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Emiliano Sala et les acteurs du football partis dans les cieux

Quand le vol Air France AF 019 à bord duquel j’étais a pris son envol, j’ai pensé à Emiliano Sala et à tous les autres qui sont partis par les airs.
Lorsque l’on dit qu’un footballeur s’élève dans les airs, c’est généralement parce qu’il doit essayer un coup de tête. Mais ça c’est sur la pelouse. Dans les vrais airs, il y en a qui y sont allés et ils ne sont plus revenus. La dernière victime des airs, disons-le ainsi, est l’Argentin Emiliano Sala, le guerrier de la Beaujoire.

Abdul Majeed Waris célébrant un but du FN Nantes avec un tee-shirt à l'effigie de Sala / Photo AFP prise sur www.rfi.fr
Abdul Majeed Waris célébrant un but du FC Nantes avec un tee-shirt à l’effigie de Sala / Photo AFP prise sur www.rfi.fr

Pour nous les africains, la conception des décès par accident est assez particulière. Autrefois, et même encore aujourd’hui, ce genre de décès est considéré comme une malédiction, comme si cela n’était pas une mort honorable. Les victimes de cette mort accidentelle étaient toujours enterrées hors du village. Chez les Ewés (mon ethnie, que vous trouverez au Togo et au Ghana), on parle de zogbéku (décès à l’étranger ou décès sauvage ou encore décès tragique). Le pire, c’est lorsque l’on ne retrouve même pas la dépouille pour faire le deuil.

Emiliano Sala, un joueur que j’affectionne, est donc mort d’un « zogbéku ». Et bien avant lui, d’autres acteurs du football sont décédés dans les mêmes conditions : dans les airs ou dans les cieux même si les chutes ont été dans l’océan ou sur la terre ferme.

Ici, je vais vous parler des quatre cas que j’ai toujours en tête. Evidemment, il y en a eu d’autres…

Emiliano Sala, le disparu de la Manche, en 2019

De la joie à la tristesse doit avoir été le sentiment de la famille Sala, le 22 janvier 2019. Attaquant du FC Nantes, Emiliano Sala venait de réaliser son rêve de rejoindre la Premier League en signant un contrat avec Cardiff.

Après être venu dire au-revoir à ses désormais ex-coéquipiers, Emiliano Sala,  l’attaquant décrit comme peu esthète, n’arrivera donc jamais en Angleterre. L’avion qui l’y amenait n’arrivera jamais à destination. A ce jour, les dépouilles (de Sala et du pilote) n’ont pas été retrouvées. Seuls des débris de l’appareil ont échoués sur une plage en France.

Vichai Srivaddhanaprabha et son hélicoptère, en 2018

Cette fois-ci, ce n’est plus un avion et l’océan qui sont en cause mais un hélicoptère et la terre ferme. Le 27 octobre 2018, après un match du championnat anglais entre son équipe Leicester City et celle de West Ham, le Président Vichai Srivaddhanaprabha ne retrouvera plus la terre ferme. En tout cas pas vivant.

Son hélicoptère qui avait décollé de la pelouse du stade s’est écrasé quelques minutes après, sur le parking du stade. Aucun survivant au crash.

L’équipe brésilienne de Chapecoense dans les collines de Medellin, en 2016

En route pour la finale aller de la Copa SudAmericana (équivalent de la Ligue des champions de l’Amérique du Sud), l’avion de l’équipe brésilienne de Chopecoense a fait un crash dans les collines ,non loin de Medellin, en Colombie. Au total 71 morts et 6 survivants. C’était le 28 novembre 2016. Les enquêtes ont conclu à un crash dû à une panne sèche. Manque de carburant dans un avion alors que l’on n’est pas sur terre. Une très grande bêtise qui a coûté la vie à de nombreux joueurs.

La Zambie au large de Libreville, en 1993

L’équipe nationale de football de la Zambie a arboré plusieurs appellations au cours de son histoire, cette équipe est un véritable phœnix. A un moment dénommée les « Kenneth Kaunda Eleven »(les onze Kenneth Kaunda*), l’équipe est ensuite devenue « Mighty Zambia » avant d’être « les Chipolopolo », le nom qu’on leur connait de nos jours.

Le 27 avril 1993, l’avion qui les amenait vers le Sénégal (pour jouer un match éliminatoire de la Coupe du Monde 1994) a échoué au large de Libreville (Gabon). A l’époque, mes amis et moi même, amoureux du football avions été très tristes mais nous étions un peu soulagés de savoir que notre joueur préféré, Kalusha Bwalya, avait été retardé par un match à livrer par son club d’alors, en Belgique. Il était donc le miraculé.  Et figurez vous qu’en 2012, cette équipe est revenue au Gabon et cette fois-ci, elle y a remporté la Coupe d’Afrique des Nations. Le pays au large duquel le crash avait décimé l’équipe en 1993 est devenue la terre de leur succès continental. Bizarre non?

Nous, Africains, avions dit que les esprits des disparus zambiens de l’océan étaient présents pour aider l’équipe à gagner.

Pour finir…

La mort trouble toujours, même quand on s’y attend. Alors quand cela survient lorsqu’on s’y attend le moins, le choc est encore plus dur à encaisser. Pour Sala surtout, je me demande -et certainement vous aussi – comment peut-on mourir en étant aussi près de s’enrichir un peu plus, de réaliser son rêve et en étant si jeune et en bonne santé. Mais ça, nous ne le saurons jamais. Et c’est peut-être cela qui fait le charme de notre vie : la partie que nous ne maîtrisons pas, malgré tous les progrès de la science…

Certainement une occasion pour nous de savoir que les hommes et femmes que nous sommes, ne maîtriserons jamais tout de notre vie, et encore moins de notre mort. Nous pouvons envisager et préparer l’avenir, c’est sûr, mais il restera toujours cette inconnue de l’équation qui nous échappera toujours.

Je comprends dès lors l’expression qui dit qu’il faut vivre comme si on allait mourir demain.

Par Roger Mawulolo [facebook] [twitter]

* Kenneth Kaunda était le Président de la Zambie à l’époque, et l’équipe avait son nom !

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Commentaires

Fouda Fabrice
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C'est triste mais que peut-on faire ? C'est la vie... Même eux y sont conviés

Mawulolo
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Oui mon frère...C'est ça notre vie... Dès qu'on naît, on vit tout le temps avec la mort ...