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20 mars – Journée internationale de la francophonie : 12 expressions françaises du Togo

En ce 20 mars 2020, Journée internationale de la francophonie, je partage avec vous certaines expressions du français local togolais. Elles sont forgées sur la base de certains mots français ou tirées des langues locales.
Le contexte tendu lié au Covid-19 a mis du plomb dans l’aile de la quasi-totalité des manifestations prévues pour fêter cette journée. Moi, je l’intègre à ma façon dans le présent billet. Lisez plutôt…

Scène de circulation – Lomé, Togo – Photo : Roger Mawulolo

L’histoire du Togo a connu diverses péripéties qui l’ont fait passer de l’influence allemande à l’influence anglaise puis à l’influence française. Bien que dans les expressions courantes au Togo, il y ait beaucoup d’anglicismes et même des mots allemands, le français y a toujours une bonne place.

En ce 20 mars 2020, début de la célébration des 50 ans de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), quoi de plus normal que de vous présenter quelques expressions françaises particulières, spécifiques au Togo. Et pour rester fidèle à l’actualité, je prends soin de lier chaque expression présentée au contexte du coronavirus. Je ne l’avais pas prévu ainsi au départ, mais ne dit-on pas que « tout change et nous devons vivre avec notre temps » ? Voici donc ces mots et expressions :

Konmière

Le “konm”, vous connaissez ? C’est un plat très prisé des Togolais. C’est une boule de farine de maïs cuite à la vapeur. Des spathes de maïs servent comme emballage. Et l’expression forgée pour désigner les vendeuses de konm est “konmière”. Elle vient tout droit du film “Essénam” du réalisateur togolais Yannick Edoh Nutifafa.

Bon, par les temps qui courent, faisons bien attention à ne pas trop nous serrer sur les bancs de la « konmière » du quartier, protégeons-nous.

En cas de qu’est-ce qu’il y a

En cette période de coronavirus, où le stress est au plus haut dans le monde entier, cette expression a toute sa place. Avec cette pandémie, tout le monde au Togo se prépare pour être prêt et faire face “en cas de qu’est ce qu’il y a”.

Cette expression veut juste dire “au cas où” mais marque souvent une situation qui n’est pas à l’avantage de celui/celle qui l’évoque. Nous disons souvent :”Ah, je me prépare pour qu’en cas de qu’est ce qu’il y a, je puisse bien réagir”. D’ailleurs, ce 20 mars 2020 a lieu dans un contexte si spécial que j’ai réagi en adaptant le présent billet.

Moins un

Pour dire qu’il l’a échappé belle, le togolais te dira : “moins un, j’ai failli y passer”. J’ose croire qu’en cette période de coronavirus, nous appliquerons bien toutes les recommandations sanitaires, et nous pourrons tous continuer à dire “moins un”.

Si je prends un taxi avec une personne qui tousse et qu’après il se révèle être malade du Covid-19, je vais vite voir un médecin et me faire tester. Si mon test se révèle négatif, en bon Togolais je dirai : « Moins un, j’ai failli être contaminé ».

Blague à part

Actualité oblige, les personnes qui seront chargées de la sensibilisation des populations à la pandémie du coronavirus utiliseront peut-être cette expression. Ils pourront dire “Blague à part, l’infection au coronavirus est une réelle maladie qui sévit, et qui est très contagieuse, protégez-vous”.

Cette expression veut dire que les propos qui vont suivre sont à prendre au sérieux.

Maisonnier

Le mot « maisonnier » au Togo désigne le propriétaire d’une maison. Ce mot est souvent employé par des locataires à propos de celui qui leur loue sa maison. Nous espérons que tous les « maisonniers » aideront leurs locataires, pour qu’ils puissent suivre les mesures d’hygiène afin de se protéger du Covid-19. Son féminin est « maisonnière« .

La recherche de ce mot dans le dictionnaire Larousse a été infructueuse.

Evian

Evian est une ville française et c’est également le nom d’une célèbre marque d’eau minérale. Ainsi, au Togo, toutes les eaux minérales en bouteille sont appelée « Evian« , quelle que soit leur marque.
Vous entendrez dire souvent « Je bois de l’Evian« . Ne pensez pas qu’il s’agit de la marque, non, il s’agit juste d’une eau minérale en bouteille.

Actuellement si l’eau courante est coupée, tous ceux qui le peuvent achèteront de l’ « Evian » pour se laver les mains. Le lavage des mains est un geste barrière important pour lutter contre le Covid-19, il est recommandé de se laver les mains très souvent, si possible toutes les heures.

Enfant de mille personnes

C’est l’une des plus grandes injures dont on pouvait se servir quand nous étions enfants…. Les enfants sont parfois cruels, il s’agit ici de traiter l’autre de bâtard.

Si je reprends le cas évoqué au point « moins un » et si je suppose que mon test a été positif, je dirais alors « Oh cet enfant de mille personnes m’a infecté » . S’il y a une maladie qu’on peut bien traiter d' »enfant de mille personnes », c’est bien le Covid-19, protégeons-nous au maximum contre ce sale virus.

Espèce et individu

Lorsque l’un de ces mots est utilisé pour vous désigner, c’est que la personne qui l’utilise vous traite de personne sans poids ou sans valeur.

Le comble, c’est quand on utilise les deux mots combinés ! “Espèce d’individu” est une insulte que l’on peut en effet entendre. Mais avouons que généralement, ce sont les personnes d’un niveau d’expression assez moyenne qui utilisent cette expression. Pour rester fidèle au contexte actuel, je dirais que l’expression peut remplacer celle du précédent point.

Télé-taxi

A Lomé, sont appelés « télé-taxi », les taxis que l’on prend depuis l’aéroport, ils ont un parking dédié. Ils sont spécialisés et ont un prix standard selon les zones desservies. Ce prix est souvent non négociable et le commun des Togolais trouve leur tarif assez élevé.

Lorsqu’un taxi ordinaire fixe un prix que l’on juge élevé, on lui réplique aisément “Tu te prends pour un télé-taxi ou quoi ?”. Cela veut tout dire. Par les temps qui courent, si on a besoin de prendre un taxi pour aller à l’hôpital ou chez le médecin, on lui demandera de ne pas se prendre pour un « télé-taxi » et de ne pas profiter du virus pour s’enrichir.

Débarqueur

Un « débarqueur » est une personne qui s’auto-invite à une fête. On dit qu’il débarque. Il débarque sans carte d’invitation et use de tous les moyens pour accéder à la salle de réception ou dans la maison.

Toutes les villes du Togo ont leurs « débarqueurs« , il y en a dans chaque quartier. Connus et reconnus, ils s’habillent même mieux que les vrais invités pour les festivités !

D’ailleurs, le coronavirus n’est-il pas un vrai « débarqueur » ? L’avons-nous invité dans nos vies ou nos pays ?

…et poussière (…et quelque)

Pour dire environ ou à peu près, le Togolais te dira “…et poussière” ou “…et quelque”.

Pour dire le montant de 1.050 francs par exemple, on te dira “mille francs et poussière” ou “mille et quelque”. Autre exemple, pour dire qu’il est midi et quelques minutes au delà, on te dira “il est midi et quelque” ou “midi et poussière”.

Pour rester fidèle à la triste actualité de ce 20 mars 2020, les togolais diront que, malheureusement, le nombre de morts dû au Covid-19 est à ce jour de « dix mille et quelque » pour signifier qu’il y a plus de 10.000 morts dans le monde à ce jour.

Merci d’hier ou d’avant-hier

Dans la culture togolaise, dire merci est d’une très grande importance. Ce qui fait que l’on peut vous remercier un jour pour un service rendu la veille ou l’avant-veille. On peut même vous remercier pour la semaine dernière ou le mois d’avant ou encore pour l’année passée ! En langue nationale on dit “ésôb’akpé”, “gnissôb’akpé” ou “gbéd’égbéb’akpé”. Et leur traduction en français donne respectivement “merci d’hier”, “merci d’avant-hier” ou “merci pour ce que tu as fait il y a longtemps”.
En ce vendredi 20 mars 2020, je dis « un grand merci d’hier » à tous ceux qui m’ont appelé jeudi (hier donc), pour savoir comment je survis et fais face à la pandémie du coronavirus.

Voilà, il ne me reste plus qu’à vous remercier pour le temps passé à lire mon billet. Pour terminer, je vous transmets ci-dessous la vidéo de Louise Mushikiwabo, secrétaire générale de l’OIF, pour marquer les cinquante ans de l’Organisation internationale de la Francophonie en ce 20 mars. Et, comme au Togo, je vous dis « merci d’aujourd’hui » (égbé d’akpé).

Message de Louise Mushikiwabo, Secrétaire générale de la Francophonie pour le 20 mars 2020
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Commentaires

Grétah
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hahahahaha
je dis très souvent 10.000 et quelque !! bravo !!

Enfant de mille personne !! hahahahahaha