Depuis près d’un mois, les togolais du pays et de la diaspora, vibrent sur les réseaux sociaux au rythme d’une vidéo de la fanfare nationale de la Police ghanéenne (Ghana Police Central Band). Le morceau qui y est exécuté est une chanson populaire togolaise dont le titre est « Agbana ». Composée par Ayité Dzinyéfa en 1972, cette chanson suscite comme toujours intérêt, passion, fierté et nostalgie. La vidéo, devenue virale, a été téléchargée et partagée par bon nombre d’internautes et mes recherches m’ont permis de la retrouver sur la page Facebook officielle « Ghana Police Central Band », de la fanfare. Elle y a été postée le 19 août 2020.

Face à cet agréable constat, je me devais de rendre hommage à ce grand artiste et vous faire mieux connaître la chanson « Agbana ».
Ma joie fut également grande à la vue de la vidéo car cette chanson est l’une des préférées de ma mère. Elle me la chantait quand elle me portait au dos, quand elle me lavait et aussi quand elle m’amenait à l’école. Même quand elle faisait la lessive ou la cuisine, elle la chantait. Je suis sûr que je ne mentirai pas si je disais que même quand j’étais dans son ventre, ma mère me chantait cette chanson.
Comme pour beaucoup de chansons, il y a des parties que nous « massacrons » et ne nous demandons même pas ce qui y est réellement dit. J’ai donc naturellement eu recours à ma mère pour être sûr de désormais bien chanter. Et je partage cela avec vous.
La chanson Agbana est en Ewe, une langue parlée dans les parties sud du Togo et du Ghana. Dans le texte de la chanson on retrouve trois mots et expressions en anglais et un en français. Cela ne devrait pas vous surprendre puisque dans un de mes anciens billets, je vous disais que la langue parlée à Lomé est pourvue de plusieurs anglicismes.
Ayité Dzinyéfa, le chanteur de charme
Le qualificatif de « crooner » a été donné à Ayité Dzinyéfa par le journaliste togolais Ekoué Satchivi dans un article, qu’il lui a consacré en 2009 sur le site web Togo Cultures. Un article dont j’ai exploité des éléments pour la partie biographique du présent billet.
Ayité Dzinyéfa a suivi un cursus scolaire classique pour beaucoup de Togolais de son âge : étudier au Togo puis au Ghana. Ainsi après son certificat d’études primaires obtenu en 1950 et un court passage au Collège Saint Joseph à Lomé, Ayité Dzinyéfa a poursuivi ses études à la Roman Catholic Middle School de la ville de Keta (ex-Gold Coast, actuel Ghana). Il y reste jusqu’en 1956 et a été, durant ce temps, responsable de la fanfare de l’établissement. Après Keta, il a continué à la Government Secondary Technical School de Takoradi. Il rentre au Togo, nanti de la West African School Certificate. En 1963, ce parfait polyglotte (Français, Anglais et Ewe), intègre la chaîne nationale togolaise, Radio Lomé comme journaliste bilingue. Pour son métier, il a bénéficié d’un stage de perfectionnement à la BBC (British Broadcasting Corporation) à Londres.
En marge de ses activités professionnelles, Ayité Dzinyéfa se consacre à la musique, disons plutôt par passion. Chanteur, compositeur et également doué à la trompette ainsi qu’à la percussion, il a été membre des groupes musicaux suivants : « Bob Essien And His All Stars Dance Band », « Mélo-Togo » et « As du Golfe ». Il a ainsi collaboré avec des musiciens togolais de renom de l’époque. On peut citer Roger Dama Damawuzan, Ferdinand Ocloo, Baudoin Amegee entre autres.
Sa discographie est riche de plusieurs œuvres dont le célèbre et intemporel Agbana, qui est transcrite et traduite à la fin de ce billet. C’est son premier bébé discographique. On peut citer également Fa ako nam (Consoles- moi), Fleur vermeille, A bas la science, Ga nya glo (problèmes pécuniaires), Da Titi, Mega dzi ku nam o (Ne cherche pas ma mort) et Hôtel Tropicana. Il a également chanté avec Célia Johnson Srondédé (le mariage).
Au vu de ses chansons, une véritable préoccupation pour Ayité Dzinyéfa était de sensibiliser les fonctionnaires surtout les plus jeunes à ne pas vivre au dessus de leurs moyens et à maîtriser leur désir de paraître.
Ayité Dzinyefa vit aujourd’hui aux Etats-Unis d’Amérique.
La chanson « agbana » et sa traduction
Le texte de la chanson Agbana de Ayité Dzinyéfa écrit en Ewe est ci-après, assortie de la traduction française. Chantez, dansez, essayez vous à la prononciation et surtout comprenez cette chanson culte et tube.
Texte en Ewe | Traduction en français |
Nɔvi tsitre hafi na zɔ azɔli Meaɖe ke me nɔ anyi nɔƒe Be ye asi du o Ne ɖu na ga kotoku wuieve ɣletikuku Gake ne be ye a ƒle « bluffing car » Ne ɖu na pound blave ɣletikuku Gake ne be ye a ƒle « bluffing car« Ne tsɔ ta ƒo ati Ƒle Benz « second hand » agbana Be ye a nɔ fe hem yleti sia ɣleti Busu nya lo busu nya lo Busu nya lo busu nya Fɔku nya lo fɔku nya lo Fɔku nya lo fɔku nya Yleti ku kasia Fetɔwo dze agbo Ga ɖeke me susɔ Na ɖunu na tu hɔ fe o La be Texaco* kple nɔviawo ƒ’agbana me ga li o Ʋu magblegble vu tsi garage Benz magblegble benz tsi garage E ƒle Benz agbana figidaire agbana Nusianu agbana Tout à crédit Agbana va glo fe tɔwo dza gbo (Agbana ble ame ɖo afɔ ku me) Yata nɔvi nye dzaye ɖa agbana nu Dzale dzale Agbana busu *Texaco : compagnie pétrolière qui existait à l’époque au Togo | Frère, mets-toi debout avant de marcher Nul ne peut courir en étant assis Tu a un salaire mensuel de 12.000 francs (ancien franc) Mais tu veux acquérir un véhicule juste pour frimer Tu a un salaire mensuel de 20 pounds Mais tu veux acquérir un véhicule juste pour frimer Tu as consenti de grands efforts Pour acquérir à crédit une voiture d’occasion de marque Benz Que tu dois payer par mensualités Hé sacrilège… Hé danger Nous voici à la fin du mois Les créanciers sont à tes trousses Il ne te reste plus rien Ni pour manger, ni pour payer ton loyer Texaco et compagnie ne te consentent plus de crédit Tu es obligé de mettre à l’arrêt ton véhicule qui n’est pourtant pas en panne Il a acquis la voiture et le frigidaire à crédit L’excès de crédit met les créanciers à tes trousses Le crédit exagéré est dangereux Mon frère sois prudent |
Vivement que des hommages soient rendus à nos artistes de leur vivant. Comme on le dit souvent sur les réseaux sociaux « Célébrons-nous vivants ».
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