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Haïti, 10 ans du douloureux souvenir

Le 12 janvier 2010, lorsque la terre a tremblé à Haïti faisant près de 300.000 morts, j’avais pensé particulièrement à deux amis : une femme et un homme. J’ai rapidement pris de leurs nouvelles et je fus heureux de les savoir hors du pays sinistré puisqu’ils avaient l’habitude d’y résider ou d’y séjourner. Dix ans après l’évènement j’ai recueilli leurs témoignages et sentiments pour écrire ce billet.
Je tairai leur nom.
Scènes de rue à Port-au-Prince (Haïti) - Photos : Roger Mawulolo
Scènes de rue à Port-au-Prince (Haïti) – Photos : Roger Mawulolo

Port-au-Prince, la capitale d’Haïti est située dans une zone sismiquement active. Ce n’est pas un secret. Pourtant le pays ne dispose d’aucun moyen pour alerter les populations. Ni moins d’abris spécialement aménagés pour les cas de séismes.

Dix ans après les évènements tragiques, un constat amer s’impose : si un séisme de la même magnitude se reproduisait, les dégâts seraient au moins de la même intensité. La raison est simple : rien n’a été fait. D’ailleurs, un autre séisme en octobre 2018 a encore fait des dégâts.

« Ça aurait pu être moi »

Les souvenirs restent intacts et toujours aussi pénibles. J’étais déjà partie de Port-au-Prince depuis presque deux ans, 17 mois pour être plus précise, quand le tremblement de terre s’est produit. Je me rappelle avoir commencé à passer des coups de fil frénétiquement à la recherche de toutes ces personnes que j’y avais laissées. J’ai été très heureuse de rentrer en contact avec mes collègues de bureau mais dès que j’ai commencé à demander des nouvelles d’autres connaissances, je me suis rendu compte de la profondeur du drame que nous venions de vivre, certes de loin pour ma part. Je n’ose même pas penser à la douleur de la population haïtienne. A ce jour, ces visages passent et leurs noms s’égrènent dans ma mémoire au souvenir de ce 12 janvier 2010.

L’immeuble dans lequel j’avais mes bureaux s’est aussi effondré. Je n’ai pas eu le temps de penser à moi, je suis fortement optimiste et je crois au destin. Je remercie la Providence de m’avoir gardé loin du champ de ce drame qui me hantera encore pendant longtemps. Une amie encore à Port-au-Prince m’a appelé pour m’informer du décès d’un ami commun. Nous avons pleuré ensemble au téléphone pendant au moins dix minutes, nous consolant mutuellement. Aujourd’hui encore, à la pensée de mes amis partis ce jour, mon émotion est palpable et je ne peux retenir mes larmes.

« Cela semble n’avoir rien changé en Haïti »

Je me suis rendu deux fois à Haïti avant le séisme de janvier 2010. En novembre 2005 puis en mai 2006 pour des missions professionnelles.

La violence et le kidnapping étaient courants à cette époque. Nous devions donc nous faire accompagner par des gardes du corps armés pendant tous nos déplacements.

Nous avons été hébergés dans le plus bel hôtel de la ville de Port-au-Prince, l’Hôtel Montana. Avec une large vue sur une grande partie de la ville, l’hôtel est perché sur les collines.

Pour l’Africain subsaharien que j’étais, et qui se rendait dans un pays proche du continent américain, je m’attendais à voir un pays d’un niveau de développement plus avancé que nos pays. Ma première surprise, à mon arrivée, fut de découvrir dans les rues les mêmes scènes qu’en Afrique. Des vendeurs de beignets étaient visibles aux bords des rues ou des vendeuses portant des plateaux de fruits, d’épices, de condiments ou autres sur la tête à la recherche d’acheteurs. Des véhicules utilitaires servant à faire le transport en commun derrière lesquels courent des hommes et des femmes étaient aussi présents dans Port-au-Prince.

L’autre surprise concerne les repas. Au petit déjeuner à l’hôtel, nous avons souvent droit à des beignets, de la bouillie, de l’igname bouillie… Ce qui rappelle l’Afrique. Au dîner, nous avons eu, des fois, droit à du riz avec des haricots (appelé ayimôlou au Togo).

En janvier 2010, j’ai appris la triste nouvelle du séisme.

En mars 2014, je me rends pour la troisième fois à Haïti. Cela faisait quatre ans que le séisme s’était produit. J’ai retrouvé l’hôtel Montana (ou du moins ce qui en restait). Ma surprise fut grande lorsque je suis arrivé sur la colline de l’hôtel. Tout était parti avec le séisme. Les propriétaires avaient essayé de sauver une partie de cette jolie bâtisse mais rien à voir avec ce qui existait avant janvier 2010.

Dans les rues, des camps de réfugiés ont fait leur apparition un peu partout. Et j’ai eu l’impression que la précarité s’était accentuée. J’ai remarqué notamment l’apparition des taxi-motos et la disparition des taxis.

Pour ma part…

Après toutes ces années, le traumatisme subi par la population reste toujours patent. Des gravats issus du séisme subsistent encore. Et certaines familles n’ont toujours pas fait le deuil de leurs proches car les corps n’ont pas été retrouvés. Les conditions de vie se détériorent. La population se sent abandonnée malgré toute l’aide extérieure. L’on manque d’eau potable et d’hôpitaux pour les soins primaires. Pour la prise en charge psychologique des victimes, les structures d’accueil sont insuffisantes. C’est à croire que Haïti est la petite fille abandonnée de l’humanité.

Vivement que les autorités haïtiennes prennent le taureau par les cornes et mettent en place tout le dispositif nécessaire pour faire face aux besoins actuels de la population. Les activités sismiques de la zone étant toujours possibles, des mesures doivent aussi être prises pour minimiser les dégâts, si jamais ce scénario macabre se répétait. Des méthodes éprouvées existent.

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