Mawulolo

A Dakar, reconnaître une femme enceinte, c’est facile

Partout dans le monde, il existe des mythes et des croyances autour des grossesses. En Afrique, ces mythes sont pris très au sérieux et le Sénégal ne fait pas exception. Ce qui induit un changement de comportement de la femme dès ses premiers mois de grossesse.
La connaissance de ces mythes et croyances vous permet de facilement détecter les gestes suspects d’une femme enceinte même quand son ventre n’est pas encore proéminent.

Femme enceinte
Femme enceinte – Image : https://happy.mondoblog.org

J’ai pu décrypter quelques indices bien « sénégalais » de la femme enceinte. Chaque pays a ses signes qui dépendent très souvent de sa culture et de ses croyances. Dans la plupart des cas, observer les règles qu’elles induisent a pour but de protéger le bébé et la maman jusqu’à la délivrance. Superstition ou pas, il y en a qui y croit dure comme fer. Et cela n’a rien à voir avec les signes classiques scientifiques des grossesses.

Un foulard pendant sur le ventre

Quand dans ton quartier, sur ton lieu de travail ou tout simplement dans une rue de Dakar, tu vois une femme avec un foulard autour du cou et dont un bon pan est posé sur son ventre, pose toi des questions sur son état. Si en plus, tu constates qu’elle s’évertue à maintenir ce pan sur le ventre et surtout au niveau du nombril, dis-toi qu’à 90% voire 99%, elle est enceinte.
Un seul but : préserver le bébé du mauvais œil.

Elle ne sort ni à 14 heures ni au crépuscule

Observe bien les habitudes de tes voisines, de tes amies et de tes collègues tout en gardant un œil sur ta montre. Si jamais tu vois que vers 14 heures ou au crépuscule, elles ne sortent plus, sache que la probabilité est forte qu’elles soient atteintes de la « maladie des neuf mois » (expression utilisée pour parler de la grossesse). Si vous avez des rendez-vous à fixer, elles éviteront toujours ces créneaux horaires là. Il y a des heures réservées aux djins (esprits). Les femmes enceintes sont censées être des cibles de choix pour eux.

Elle évite les foules et les enterrements

Si tu constates qu’une femme évite depuis un bon moment les foules, dis-toi qu’il y a anguille sous roche ou plutôt « grossesse sous pagne ». La femme enceinte doit éviter les attroupements car là on ne sait pas trop qui est qui. On ne peut reconnaitre ni le bon, ni la brute, ni le beau, ni la bête. Autant alors prendre ses précautions car prévenir vaut mieux que guérir. Le plus grand attroupement ou cérémonie à éviter ce sont les enterrements.
L’esprit des morts circule et peut emporter le bébé.

Quand elle désire un aliment qu’elle ne peut s’offrir, elle ne se touche pas le ventre

Pour ce point, il faut beaucoup de subtilité pour le voir car cela se fait sans action apparente. Au Sénégal, une femme enceinte qui a envie de quelque chose qu’elle ne peut pas s’acheter doit éviter de toucher son ventre. Vous vous demandez pourquoi ?
La pensée populaire indique qu’à ce moment si elle ose toucher son ventre, la partie du corps du bébé qui se trouve sous cet endroit précis aura une tâche noire à la naissance de l’enfant. Quand vous voyez donc des enfants sénégalais avec les larges tâches noires sur leur peau, sachez que c’est la faute à leur maman.

Pour finir, je peux vous faire remarquer qu’au-delà des mythes il y a aussi les considérations liées au contexte actuel affecté par le terrorisme. On remarque la présence quasi-permanente à Dakar des contrôles induisant les détecteurs d’explosifs et de métaux. Dès que vous voyez une femme vouloir se soustraire aux détecteurs, il y a deux cas :

  • Soit elle est un kamikaze prêt à se faire exploser (astakhfiroulahi*)
  • Soit elle est enceinte

Pour ce deuxième cas, il semble que les rayons émis par les détecteurs sont nocifs pour les fœtus.

Voilà cher(e)s ami(e)s, vous pouvez maintenant détecter sans problèmes les femmes enceintes qui voudraient se cacher.

Si de tels signes, le plus souvent liés à la culture de chaque peuple, existent dans vos milieux respectifs, vous pouvez nous les laisser en commentaires.

Bonne lecture

Par Roger Mawulolo (Facebook | Twitter)

* astakhfiroulahi : terme arabe courant au Sénégal pour dire « Que Dieu nous en garde »


[Fête des mères] : la mère qui aime bien châtie bien

Quand vient le temps de la fête des mères, je me souviens toujours des punitions que je récoltais quand j’étais enfant. Je dis bien « récolter » car elles étaient souvent le fruit de ce que j’avais moi-même semé. Pourtant, c’est pour ces punitions là que j’éprouve beaucoup de reconnaissance à dire « Bonne fête maman ».

Ma mère et ses punitions étaient la plus belle expression de l’adage « Qui aime bien, châtie bien ».

Avec ma mère, il y avait des choses pardonnables et d’autres impardonnables. Je vais plutôt vous faire part des impardonnables car c’est cela qui valait les punitions. J’avais même fini par croire qu’elle avait un catalogue de punitions adaptées à chaque faute. Peut-être qu’elle ne voulait pas avoir des punitions disproportionnées.
Ce dont je suis sûr c’est que ces punitions m’ont certainement permis d’être discipliné et poli (Qui en doute ici ?). Elles ont aussi, sans aucun doute, forgé mon caractère.

Fête des mères
Fête des mères – Photo : https://www.publicdomainpictures.net

Manquer de respect aux personnes plus âgées

Pour ma mère, une personne plus âgée que moi ne pouvait jamais mentir dans mon compte. En fait, elle n’ignorait pas que cette personne âgée pouvait réellement mentir. Mais chez nous il fallait toujours « enlever les enfants du ventre de ceux qui pouvaient leur en vouloir ». Cette expression veut juste dire qu’il vaut mieux ou qu’il faut toujours corriger ton enfant devant une personne âgée qui le dénonce ou qui l’accuse. Il parait que l’accusateur est ainsi soulagé et que s’il avait de vils desseins à l’encontre de ton enfant, cela le désarmait totalement. Injustice ou pas, il me fallait juste éviter d’avoir maille à partir avec des plus âgé(e)s que nous. Je pense que cela nous a enseigné le respect des aînés. Ma mère préférait cette injustice à l’indiscipline.

Quand je m’en rendais coupable, à tort ou à raison, la punition était quatre coups dans les mains à l’aide d’une petit brosse spéciale que maman avait. Elle-même disait « quatre coups bien appliqués ». J’étais souvent puni pour cette faute car moi-même une personne âgée qui voulait me tricher, je ne l’acceptais pas. Et souvent l’accusateur se retrouvait un peu mal à l’aise devant la scène. C’était peut-être le but visé par maman. Qui sait ?
Pourtant ma mère savait très bien que je respectais toujours les aînés sauf quand ils voulaient me tricher ou m’asservir.

Participer ou assister à des bagarres

Avec ma mère, que tu sois acteur ou spectateur d’une bagarre tu auras ta punition. La règle est simple : en te bagarrant ou en assistant à une bagarre, tu risques de te (faire) blesser. Tout ce qui pouvait présenter un risque pour notre intégrité physique, ma mère le réprouvait que ce soit de notre faute ou pas. Tout ce qu’elle nous demandait était de fuir les bagarres à tout prix. En cas de légitime défense ou de défense d’un cadet, là elle t’avouera qu’elle t’a compris mais ce sera après la correction. Sa grande question est : « et si on t’avait blessé ? ».

La punition dans ce cas était « vite dans ta chambre et tu lis un livre ou tu prends ton cahier de leçons ». Et c’était parti pour des heures. Je n’en sortais que pour manger.

Est-ce cela qui a fait de moi un lecteur assidu de plusieurs ouvrages ou même un rédacteur ou un blogueur ?

Ne pas respecter les règles en présence d’invités ou de visiteurs

En présence d’invités à la maison, il fallait bien se tenir. En ces moments, ma mère ne parle que du regard. Et nous, on savait détecter la suite des événements. De la façon dont elle te regarde, tu sauras si tu recevras ou non une correction après le départ des invités. Ce qu’elle pouvait nous reprocher était de persister à rester regarder la télévision au salon quand des invités, plus âgés que nous, y étaient. Quand les grandes personnes discutent, un enfant ne doit ni les regarder dans les yeux, ni écouter ce qu’ils disent et encore moins intervenir.
J’avais ce droit uniquement quand, parmi les invités, il y avait des enfants de mon âge. Le pire pour moi, enfant à l’époque, était que je devais refuser de prendre la boisson si jamais l’invité lui-même m’en offrait. Quelle supplice ! Si j’acceptais ce cadeau, il fallait m’attendre à des « représailles » différées. Tout ça faisait partie de l’éducation et du respect des autres. Selon la norme de ma mère, il me fallait tout simplement décliner l’offre.

La punition réservée dans ce cas est une plus forte pression sur ton corps lors du bain matinal. On te frictionne la peau vraiment plus fort que d’habitude en te rappelant ta faute. Tu avais intérêt à te laisser faire. Toute résistance serait assimilée à de l’impolitesse et aurait mérité des représailles proportionnelles à la faute.

Il y avait aussi des manquements comme les larcins, l’abus du droit d’ainesse, revenir tout sale à la maison et bien d’autres qui pouvaient donner droit à des punitions.

Les punitions interdites

Pour ma mère, il y avait des punitions qu’un enfant ne pouvait mériter quel que soit le reproche qui lui était fait. Par exemple : priver de nourriture ou battre un enfant jusqu’à le blesser.
Nos voisines, qui se rendaient coupables de telles choses sur leurs propres enfants, trouvaient toute la colère de ma mère. Elle aimait à leur dire « si c’est réellement toi qui a porté cet enfant dans ton sein pendant 9 mois, tu ne pourrais lui infliger cette soi-disant correction ». Pour le père qui aurait osé donner une de ces punitions à son enfant, elle lui aurait dit « …tu penses que les quelques minutes de plaisirs que tu as prises ont suffit seules à le mettre au monde ?  Je te souhaite d’en porter un pendant neuf mois et tu me diras si tu peux encore le maltraiter ainsi ».
L’enfant victime pouvait même venir rester chez nous quelques temps.

Ceux qui ne sont peut-être pas de la même génération que moi ou pas du même pays, penserons que c’était de l’abus d’autorité, je vous assure que non. C’était toute une culture, tout un ensemble de valeurs. Et pour ma part ma mère ne punissait jamais pour blesser, ni psychologiquement ni physiquement. Ses punitions étaient des corrections bien calibrées et sans abus. Surtout, après chaque correction, elle tentait d’en expliquer le bien-fondé. Et au fur et à mesure qu’on grandissait, cela diminuait pour se muer en échanges, discussions et corrections verbales.

En grandissant nous avons, mes frères, mes sœurs et moi compris toute la discipline qu’elle nous a ainsi inculquée.
Vous vous demandez certainement ce que mon père faisait dans tout ça… Il avait son rôle, assez spécial, mais ça je vous le dirai certainement à la fête des pères ! L’honneur est à maman aujourd’hui.

Bonne fête maman chérie…même si tu n’acceptes pas qu’on fasse à tes petits-enfants ce que toi tu nous faisais.

Par Roger Mawulolo (Facebook | Twitter)


Ces heures et ces prix inhabituels pour un Africain

Quand je voyage en Europe, je garde toujours un petit sourire en coin quand je regarde les heures de trains, de métro et de bus. Moi, je suis un bon Africain. A cet égard, certaines heures affichées me semblent toujours inhabituelles voire bizarres. Même certains prix affichés en magasin ! Je puis vous assurer que d’autres Africains sont tout simplement dubitatifs.

Horaires de trains
Départ : 11 heures 19

Les heures

Je souris toujours un peu si je vois inscrit sur mon billet de TGV : Départ 8 heures 02 minutes. Nous, en Afrique nous sommes adeptes des heures « normales ». Les heures normales sont les quarts d’heure, les demi-heures ou les heures pleines. Nous, on fixe nos départs et nos rendez-vous à 7 heures 15, 8h 30 ou 9 heures.

Même si nous sommes réputés ne pas respecter les heures, nous décalons juste de 15 ou 30 minutes ou d’une heure jamais de 2 ou 3 ou 7 ou 9 minutes. Ça parait trop bizarre. Je me souviens d’un Président de mon pays qui a fixé l’heure d’ouverture d’une frontière à 13 heures 13, nous nous y avons vu en même temps du mystique.

Même si nous avons vu en cinématique, en classe de seconde scientifique, qu’on peut calculer les heures de croisement des trains Paris-Rouen et Rouen-Paris en supposant les trajectoires parfaitement rectilignes et qu’il faut éviter une collision, nous, vraiment les heures européennes là sont bizarres pour nous.

Ce sont tout simplement des heures de machines pas d’hommes.

Les prix

Ne me dites pas que fixer 3,30 euros, 6,66 euros ou 9,99 euros comme prix c’est du marketing ou un prix psychologique hein. Chez nous (zones utilisant surtout le franc CFA), bien que les pièces de 1 franc existent, cela ne nous sert que pour certaines transactions très limitées : paiement de salaire, de factures bref tout ce qui se paie en banque surtout. A part ça, dans nos marchés et supermarchés, on paie le plus souvent en unité de 5 francs. Si un boutiquier ose mettre les prix genre 6 francs, ou 7 ou 9, il sera suspect et bizarre. On pourra dire même que c’est mystique. On dira que c’est sûr que c’est un rituel pour gagner de l’argent ou envoûter les gens.

A Lomé, les prix de ce genre sont traités de « prix d’achat de chat » (en langue mina du Sud Togo et du Bénin, « assévi plé tchi »). Et acheter un chat c’est forcément pour faire du mystique.

Les chiffres ont des valeurs très symboliques et mystiques pour nous même jusque dans les heures et dans les prix.

Si vous doutez de ce que je dis, demandez-moi ce que disent souvent les gens d’un Président né un 6-6-66 (6 juin 1966) et je vous dirais.
Comme vous le constatez, rien n’est jamais simple chez nous. Et tout peut avoir une explication même irrationnelle pour certains. Mais c’est bien nous.

Par Roger Mawulolo (Facebook | Twitter)


L’alcool, les anges et les ancêtres

Je regardais un film titré La part des anges et, dès l’explication de l’expression, je me suis dit qu’en Afrique, nous aussi, nous avons ce qu’on peut appeler « la part des ancêtres ». Un des points communs entre les anges et les ancêtres semble donc être l’alcool.
Surtout, avant de me traiter de possédé ou de perdu, de vous mettre à intercéder pour moi ou encore d’invoquer le feu du ciel sur moi, prière de lire d’abord ce billet.

Fût de distillation où s'évapore la part des anges
Fût de distillation d’où s’évapore la part des anges

Ce billet ne se veut pas une source de débat de religion, même si je sais que l’alcool a toujours été un sujet passionnant dans le domaine. Pendant que certains pensent qu’on peut en consommer avec modération, d’autres disent que c’est à proscrire totalement. On a même tendance à oublier ceux qui en boivent en cachette pour bien paraître.
Surtout que je parle d’anges et d’ancêtres, il fallait le dire. Cette précision faite, revenons à nos « parts ».

La part des anges

Dans le processus de distillation des boissons alcoolisées, il faut les vieillir. Et pour vieillir les boissons alcoolisées, surtout en Europe, on les conserve dans des fûts. Ces fûts sont souvent en bois. Du chêne notamment. Et le temps de vieillissement à appliquer dépend de la boisson qu’on souhaite obtenir. Si c’est du single malt, il faut entre 8 et 12 ans tandis que pour le scotch, il faut au moins 3 ans. En moins de 3 ans, on peut avoir du whisky.
Durant ce temps de vieillissement, la boisson perd progressivement, par évaporation, son degré alcoolique. C’est cette partie qui s’évapore qu’on appelle « part des anges« .
Cette réduction de quantité montre bien qu’il y a quelqu’un quelque part qui boit, non ? Et surtout si c’est vers le ciel que ça va, vous voulez que ce soit qui si ce n’est pas les anges ?
Je n’ose pas dire que c’est Dieu, ni Jésus, même si son premier miracle a été de changer l’eau en vin.

La part des ancêtres

En Afrique, lorsque l’on vous sert à boire, il est de coutume qu’on verse quelques gouttes au sol avant de consommer. C’est la part des ancêtres. Certains l’accompagnent même de paroles. Ces paroles pouvant être des propos pacifiques ou guerriers, selon le cas. C’est assez souvent une forme de prières ou de vœux adressés aux ancêtres. Même si par hasard, par inadvertance ou encore par maladresse, on fait tomber un verre dans lequel on devait boire, on peut vous dire que c’est la part des ancêtres qui leur est allée. Surtout si auparavant, vous avez oublié de leur donner leur part. D’ailleurs, cela ne s’arrête pas aux boissons : certains même y vont avec la nourriture.
Instinctivement, beaucoup d’Africains font ce geste même quand ils réprouvent les religions traditionnelles. Même quand ils ne prononcent aucune parole, c’est que sociologiquement, ce geste est ancré en eux. Ce geste anodin a pour signification, quelque part dans notre subconscient, la part des ancêtres. Ceux qui nous ont précédé dans l’au-delà.
Les boissons africaines sont souvent le sodabi, le tchoukoutou (bière de mil), le vin de palme (bandji chez les Ivoiriens, matango chez les Camerounais) ou autres boissons alcoolisées traditionnelles.

Finalement, selon ces deux expressions, l’alcool est consommé par les anges et par les ancêtres. Que ce soit par infiltration dans le sol ou par évaporation dans les airs, ils en consomment.

De toute façon, quand on parle d’anges ou d’ancêtres, on pense à la vie et aussi au spirituel, n’est-ce pas ?
Je me dis donc qu’il doit bien y avoir une raison pour qu’on appelle des boissons alcoolisées « eau-de-vie » ou « spiritueux« . Mais cela n’engage que moi.

De toute façon, pour certains les ancêtres sont également des anges. Là, le problème est vite résolu malgré la contestation des autres.

Bonne lecture

Par Roger Mawulolo (Facebook | Twitter)


Florian Kaptue et les trois fées

Notre ami, le blogueur Florian Kaptue, dans un billet (publié en 2014), a parlé de sa propre mort par accident. C’était son troisième billet. Son rêve s’est finalement réalisé  le 17 avril 2016 dernier où il perdit la vie dans un accident de voiture au Cameroun.
L’expression « la vie ne tient qu’à un fil » me fait dire «la vie peut aussi ne tenir qu’à la réalisation d’un rêve ».
Cette expression qui viendrait des mythologies romaine et grecque, je vais essayer de l’interpréter avec le cas de Florian Kaptue.

Caricature de Florian Kaptué - Par Jeff Ikapi
Souvenir caricaturé de Florian Kaptué – Par Jeff Ikapi

L’expression fait référence aux Parques, dans la mythologie romaine (ou Moires dans la mythologie grecque), qui étaient les fées maîtresses de la destinée humaine. Elles sont au nombre de trois : Clotho, Lachésis et Atropos. Ensemble, elles président au destin des hommes. Elles ont donc certainement présidé à celui de notre défunt ami.

Florian et Clotho (Nona) la fileuse

Le fil de la vie de Florian a été filé sur le fuseau de Clotho, la jeune parque qui tisse les événements de la vie. Durant toute la vie de Florian, de sa naissance en 1974 à Douala (Cameroun) à sa mort, elle a confectionné le fil de sa destinée, le fil auquel tenait sa vie. Avec sa quenouille, la fileuse a tenu cette destinée jusqu’au dernier jour.

Florian et Lachésis (Décima) le sort

Lachésis, la dispensatrice ou le sort a pour tâche de placer le fil sur le fuseau. Elle en déterminait aussi la longueur par sa baguette. Elle a dû mesurer et marquer tous les moments de la vie de Florian. Quand il a écrit son premier livre et aussi quand il est devenu mondoblogueur. Elle a du certainement immortaliser les moments que nous avons pu passer à Dakar lors de la formation des mondoblogueurs. Cette formation à laquelle Florian a participé.

Florian et Atropos (Morta) l’inévitable

Il est dit que les terriens ne pouvaient en aucun cas connaître leur destinée telle qu’elle était réservée par les sœurs Parques. Pourtant dans son rêve prémonitoire, Florian a vu Atropos coupé le fil de sa vie depuis 2014.

Selon son billet, il a eu recours aux services d’un guérisseur pour éviter cette mort. Apparemment ce n’était qu’un répit. Ce qui donne encore une  pleine comparaison avec la mythologie, je dirais que par ses actes et divers sacrifices et rites, le guérisseur a pu agir comme Apollon qui est allé négocier une prorogation de la vie de son ami Admète, roi de Phères en Thessalie. Apollon a dû saouler les Parques au vin pour que Atropos ne coupe pas le fil de la vie d’Admète. Est-ce ce que le guérisseur a fait ?

Dans tous les cas, Atropos l’inévitable a eu le dernier mot. Pouvait-il en être autrement ? Je n’en sais rien. Mais comme indiqué dans la mythologie, Atropos a certainement gravé sur une pierre l’heure de la mort de notre ami. Si c’est du « vin » que le guérisseur a usé comme Apollon, elle a dû utiliser ses ciseaux dès qu’elle a retrouvé ses esprits.

De toutes les façons, il est clair et logique que la mort est le sort le plus sûr pour l’homme dès qu’il naît.

Finalement je dirais : « la vie ne tient qu’à un fil (un rêve ou un accident), la mort aussi. »

Florian Kaptue, que la terre te soit légère.

Par Roger Mawulolo (Facebook | Twitter)


Les bars, véritables plates-formes de réseaux sociaux

Quand je vous dis « réseaux sociaux », je suis sûr que vous pensez automatiquement aux plate-formes en ligne comme Facebook, Twitter, Youtube, LinkedIn, Flickr, Pinterest, Foursquare, Instagram et que sais-je encore. Détrompez-vous. Avant de se transposer sur les ordinateurs et smartphones, les réseaux sociaux étaient d’abord dans des lieux physiques comme les maisons, les bureaux, les églises mais aussi et surtout dans les bars !

D’ailleurs ce n’est pas pour rien qu’au Cameroun, à Douala notamment, on trouve des bars dénommés « Facebook » ou encore « Wattsap » (je suis sûr que le propriétaire voulait écrire WhatsApp) ».Vous croyez que quoi ? Les bars ne sont pas seulement présents sur Facebook (avec leur page), les bars sont eux-mêmes Facebook.

Bar facebook - Bonabéri Douala (Cameroun)
Bar Facebook – Bonabéri Douala (Cameroun)


Les spécialistes disent qu’un réseau social
est, par définition, un ensemble d’individus ou d’organisations reliés par des interactions sociales régulières. Il devient alors simple de prouver qu’un bar en est un. Il nous suffit de trouver des individus, des organisations et des interactions et le tour est joué.

Les individus et les organisations

Quoi de plus simple. Un bar sans clients est-il un bar ? (J’en suis venu à parler comme un Camerounais, toutes leurs conversations sont des questions même quand ils veulent vous dire oui ou non).

Les acteurs de ce réseau social sont : les buveurs, les serveurs, le gérant et les vendeurs de cigarette, de brochettes et de mouchoirs ou autres. Je ne vais pas faire semblant d’oublier les prostituées qui se mêlent souvent aux clients. D’ailleurs elles sont clientes aussi puisqu’elles achètent elles-mêmes leurs boissons si aucune autre personne ne leur en a encore offert. Les vendeurs de brochettes qui sont à côté participent eux aussi aux conversations ou transactions.

Les organisations sont constituées par les tables. Autour d’une table, les clients se réunissent par affinité ou au gré de leurs intérêts. Ceci est semblable aux différents groupes auxquels on adhère et aux pages qu’on aime sur les plateformes en ligne.

Les interactions

Les interactions sont de diverses natures qu’elles soient ou non impulsées par la consommation de bière…

Les conversations à voix haute ou à voix basse, les bagarres à cause de désaccords, les insultes dues au taux d’alcool élevé, les divers commentaires sur l’actualité – qu’elle soit politique, sociale ou sportive – sont les différentes interactions entre les individus et les organisations (tables). On se partage des bières, des filles s’asseyent sur les cuisses des hommes. Des clients indélicats peuvent arriver à flatter la croupe d’une serveuse. Tout ça c’est comme si on était en ligne : on peut frustrer, flatter ou contenter les uns et les autres par nos propos et commentaires.

Tout comme en ligne, on peut inviter un individu (lié à une table ou non) à rejoindre un groupe. Depuis sa table, un individu peut apprécier ce qu’une personne a dit et le faire savoir (il a fait un « like », le pouce levé). On peut rire à gorge déployée ou être mort de rire (en ligne on aurait écrit « mdr » ou « lol » ou on aurait choisit une émoticône).

Les interactions débutées en ligne peuvent aboutir à des rencontres. Les contacts dans les bars aussi peuvent donner des suites. On peut s’échanger les contacts pour se revoir. Les plus habiles peuvent réussir à ne pas rentrer seul(e)s ou bredouilles à la maison, si vous voyez ce que je veux dire.

Ceux avec qui on ne parle pas, dans un bar, sont comme les personnes que nous voyons sur Facebook ou Twitter sans jamais leur adresser un mot.

WattsAp c'est WhatsApp
WattsAp c’est WhatsApp

La drague reste une interaction de taille dans les bars, sur les plateformes modernes c’est pareil.

Tout change et il faut vivre avec mon temps me direz vous. Je vous répondrais que nous avons souvent tendance à oublier que beaucoup de mots ou expressions ont juste pris d’autres sens de nos jours, alors qu’ils ont toujours existé.

Si quelqu’un n’est pas d’accord avec moi, qu’il lève le doigt et qu’il mette son commentaire juste en dessous de ce billet.

Par Roger Mawulolo (Facebook | Twitter)


« Ici maison de famille, on ne vend pas »

Le titre de ce billet est une inscription que j’ai notée sur une maison sur l’ancienne route de Bonabéri à Douala, au Cameroun. En parcourant plusieurs quartiers de capitales africaines, on remarque des inscriptions plus ou moins identiques. De Lomé à Douala en passant par Abidjan et bien d’autres villes, ces inscriptions sont légion. Elles font souvent rire mais elles traduisent un mal profond qui mine nos sociétés : les litiges fonciers et immobiliers.

Photo : Roger Mawulolo
Inscription sur une maison à Bonabéri (Douala) – Photo : Roger Mawulolo

Les raisons de telles inscriptions

Nombreuses sont les inscriptions similaires au titre de ce billet : « cette maison n’est pas en vente », « maison litigieuse », « ne pas acheter sinon danger »… Elles ne font que traduire un conflit ou des actes malhonnêtes dont les sources peuvent être :

  • Un problème d’héritage

La tradition orale étant encore de mise en Afrique, la culture du testament reste très peu inculquée. Les parents n’en laissent souvent pas à leur décès, et les héritiers doivent donc s’en remettre à leur bonne foi. Il suffit alors qu’un des héritiers fasse preuve de mauvaise foi et bonjour les dégâts! Certains s’octroient le titre d’administrateur des biens par la force, sans concertation ni consensus. S’ensuivent alors des conflits qui, au mieux, aboutissent à la désignation d’un notaire pour la gestion ou finissent devant les tribunaux. Dans les pires cas, on peut assister à des agressions physiques voire mystiques*, qui se terminent parfois par des décès.
Avoir la terre légère quand on meurt c’est bien, mais doit-on mourir à cause d’une terre ?

Dans l’attente du règlement de ces problèmes d’héritage devant les tribunaux coutumiers ou administratifs, et par prudence, on inscrit donc sur les murs l’interdiction de vente.

  • Double ou fausse vente

La double vente peut être une conséquence du problème d’héritage. Il arrive que deux frères ou sœurs vendent le même terrain ou la même maison. Les acquéreurs se retrouvent généralement face à des problèmes insolubles, et les fonds investis partent ainsi en fumée.
Au-delà des frères ou des membres d’une même famille, on peut aussi retrouver des individus véreux qui vendent des terrains ne leur appartenant pas. Des pures escroqueries qui amènent souvent les protagonistes devant les tribunaux et font évoluer l’inscription de « ici maison de famille, on ne vend pas » à « terrain litigieux, dossier en justice ».

Les recours devant les tribunaux ne portent souvent pas leurs fruits à cause des lenteurs administratives. Et même si cela aboutit, il est souvent difficile de recouvrer les fonds investis.

Régler ce problème

  • Réglementer la vente des biens fonciers ou immobiliers

Le manque de contrôles dans nos administrations publiques peut permettre d’octroyer des documents de propriété à tous les acquéreurs d’un seul et même bien. Les ventes se règlent directement entre les individus et le suivi par un notaire n’est pas fait. Ceux qui veulent forcément passer par un notaire peuvent se voir taxer de vouloir jouer aux émancipés.
Il faut donc réglementer le secteur immobilier en instaurant ou en appliquant, s’ils existent déjà, des mécanismes et des démarches officielles d’acquisition.

  • Diligence des instances de règlement de conflits fonciers ou immobiliers

On observe des tentatives de résolution par des tribunaux coutumiers, dirigés par les chefs de quartier ou de village mais leur pouvoir et leurs décisions peuvent ne pas être toujours acceptés ou respectés. Des fois, on tente même de régler ces litiges dans les commissariats de police, les gendarmeries ou les bureaux de préfectures.
Souvent, les textes de loi existent mais sont méconnus et non appliqués : il faut donc un arsenal juridique clair et connu de tous.

  • Culture du testament

Souvent, parler de la mort est indécent en Afrique. Un enfant qui ose suggérer à son père de rédiger un testament peut être accusé de vouloir la mort de ce dernier ou encore d’être pressé de bénéficier de sa part éventuelle de l’héritage. Même pour un père malade dont la mort semble inexorablement approcher, on n’ose pas en parler. Déjà, quand on voit un individu souscrire à une assurance décès, on se demande s’il est pressé de mourir.
Il est urgent que nous soyons éduqués à la mort.

Chez moi, dans des conflits opposants deux individus, si vous entendez dire que « cette affaire dépasse un litige foncier » (égna ya éwou agni gban bé gna – expression en mina, langue du sud-Togo), sachez qu’on veut vous indiquer que c’est un combat à mort.
Cette seule expression populaire montre la gravité de la situation. La balle est donc dans le camp des pouvoirs publics pour trouver des solutions adéquates, afin que les murs soient libérés de ces inscriptions.

Par Roger Mawulolo (Facebook | Twitter)

* mystique : en Afrique, on croit fortement en l’existence de forces occultes permettant de s’en prendre à l’intégrité physique d’autrui.


« Nathalie et Samuel, allez et ne péchez plus »

La montagne du feuilleton Samuel Eto’o-Nathalie Koah a finalement accouché d’un livre dénommé « Revenge porn » rédigé par les soins de la partie féminine. Ce livre, bien qu’interdit de publication et de vente, a déjà été lu par bon nombre de personnes, la version électronique circulant gratuitement sur internet. Je me suis amusé à le lire et j’avoue que j’ai juste gardé un petit sourire en coin, de la première à la dernière page. Qui a trompé l’autre ? Qui a abusé de l’autre ? Qui est plus pervers que l’autre ?
Loin de me prendre pour Jésus dans la parabole de la femme adultère, je dis tout simplement : « Nathalie et Samuel, allez et ne péchez plus ».

Samuel Eto’o et Nathalie Koah

 Tout le monde est coupable

Cette histoire relatée dans les médias et aussi dans le livre fait part de diverses actions les unes plus contrastées que les autres. Une femme qui, vraisemblablement, ne déteste pas ce que lui fait subir son compagnon. Il l’utilise, la passe à ses amis sans qu’elle ne rechigne. On dit souvent l’amour est aveugle mais je crois que l’amour doit aussi être sourd-muet. Elle nous a dit qu’elle ne protestait presque jamais et restait dans son rôle et au service de sa star. Sa famille a accepté sa liaison avec l’homme pourtant marié et bénéficiait de ses largesses.

Voilà un homme qui sort avec une fille mais ne prend son plaisir que quand il la partage avec d’autres hommes. Mais chose bizarre, il semble jaloux d’un autre qui, selon lui, est l’amant de sa maitresse en question. Je me dis qu’il n’est satisfait que quand lui-même assiste au spectacle. Quand il n’est pas présent c’est là où il se fâche. Mais on est où là ? On peut le traiter de pervers oui.
Et puis quand l’histoire prend une mauvaise pente, le gars veut retirer à la fille tout ce qu’il lui a offert. Vraiment lui aussi il nous a habitué à mieux quand même. On ne peut pas aller jusqu’à vouloir reprendre ce qu’on a offert à une femme pendant que tout allait bien.

Quand je regarde la page Facebook de Nathalie Koah, mon petit doigt me dit que cette fille avait juste déjà un potentiel que Eto’o a exploité. Et je pense fortement que c’était une relation assumée et consentie entre les deux jusqu’à ce que les malentendus ne prennent le dessus.

Quelques leçons pour nous

De tout ceci, moi je tire 2 choses :

  • Savoir se cacher (même sur les moyens de communication modernes)

Dans mon pays, on dit quand tu ne sais pas courir vite, il faut au moins savoir te cacher. De nos jours on ne peut pas courir plus vite que les réseaux sociaux et les autres médias. Tous les faits et gestes sont épiés. Toute publication est difficile à rattraper dès qu’elle est déjà apparue. A bon entendeur, salut.
Lorsque vous êtes dans une relation amoureuse ou juste du « sex-friend » comme on le dit de nos jours, il faut veiller à ce que vous vous échangez par ces divers moyens. Vos photos, vos textos, vos audios et vos vidéos peuvent se retrouver partout et n’importe où à votre grand désavantage.

  • Rester digne en toute circonstance

A mes amis hommes, il faut quand même rester digne surtout si on est à l’abri du besoin. Avec sa fortune, Eto’o aurait pu s’épargner cette course pour al reprise des cadeaux offerts à Koah. Quelque soit la faute commise par une fille, il faut lui laisser tout ce qu’on lui a offert
Eve nous a tous trahi (nous les hommes) dans le jardin d’Eden mais on continue à se marier à des femmes, non ?

Tout ceci est devenu un scandale parce qu’on a été au courant. Tous les jours, on voit des jeunes filles sortir avec des hommes pour de l’argent et on voit aussi des hommes nantis profiter de leur statut pour amadouer les filles. Des actes sexuels qu’on l’on traiterait d’immoraux ou dignes de Sodome et Gomorrhe se déroulent dans presque toutes les villes du monde à l’abri des regards.

Il suffirait qu’on dise à tous les grands commentateurs pires que des juges « que celui qui parmi vous ne s’est jamais adonné à une quelconque forme de perversité ou de fantasme, lance le premier la pierre ». Ils seraient tous partis la tête baissée.
C’est pourquoi je dis « Nathalie et Samuel, allez ne péchez plus » ou plus simplement « allez et désormais sachez vous cacher ».

N.B : Que personne ne voit en mes propos un quelconque encouragement pour des actes et comportements semblables à ceux relatés dans l’affaire Eto’o-Koah. Merci

Par Roger Mawulolo (Facebook | Twitter)


Pas de #Libresensemble sans de bonnes élections

Le 20 mars dernier, la journée internationale de la Francophonie coïncidait cette année 2016 avec 5 élections africaines (Bénin, Cap-Vert, Congo, Niger et Sénégal). Cette coïncidence m’a interpellé et je me suis dit que le projet #Libresensemble pouvait bien avoir pour base, entre autres, des élections réussies. En Afrique, les élections sont souvent des étalons de l’unité des peuples, qui en sort renforcée ou détériorée, et par suite, du #Libresensemble.
Une conviction tirée de mon statut de Togolais – sachant qu’au Togo, les élections sont souvent controversées – vivant au Sénégal, où les élections sont vraiment libres et transparentes.

 Image de la campagne #Libresensemble

Image de la campagne #Libresensemble

Bénin, Cap-Vert et Sénégal : le #Libresensemble renforcé

Ces trois pays, bons élèves de la démocratie, sont des exemples utiles au #Libresensemble. Ils sont arrivés à organiser des élections dont la transparence permet à chaque acteur d’accepter les résultats sans rechigner.

Au Bénin, les élections présidentielles ont permis l’alternance, ce qui montre qu’on peut organiser des élections et les perdre, dérogeant à la formule adoptée par certains régimes, qui se maintiennent au pouvoir coûte que coûte. Patrice Talon a pu battre Lionel Zinsou, du camp présidentiel, qui a appelé l’heureux élu pour le féliciter.
Au Cap-Vert, il s’agissait des élections législatives, que l’opposition a remporté sans ambages, et dont les résultats ont été acceptés par tous.
Au Sénégal, un référendum se tenait pour avoir l’aval du peuple sur des modifications à apporter à la Constitution. Comme de coutume au Sénégal, la vitalité de la démocratie s’est vérifié. Le « oui » est en avance sur le « non », mais les deux fronts ont toute la latitude pour s’exprimer et agir.

Ces élections apaisées et satisfaisantes permettent à des principes tels que la paix, l’acceptation de la diversité, la liberté et la solidarité, d’être des valeurs partagées par tous malgré les divergences politiques qui peuvent exister. Et ce sont bien ces valeurs qui sous-tendent le projet #Libresensemble, porté par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

Congo et Niger: le #Libresensemble mis à mal

Imaginiez-vous qu’au Congo-Brazzaville, on coupe tout moyen de communication pour des élections ? La raison officielle : prévenir les troubles. Il s’agit là d’une véritable entorse portée aux droits des citoyens. Ni le téléphone ni Internet ne sont opérationnels. La liberté s’en trouve restreinte. Pourtant, le parti au pouvoir a pris ces mesures tout en assurant ses communications, que ce soit en interne ou vers l’extérieur. Les premiers résultats, d’ailleurs, commencent à dessiner une large victoire, dès le premier tour, pour le parti au pouvoir de Denis Sassou-Nguesso. Dans des conditions pareilles, on peut à tort ou à raison penser que le parti au pouvoir veut tricher. Le « vivre ensemble » est menacé dans ce pays, portant un grand coup au #Libresensemble.
Au Niger, le candidat et opposant principal Hama Amadou était en prison, pour une affaire de vol de bébés restée non élucidée à ce jour. Il a quand même eu assez de voix pour participer au deuxième tour contre le Président Mahamadou Issoufou. Entre les deux tours, l’opposant a été évacué pour des raisons de santé, de sa cellule de prison vers la France. Pour toutes ces raisons, il a décidé de boycotter le deuxième tour face au Président sortant, qui vient d’être déclaré vainqueur. Dans un pays où le jeu électoral est entaché de tels événements, il est logique que le déclaré vainqueur ait du mal à dire à son peuple de vivre ensemble dans la paix.

De telles attitudes favorisent, tant au niveau des individus que des partis politiques, la tentation du repli sur soi, la peur et le rejet de l’autre. Un vrai danger pour le #Libresensemble.

Un renforcement de nos démocraties, par des élections réellement libres et transparentes, c’est-à-dire par un respect de la volonté du peuple, contribueront à coup sûr à renforcer le #Libresensemble. L’OIF qui, souvent, organise des missions de supervision d’élections et aussi de médiations en cas de crises ou conflits, doit veiller à ce que ses prises de position et ses actions favorisent toujours ce #Libresensemble.

Ainsi le #Libresensemble ne sera plus juste un hashtag mais un ensemble de comportements positifs pour le bien-être individuel et collectif de nos pays.


Sécurité : la peur justifie les moyens

Pendant longtemps, dans nos pays africains, on peinait à investir dans les moyens de sécurité sauf quand il s’agissait de protéger les Présidents. Mais depuis que les menaces terroristes se sont transformées en attentats concrets (en Côte d’Ivoire, au Mali, au Burkina Faso, au Nigeria, au Kenya, au Cameroun et ailleurs), les mêmes dirigeants trouvent comme, par magie, les moyens d’acquérir des équipements pour assurer une sécurité. Même les entreprises privées, notamment les hôtels et autres lieux publics, qui négligeaient cet aspect important s’y sont mis. Le système a encore des failles mais fait quand même des heureux. Oui, le malheur des uns peut bien faire le bonheur des autres.

Agent de sécurité - Image : pixabay.com
Agent de sécurité – Image : pixabay.com

Les sociétés privées de sécurité

Actuellement les sociétés privées de sécurité renflouent leurs caisses car beaucoup ont vu leurs contrats de prestation revus à la hausse. Désormais à la surveillance visuelle pour laquelle elles étaient payées se sont rajoutés d’autres moyens notamment les miroirs d’inspection des dessous de véhicules et les détecteurs de métaux. Les plus nantis se dotent même de détecteurs à rayons X, comme dans les aéroports, et ne négligent pas la télé-surveillance. Certains pourraient l’ignorer mais sachez que le rajout de ces outils nécessite une revue à la hausse des contrats vous liant à ces entreprises.

Les effectifs d’agents de sécurité ont été multipliés aux abords de certains édifices et tout ça au grand bonheur des entreprises privées de sécurité. Plus d’agents, plus d’argent à payer. La peur des attentats est devenu un vecteur de résorption du taux de chômage dans certaines zones car les sociétés privées de sécurité recrutent à tout va. La quasi-totalité des lieux de loisirs ont des vigiles équipés de détecteurs de métaux. De Dakar à Douala en passant par Abidjan et Lomé, les entrées dans les hôtels ou autres endroits que fréquentent les Occidentaux sont soumises à des contrôles au détecteur. C’est devenu une nécessité.

Je ne sais pas si ça va les pousser à prier pour que les menaces perdurent mais bon ça fait quand même marcher les affaires. Ceci est-il comparable aux cartes de vœux provenant d’une entreprise de pompes funèbres demandant pour vous et vos proches une longévité ? Ou encore un médecin voulant vous convaincre qu’il prie tous les jours pour votre bonne santé ? Je n’en sais rien moi. Je ne fais que penser tout haut.

Les forces armées nationales

Avant dès qu’on voyait un convoi de militaires avec des tenues bien propres et des équipements sophistiqués, il y avait deux cas : soit ils allaient au défilé marquant la fête nationale; soit il s’agissait de la garde présidentielle. Cette dernière était souvent la mieux lotie car il lui fallait protéger le premier des citoyens.

De nos jours, c’est une fierté pour beaucoup d’Africains de voir enfin tous leurs soldats, leurs gendarmes et leurs policiers habillés et équipés d’armes sophistiquées comme dans les films américains. N’est ce pas beau de les voir parés de leur combinaison anti-balles devant les édifices publics et aussi de voir que leurs véhicules ont été rénovés pour plus de protection? Tout cela a un coût. Le budget des armées, de la police et de la gendarmerie a augmenté dans tous les pays même les plus pauvres. Autant on les équipe, autant il faut les former pour qu’ils soient à niveau pour faire face à la menace. Au détriment certainement d’autres priorités. Mais les États ont-il le choix?

Comme en France, nos pays pensent certainement à renforcer les effectifs des forces de l’ordre vu leur redéploiement sur le terrain. Le Kenya, le Sénégal, le Cameroun et le Nigeria l’ont déjà fait. Les autres le feront sans aucun doute. Des nouvelles recrues seront donc enrôlées et donc de l’emploi créé. Même si c’est devenu un emploi à risque, on pourra mettre dans le bilan des gouvernements que le taux de chômage a baissé. A quelque chose, malheur aura été bon.

Les failles dans les systèmes

Malgré tout ces efforts consentis, il y a encore quelques grains de sable dus à l’homme. Au delà de toutes les raisons classiques connues, je vous en cite certaines qui semblent tellement simples qu’on les néglige assez souvent :

  • corruption et racket : dans nos aéroports et lieux publics, il est encore possible de négocier des faveurs avec des agents des force de l’ordre; la question est simple : peut-on contrôler ou surveiller avec la même rigueur une personne qui nous a fait un cadeau qu’une autre ne nous ayant rien « glisser » ?
  • laxisme : souvent à l’entrée des lieux de spectacle, je vois des vigiles qui font l’accolade aux clients habituels et fouillent à peine leurs sacs ou leurs poches; mieux en Afrique quand c’est mon cousin ou frère qui passe, je ne fouille pas trop son sac; pourtant les kamikazes sont des frères ou des cousins de bien de gens.
  • mauvaises habitudes : j’étais sidéré quand devant un hôtel, le vigile disposant du détecteur magnétique s’est empressé de prendre le sac du directeur de l’établissement à son arrivée et l’accompagner jusqu’à son bureau; le directeur était vraiment fier qu’on le serve ainsi et bombait le torse en oubliant que durant ce temps aucun contrôle n’est exercé sur les personnes qui entrent dans l’hôtel.
  • ingénierie sociale : ce terme venant de la sécurité informatique se prête bien ici car souvent les agents des services de renseignements parlent un peu trop au lieu de garder le silence ou les secrets; des informations secrètes peuvent se retrouver facilement dans la presse.

Actuellement, nous, les habitants de certaines villes et certains pays d’Afrique, avons vraiment peur car la menace terroriste est réelle et palpable. La présence remarquée et remarquable des forces de l’ordre et les contrôles tous azimuts partout et en tout temps nous rassure t-elle?

Moi cela ne me rassure qu’à moitié car nos vilaines habitudes aiment bien reprendre le dessus aussitôt que la menace ne devient pas attentat dans les jours, semaines et mois qui les suivent.

Que notre peur devienne pour nous un mobile de reconsidération de nos habitudes de vie et non une résignation ou une fatalité à dire que tôt ou tard nous mourons donc autant vivre comme si de rien n’était. Notre sécurité en dépend même si personne ne sait ni le jour, ni l’heure où un kamikaze peut frapper.

Je terminais ces lignes quand j’apprenais les frappes meurtrières sur Grand Bassam (non loin d’Abidjan). Notre peur est grande car Dakar, où je vis, semble être une cible privilégiée.

Il semble que les kamikazes crient souvent « Allahou Akbar » (Dieu est le plus grand) en passant à l’acte. De plus en plus, il nous semble que nous ne pouvons nous-mêmes que nous vouer à cette même phrase. Nous disons aussi donc « Allahou Akbar » car par les temps qui courent, nous avons l’impression qu’il n’y plus que Dieu qui puisse nous protéger des terroristes.

Hommage à toutes les victimes de ces barbaries.