici, pour désigner une jeune fille

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Commentaires

Ecclésiaste Deudjui
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Je confirme que Dakar (et le Sénégal) est totalement différent en période de Ramadan...

Mawulolo
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Dakar est inégalable en tout... Si tu n'y as pas vécu tu ne peux pas comprendre...
Tu as compris maintenant que votre affaire d' "Afrique en miniature" là c'est du pipo non?
:P :P