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Cédéao : le Togo et la Gambie gagnent à 2 contre 13

Il est vrai qu’il est écrit quelque part que gagner une guerre n’est pas lié au fait d’avoir une armée pléthorique, mais reconnaissez avec moi qu’il faut être un véritable génie pour qu’une communauté de 15 pays dont des grands puisse se plier aussi facilement face à deux des plus petits la constituant. Il faut vraiment être fort pour réussir ce tour de passe-passe alors qu’aucun droit de veto n’existe.
A moins que ce ne soit les autres ou le reste de la communauté qui ne sache pas vraiment ce qu’ils veulent.

Lors de son dernier sommet des chefs d’Etat tenu à Accra au Ghana, la Communauté économique des Eats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a mis sur la table un protocole visant à prôner et encourager la bonne gouvernance et la démocratie dans ses pays membres. Et dans ce protocole était inscrite la limitation du nombre de mandats présidentiels à deux. Tous les pays ont accepté sauf deux des plus petits : le Togo et la Gambie.
D’aucuns ont été surpris par cela, sauf les habitants des deux pays concernés.

La limitation du nombre de mandats présidentiels n’existe pas au Togo et en Gambie…

Faure, l'homme fort du Togo
Faure, l’homme fort du Togo

Au Togo, le Président de la République vient de rempiler pour un 3e mandat le 25 avril dernier. Malgré les contestations sur les résultats donnés, le fauteuil présidentiel a été bien gardé. Il faut bien préciser qu’au pays de Sylvanus Olympio et de Eyadéma Gnassningbé la Constitution a été modifiée en 2002 pour un nombre de mandats illimités et une élection à un seul tour.

Ne soyez donc pas étonnés que ce pays ne veuille pas de ce protocole qui mettra à mal ses propres textes. La seule surprise est que celui qui oppose son refus est le même que celui qui promet des réformes dans son pays. Et normalement dans ces réformes promises est sensé se trouver celui lié à la limitation de mandats.
Je suis sûr que le Président veut être d’abord prophète en son propre pays avant de signer à la Cédéao. Eh oui, moi je suis un croyant hein.
Au Togo, le pouvoir promet les réformes et ne les fait pas. Toutefois l’opposition peut marcher et protester comme elle veut. La démocratie c’est la liberté d’expression donc c’est déjà ça. N’est-ce pas ?

En Gambie, les promesses même n’existent pas. Et l’opposition ne peut même pas protester.
Le Président Yaya Jammeh en fait voir de toutes les couleurs à tous ceux qui se disent opposants. Bien que Banjul ait assez de place pour servir de domicile aux opposants gambiens, ces derniers préfèrent souvent habiter Dakar (Sénégal). J’espère bien que c’est une préférence et non une obligation.

Yaya Jammeh en mode "guérisseur" - Photo : seneweb.com
Yaya Jammeh en mode « guérisseur » – Photo : seneweb.com

Le Président gambien est un grand marabout et guérisseur traditionnel. Vous vous souvenez de ses séances de guérison de personnes atteintes de VIH? Il a même déclaré qu’il guérissait la fièvre à virus Ebola.
Dans tous les cas, la démocratisation de son pays est une des maladies contre lesquelles il lutte aussi avec force. Et ce n’est pas la Cédéao qui pourra l’en empêcher. Il en est à son quatrième mandat et rien ne semble indiquer une possible alternance dans ce pays du moins du vivant de Jammeh. Et ça encore il faudra attendre pour voir car les Togolais ont cru à un moment que le décès de Eyadéma, père de Faure, allait les libérer du système. Que nenni. C’est là même où tout a recommencé.

Au finish la Cédéao n’est une réalité que dans les aéroports. Au moins là-bas quand des ressortissants des pays membres passent on ne leur réclame pas de visa. Mais essayez les frontières terrestres et vous verrez. A la frontière Togo-Bénin, les policiers béninois ont signifié à un ami sénégalais qui était avec moi qu’ils ne connaissaient pas son appartenance à une quelconque communauté et donc qu’il lui fallait payer pour passer. A la frontière Togo-Ghana, le douanier ghanéen m’a répondu «You want to teach me about Ecowas? Pay me. If not, go back to your Togo». Ainsi va la Communauté au quotidien pour nous les citoyens lambda.
Au moins prochainement quand j’arriverai à la frontière gambienne et que la police ou la douane refusera de me reconnaître mon statut de citoyen de la Cédéao et voudra me faire payer, je pourrai au moins leur dire que leur Président et le mien combattent le même combat : celle de la non-limitation de leur mandat à la tête de nos pays respectifs.

Je suis sûr que j’arriverai à les convaincre avec cet argument.

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