Crédit: Roger Mawulolo - avec des images libres

Noël, nouvel an : lettre d'un jeune migrant clandestin à sa grand-mère

En cette période de fin d’année, avec Noël et le nouvel an, période souvent festive, ma pensée va vers les migrants clandestins bloqués dans des camps ou divers endroits où les conditions de vie sont précaires.
Je me mets, avec mon imagination, dans la peau de l’un d’eux qui adresse une lettre à sa grand-mère qui l’a élevé…

Lettre d’un migrant clandestin à sa grand-mère pour Noël et le nouvel an – Composition (Images libres de droit) et texte : Roger Mawulolo

Grand-mère chérie,
Si tu reçois cette lettre avant Noël ou avant la célébration du nouvel an, c’est que ma prière à Dieu a été exaucée. Je lui ai demandé de me démontrer que Noël symbolise vraiment l’espoir. Toutes mes pensées vont vers toi en cette période spéciale car c’est toi qui m’a élevé et nourri. C’est toi qui est ma mère, puisque ta fille qui m’a donné naissance a rendu l’âme dès mon premier cri.

Cela fait 6 mois que tu n’as pas eu de mes nouvelles et je ne comptais t’en donner qu’une fois arrivé à destination. Je n’avais pas prévu que Noël me trouve là où je suis actuellement et ma désillusion n’en est que plus que grande. Je suis dans un camp de migrants clandestins.

En fait j’allais vraiment là où je t’ai dit mais pas pour y travailler. J’y suis allé plutôt prendre une pirogue pour traverser l’Atlantique puis la Méditerranée. L’argent que tu m’as prêté, ajouté à celui de mes économies de marchand ambulant, ont servi à payer les passeurs.

Dieu merci, je suis arrivé vivant de l’autre côté même si je me demande maintenant si cela en vaut la peine. Lors de la traversée, les nuits étaient horribles avec des compagnons qui périssaient de froid et de faim. Ton cœur est fragile, je t’épargne les détails.

J’avais certes rêvé d’être dans la neige pour cette fête de Noël, comme le Père Noël. J’y suis mais comme en enfer. Nos conditions de vie sont pires que ce que Jésus avait dans l’étable, à sa naissance. Le froid est glacial et nous vivons sous des tentes de fortune que les vents forts arrachent. Comme pour nous dire que nous ne sommes pas chez nous ici. Ces tentes ne sont pas plus solides que les abris en feuilles de palmiers que nous construisions à Noël dans les rues de notre quartier.

Je rêvais de voir les rues de villes européennes illuminées à Noël. Mais là je n’en vois que des lueurs lointaines. Mes nuits sont peuplés d’ombres qui veulent m’engloutir. J’entends toujours les cris et les pleurs de mes compagnons succombant en mer.

En cette période de Noël et de nouvel an, mamy chérie, prie et intercède auprès de Dieu pour moi. Je me laisse à lui et qu’il fasse selon sa volonté. Pour moi, l’essentiel est que je vive. Que ce soit en Europe si nos multiples démarches aboutissent ou alors par un retour apaisé au pays. Oui, je suis prêt à affronter les regards, les moqueries et la honte. Que puis-je encore craindre moi qui ai fait face à la mort ? La vie ici est comme dans une jungle, avec l’ombre de la mort qui plane sur notre tête à tout moment.

Tu m’as toujours dit que la foi peut soulever les montagnes et qu’avec la prière on peut tout. J’y crois et j’espère fort qu’un miracle se produise en ce temps de Noël. J’y crois dur comme fer.

Noël symbolise la vie, la gaieté, la confiance, l’amour, l’accueil, la solidarité et le partage. Et non la déprime, la pauvreté, les inégalités ou les exclusions. C’est ce que je croyais découvrir à mon arrivée ici et j’avoue que je me suis trompé. Prie fort pour moi sans oublier mes compagnons d’infortune de toutes les nationalités avec qui je survis ici. N’oublie pas de conseiller, si tu peux, les autres jeunes qui voudraient suivre notre exemple.

Que cette célébration de la naissance du Christ donne espoir et vie aux pauvres et démunis à la quête d’un avenir meilleur. Que l’année nouvelle qui s’annonce soit celle de l’espoir et de la délivrance.

Je sais que ta célébration de Noël et du nouvel an ne sera pas la même que les précédentes. Tes pensées viendront vers moi comme les miennes vers toi. Je te demande de fêter quand même avec joie et la ferme conviction que l’esprit de Noël me délivre de mes souffrances.

Noël c’est la vie et Dieu qui descend vers nous. Et les vœux du nouvel an portent toujours l’espoir, prions donc fort pour que je reste en vie. Que nous nous revoyions un jour.

JOYEUX NOËL ET BONNE ANNÉE Mamy….

Ton petit fils et fils

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Auteur·e

Commentaires

Mawulolo
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Merci bien

Atohounton Marius
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Ce rappel émouvant, via le cri de cœur d'un petit fils à sa mamie, me semble opportun, face à la situation des migrants de tous horizons, livrés à l'inhumain, à la souffrance, au désespoir et au suicide...sans lendemain...
Merci Roger !!!

Mawulolo
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Merci beaucoup cher ami, pour la lecture et le commentaire

Gabriel Wenda
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C'est une bonne plume que tu as. Pour écrire, il nous faut un temps de recueillement au milieu des pressions professionnelle, familiale et autres. Je crois que je dois faire comme toi: trouver le temps de reprendre ma plume. Merci Roger

Mawulolo
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Merci

Eli
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Le sort de ces migrants est un véritable drame qu'illustre bien cette lettre. Que nos prières les accompagnent.

Mawulolo
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Ainsi soit-il

Corine
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Très touchant et bien écrit, aussi.