Mawulolo

Noël, nouvel an : lettre d’un jeune migrant clandestin à sa grand-mère

En cette période de fin d’année, avec Noël et le nouvel an, période souvent festive, ma pensée va vers les migrants clandestins bloqués dans des camps ou divers endroits où les conditions de vie sont précaires.
Je me mets, avec mon imagination, dans la peau de l’un d’eux qui adresse une lettre à sa grand-mère qui l’a élevé…

Lettre d’un migrant clandestin à sa grand-mère pour Noël et le nouvel an – Composition (Images libres de droit) et texte : Roger Mawulolo

Grand-mère chérie,
Si tu reçois cette lettre avant Noël ou avant la célébration du nouvel an, c’est que ma prière à Dieu a été exaucée. Je lui ai demandé de me démontrer que Noël symbolise vraiment l’espoir. Toutes mes pensées vont vers toi en cette période spéciale car c’est toi qui m’a élevé et nourri. C’est toi qui est ma mère, puisque ta fille qui m’a donné naissance a rendu l’âme dès mon premier cri.

Cela fait 6 mois que tu n’as pas eu de mes nouvelles et je ne comptais t’en donner qu’une fois arrivé à destination. Je n’avais pas prévu que Noël me trouve là où je suis actuellement et ma désillusion n’en est que plus que grande. Je suis dans un camp de migrants clandestins.

En fait j’allais vraiment là où je t’ai dit mais pas pour y travailler. J’y suis allé plutôt prendre une pirogue pour traverser l’Atlantique puis la Méditerranée. L’argent que tu m’as prêté, ajouté à celui de mes économies de marchand ambulant, ont servi à payer les passeurs.

Dieu merci, je suis arrivé vivant de l’autre côté même si je me demande maintenant si cela en vaut la peine. Lors de la traversée, les nuits étaient horribles avec des compagnons qui périssaient de froid et de faim. Ton cœur est fragile, je t’épargne les détails.

J’avais certes rêvé d’être dans la neige pour cette fête de Noël, comme le Père Noël. J’y suis mais comme en enfer. Nos conditions de vie sont pires que ce que Jésus avait dans l’étable, à sa naissance. Le froid est glacial et nous vivons sous des tentes de fortune que les vents forts arrachent. Comme pour nous dire que nous ne sommes pas chez nous ici. Ces tentes ne sont pas plus solides que les abris en feuilles de palmiers que nous construisions à Noël dans les rues de notre quartier.

Je rêvais de voir les rues de villes européennes illuminées à Noël. Mais là je n’en vois que des lueurs lointaines. Mes nuits sont peuplés d’ombres qui veulent m’engloutir. J’entends toujours les cris et les pleurs de mes compagnons succombant en mer.

En cette période de Noël et de nouvel an, mamy chérie, prie et intercède auprès de Dieu pour moi. Je me laisse à lui et qu’il fasse selon sa volonté. Pour moi, l’essentiel est que je vive. Que ce soit en Europe si nos multiples démarches aboutissent ou alors par un retour apaisé au pays. Oui, je suis prêt à affronter les regards, les moqueries et la honte. Que puis-je encore craindre moi qui ai fait face à la mort ? La vie ici est comme dans une jungle, avec l’ombre de la mort qui plane sur notre tête à tout moment.

Tu m’as toujours dit que la foi peut soulever les montagnes et qu’avec la prière on peut tout. J’y crois et j’espère fort qu’un miracle se produise en ce temps de Noël. J’y crois dur comme fer.

Noël symbolise la vie, la gaieté, la confiance, l’amour, l’accueil, la solidarité et le partage. Et non la déprime, la pauvreté, les inégalités ou les exclusions. C’est ce que je croyais découvrir à mon arrivée ici et j’avoue que je me suis trompé. Prie fort pour moi sans oublier mes compagnons d’infortune de toutes les nationalités avec qui je survis ici. N’oublie pas de conseiller, si tu peux, les autres jeunes qui voudraient suivre notre exemple.

Que cette célébration de la naissance du Christ donne espoir et vie aux pauvres et démunis à la quête d’un avenir meilleur. Que l’année nouvelle qui s’annonce soit celle de l’espoir et de la délivrance.

Je sais que ta célébration de Noël et du nouvel an ne sera pas la même que les précédentes. Tes pensées viendront vers moi comme les miennes vers toi. Je te demande de fêter quand même avec joie et la ferme conviction que l’esprit de Noël me délivre de mes souffrances.

Noël c’est la vie et Dieu qui descend vers nous. Et les vœux du nouvel an portent toujours l’espoir, prions donc fort pour que je reste en vie. Que nous nous revoyions un jour.

JOYEUX NOËL ET BONNE ANNÉE Mamy….

Ton petit fils et fils


Sénégal – Politique : l’indispensable wolof

Une précision importante s’impose : dans ce billet quand je dis wolof, je parle de la langue et non de l’ethnie.

Le wolof est la langue véhiculaire la plus parlée au Sénégal. Elle est utilisée par la quasi-totalité du pays. Dans l’administration sénégalaise et dans les contrées du pays, ne pas comprendre wolof peut vous jouer quelques tours. Bref au pays de Senghor, le wolof est roi.

Aussi, un acteur politique sénégalais ne maitrisant pas cette langue peut difficilement prétendre battre campagne et aller à la rencontre des populations. Lors des différentes campagnes électorales, la plupart des slogans et des noms de coalitions de partis politiques sont donc en wolof.

Dans ce billet, je vous propose les noms, en wolof, de 17 coalitions ou partis avec leur traduction.

Car rapide à Dakar - Crédit image : Image libre sur pixabay
Car rapide à Dakar – Crédit image : Image libre sur pixabay

Les élections locales prévues pour janvier 2022, dans le pays, n’échappent pas à la règle. Ainsi les noms et slogans en wolof refont surface avec insistance.

« Si vous parlez à un homme dans une langue qu’il comprend, vous parlez à sa tête. Si vous lui parlez dans sa langue, vous parlez à son cœur ».

Nelson Mandéla

Le wolof, important tant à l’intérieur du Sénégal que dans la diaspora

Une très grande frange de la population sénégalaise s’exprime couramment en wolof. Et cette langue est partagée avec la Gambie et une partie de la Mauritanie. On ne peut pas occulter la grande diaspora sénégalaise qui s’exprime aussi largement en wolof. Par ailleurs, les discours importants des chefs d’état sénégalais sont souvent, sinon toujours, prononcés en français et en wolof. Cela veut tout dire.

17 noms de coalitions politiques avec leur traduction

Je vous présente 17 noms de coalitions politiques, classés par ordre alphabétique, avec leur traduction en français. Peut-être y verrez-vous comment les politiques veulent parler au cœur des Sénégalais.

And Jef Jel : Travailler ensemble pour le succès

And Liggey Sunu Gox : Ensemble, construire (travailler pour) notre cité

Benno Bokk Yakaar : S’unir autour d’un même espoir

Bokk Gis Gis : Avoir la même vision

Bunt bi : La porte

Défar Sa Gox : Prendre soin (arranger ou construire) sa cité

Gueum Sa Bop : Croire en soi, en ses propres qualités et forces

Jamm Sénégal : La paix du Sénégal

Jant bi : Le soleil

Rëwum Ngor : Pays de valeurs (pays de dignité)

Sam Jikko Yi : Préserver les valeurs (l’éthique ou les vertus)

Sopi : Changement

Taxawu Sénégal : Soutenir le Sénégal / Garder le Sénégal debout

Tiabi yi : Les clés

Wallu Askan Wi : Secourir le peuple

Wallu Sénégal : Secourir le Sénégal

Yoonu yokuté : La voie du développement (croissance, émergence)

Au total, pour vivre au Sénégal, connaître quelques bases du wolof ne peut qu’être avantageux pour vous. Je vous dis « diam rek*« . Et d’ailleurs ce n’est que de cela que nous aurons besoin durant la campagne à venir ainsi que des élections qui suivront.

*Diam rek : rien que la paix, en wolof


Les derniers mots d’un poisson de sifiô

Lors d’une escapade au bord du Lac Togo, je me suis retrouvé face à un sifiô succulent. Le sifiô est ce plat togolais composé d’une pâte à base gari (pinon) accompagnée par du poisson cuit. Le sifiô a actuellement le vent en poupe. Avant d’aller plus loin dans mes propos, permettez que je vous file un secret : un sifiô pris en bord de mer ou de lac a un goût meilleur qu’un autre pris dans un restaurant en ville. Et je ne saurai vous dire pourquoi.

Lorsque le plat fut servi et au moment où je m’abaissais pour laver mes mains dans la bassine d’eau posée à même le sol, mon regard croisa celui du poisson bien assaisonné qui trônait au milieu de condiments frais et bien colorés. Je fus comme scotché, comme par hypnose, à ce regard et tout de suite notre conversation débuta.

Le poisson du sifiô – Photo : Roger Mawulolo

« Grand frère mangeur, bonjour me dit-il.

Bonjour très cher poisson, ai-je répondu. »

Il continua et me demanda si avant de le consommer, je ne voudrais pas savoir d’où il venait et ce qu’il avait traversé avant d’aboutir à cette assiette. Je lui dis :”Volontiers ; je suis tout ouï”.

Tout souriant, il commença. (Hé oui, le poisson souriait)

« Dès le jour de ma capture par les filets des pêcheurs, je fus mis dans un bassin piscicole. Je me demandais pourquoi on ne m’exécutait pas en même temps. Au détour d’une conversation entre le pêcheur et le cuisinier du restaurant, je compris que c’est pour me garder frais, car plus frais je serai, mieux sera le sifiô.

Plus frais est le poisson, mieux sera le sifiô

Je me permets de te tutoyer car toi et moi nous ne ferons bientôt qu’un. Je veux dire, je serai dans ton estomac après avoir traversé ta bouche, ta gorge, tes intestins et j’en passe. Même si j’y serai en morceaux, ce sera toujours moi.

Je disais donc que le cuisinier est venu me récupérer suite à ta commande. A voir ton visage, je suis rassuré d’être mangé par quelqu’un qui sait savourer et apprécier les bons plats. Et je suis sûr que tu ne m’accuseras pas de commettre un délit de faciès. »

A ce moment, je voulais placer un mot, le poisson me coupa net en disant : « Hé les humains, tu veux encore me tromper alors que je vois dans tes yeux que tu salives même plus que le chien de Pavlov ? Laisse-moi donc continuer. »

Et ce cher poisson continua en ces mots : “Mes branchies furent donc enlevées et je fus bien lavé. Moi l’habitué des eaux de la mer, je fus plongé dans une marinade. Je suis sûr de ne pas me tromper en disant qu’elle était faite de gingembre, d’ail et de poivre principalement.”

A ce moment, je pus placer un mot. “Mais cher poisson, tu n’étais donc pas encore mort ?”. Il répliqua : “mais mon cher ami, quand on te dit qu’il y a une vie après la mort, penses-tu que ce sont des histoires ? Laisse-moi parler”. Puis, il continua.

“De l’autre côté, je voyais une marmite sur le feu dans laquelle il y avait de l’huile qui chauffait. On y avait aussi mis de la tomate. Le chef cuisinier expliquait à ses assistants que s’il voulait une couleur de sifiô plus vive, ils pouvaient rajouter de la tomate concentrée provenant des boîtes de conserve. J’ai failli l’interpeller pour lui dire que je détestais les boîtes de conserve. Mais il ne fallait pas éveiller les soupçons ni faire fuir ces braves gens qui ne faisaient que leur travail. Tu imagines leur réaction face à un poisson déjà assaisonné qui se met à parler ?

Pendant que j’étais dans la bassine, attendant d’être plongé dans la sauce, je vis que je n’étais pas le seul poisson en préparation. D’autres m’y rejoignirent mais tous mes mouvements pour échanger avec eux furent vains. Eux ils étaient vraiment déjà morts.

Ensemble avec eux nous fûmes donc plongés dans la sauce, faite par ajout d’eau à la marmite où il y avait l’huile et les condiments. L’assistante du chef cuisinier nous y a laissé cuire de longues minutes. Je ne ressentais aucune douleur car l’effet que les douces mains de l’assistante ont laissé sur ma peau me donnaient encore quelques frissons. Je suis quand même un poisson mâle et digne.

Quand nous avons été retirés de la sauce, j’ai vu que de l’eau y a été rajoutée puis du gari. Je sais que vous dites aussi gali. La technique pour rajouter le gari m’a impressionné. La dame remuait l’eau avec une spatule tout en y faisant tombé de fines pluies de gari. Elle disait aux élèves cuisiniers que pour obtenir une pâte uniforme et tendre, il fallait bien rythmer le mouvement. C’est tout une science.

Ensuite vient le moment du dressage où j’ai été placé sur le plateau et entouré de tranches de tomates, d’oignons et de poivrons frais avec sur une autre assiette, les boules de pâte de gari obtenues avec leur belle couleur orangée. Mais l’honneur est toujours au poisson. Le pilier central du sifiô, c’est le poisson surtout quand il est bien fait.

Le pilier central du sifiô c’est le poisson.

Voilà, cher ami, mon aventure de l’océan jusqu’à ton assiette. Maintenant tu peux me déguster sans souci et surtout ne te mets pas à chanter “Wo ntô è va gbô nyé”* hein. Je vous connais. N’oublie pas aussi de m’arroser avec du bon sodabi pour une meilleure digestion.

Je te dis à bientôt…pendant mon séjour dans ton appareil digestif. »

Juste après cette dernière phrase, j’ai instantanément retrouvé mes esprits avec un petit sursaut. Je me souviens alors que j’étais vraiment dans ce restaurant au bord du Lac Togo. Le serveur qui attendait devant moi : “Monsieur avez-vous fini votre prière” ?

S’il savait que je venais de converser avec le poisson…

Sinon un conseil : si jamais vous passez par le Togo, n’oubliez pas de déguster le sifiô. Vos papilles gustatives ainsi que votre estomac vous en seront éternellement reconnaissants.

* Wo ntô è va gbô nyé : chanson populaire au Togo insinuant qu’une victime qui se rend de son propre chef chez un bourreau connu est consentante.


Le prix Nobel de littérature et l’Afrique : encore de grands pas à faire

Le prix Nobel de littérature 2021 est africain. Il s’agit du tanzanien Abdulrazak Gurnah pour son roman “Paradise”. Une occasion de revenir sur les auteurs du continent noir déjà récipiendaires de ce prix prestigieux.

Les Africains, prix Nobel de littérature – Infographie : Roger Mawulolo

Avec le sacre de Gurnah, l’Afrique totalise cinq prix Nobel de littérature. Et dire que ce prix existe depuis 1901.

L’Afrique australe a deux lauréats tous venus de l’Afrique du sud tandis que l’Afrique de l’Ouest en a un, provenant du Nigeria. L’Afrique du Nord, avec l’Egypte dispose également d’un récipiendaire du Nobel de littérature. Avec Abdulrazak Gurnah, l’Afrique de l’Est, avec la Tanzanie, vient d’avoir son premier récompensé. Sur les 5 africains primés, il y a une seule femme.

Allons à leur découverte dans l’ordre chronologique des obtentions.

Le Nigérian Wole Soyinka, à jamais le premier Nobel africain (1986)

Le natif d’Abéokuta vit le jour le 13 juillet 1934. Romancier, dramaturge, essayiste mais aussi poète et metteur en scène, Wole Soyinka est également un homme politique dans son pays, le Nigeria. Il est le premier africain à se voir décerner le prix Nobel de littérature.

Auteur très prolifique, il a plus de 60 œuvres produits ou rédigées, toutes tendances confondues. De lui, nous avons le célèbre concept de tigritude.

« Un tigre ne proclame pas sa tigritude. Il bondit sur sa proie et la dévore. »

Wole SOYINKA

Wole Soyinka a obtenu le prix Nobel de littérature avec “Baabou roi”. Le jury du prix en a dit ceci : « qui, dans une perspective culturelle large et avec des connotations poétiques, propose le drame de l’existence ».

L’Égyptien Naguib Mahfouz (1988)

Le deuxième auteur Africain à remporter le prix Nobel de littérature a été l’Égyptien Naguib Mahfouz en 1988. Né le 11 décembre 1911, il est auteur de langue arabe. Il cumule près d’une soixante d’œuvres littéraires entre romans et fictions.

L’une de ses œuvres les plus connues “Les fils de la Médina” a été publié en 1959. C’est cette œuvre qui lui ouvrit les portes du prix Nobel, dont le comité de sélection dira : « qui, à travers des œuvres riches en nuances – clairement réalistes, ambiguës et évocatrices – a formé un art narratif arabe qui s’applique à toute l’humanité ».

En 1994, il perdit l’usage de sa main droite suite à une tentative d’assassinat par des fanatiques musulmans sur sa personne. Il dictera désormais ses textes jusqu’à son décès le 30 août 2006.

La Sud-Africaine Nadine Gordimer (1991)

Nadine Gordimer poussa ses premiers cris à Springs, en Afrique du Sud, le 20 novembre 1923. Son œuvre a servi à dénoncer l’apartheid qui a sévi dans son pays. Elle a écrit sa première nouvelle à l’âge de 9 ans suite à la fouille, par la police, de la chambre de leur domestique noire. Un engagement précoce direz-vous.

Elle est l’auteure de 15 romans, 200 nouvelles et plusieurs recueils d’essais et de textes critiques. Outre le prix Nobel de littérature, elle a également reçu en 1974 le Man Booker Prize.

Nadine Gordimer est décédée le 13 juillet 2014 à Johannesburg. Son prix Nobel de littérature a été obtenu grâce à son roman “Un amant de fortune” dont le Comité du prix Nobel dit « l’œuvre épique a rendu à l’humanité d’éminents services »

Le Sud-Africain John Maxwell Coetzee (2003)

Fils d’un avocat et d’une institutrice, John Maxwell Coetzee est né au Cap le 9 février 1940.

D’abord formé en linguistique et en informatique, sa vie professionnelle débuta par un poste de programmeur chez IBM. Nourrissant toujours des ambitions littéraires, il a su profiter d’une bourse pour reprendre des études d’anglais et obtint un doctorat en 1965 à l’Université du Texas à Austin.

Il publia son premier roman, « Terres de crépuscule« , en 1974.

Avant son prix Nobel de littérature en 2003, il a obtenu par deux fois le Man Booker Prize en 1983 et en 1999.

L’Afrique peut pousser un ouf de soulagement car J. M. Coetzee est devenu australien depuis 2006 donc après son prix de Nobel de littérature. Ce prix obtenu grâce à son œuvre “Disgrace” qui a suscité le commentaire suivant de la part du jury : « qui dans de multiples travestissements expose la complicité déconcertante de l’aliénation ».

Abdulrazak Gurnah, l’actuel benjamin (2021)

Le comité de sélection du prix Nobel de littérature dit avoir choisi l’œuvre “Paradise” de Gurnah « pour ses récits empathiques et sans compromis des effets du colonialisme et le destin des réfugiés pris entre les cultures et les continents ».

Abdulrazak Gurnah est né en 1948 sur l’île de Zanzibar qu’il a dû quitter vers 1960 pour se réfugier en Angleterre. Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et le désormais professeur d’université, a produit des œuvres de qualité. Avant le prix Nobel de littérature 2021, il a été lauréat du prix RFI Témoin du monde en 2007, avec “Près de la mer”.

Trois œuvres de Gurnah ont été traduites en français. Il s’agit de : Paradis, Près de la mer et Adieu Zanzibar.

Chose notable, le benjamin Gurnah a beaucoup étudié l’aîné de la fratrie des Nobel de littérature africaine, Wole Soyinka. De là, à voir une relation de cause à effet ?

En définitive, l’Afrique totalise cinq lauréats sur 118, soit un pourcentage assez faible de 4,24 %. Et dans ce maigre butin de guerre littéraire, aucun auteur africain d’expression française n’est encore apparu. Vivement que cela vienne.


Le ciel, cette éternelle fascination

Le ciel a toujours été un espace fascinant pour l’être humain. Et quand nous étions enfants, tout ce qui s’y rattachait nous paraissait extraordinaire. Même de nos jours, cette fascination reste ancrée dans l’esprit de beaucoup de personnes. Et le ciel m’est témoin.

Bureau De Poste, Poste Aérienne, Lettre
Enveloppe « Par avion » – Image (libre) par Settergren de Pixabay 

Toute personne travaillant à l’aéroport est admiré par ses proches. Les pilotes, hôtesses et stewards étaient et sont même toujours considérés comme des super-héros. Même l’enveloppe marquée “Par avion” fascinait.

L’enveloppe “Par avion”

Apparue autour des années 1921, l’enveloppe marquée du sceau “Par avion” servait à distinguer, à sa création, les courriers à acheminer par le transport aérien des autres. Avec le temps, sa fonction n’était plus très marquée et tout type d’enveloppe sert désormais à envoyer du courrier, même si ce dernier est transmis par voie aérienne.

Malgré cela, beaucoup de personnes ont continué à croire que seul ce type d’enveloppe garantissait que le courrier prenne l’avion. Et même quand on n’en trouve pas, il fallait marquer soit même “Par avion” sur l’enveloppe, et de manière visible. Même si l’adresse indiquait le pays de destination. Deux précautions valent mieux qu’une pour s’assurer que sa lettre traverse le ciel pour d’autres cieux.

Les travailleurs de l’aéroport

Travailler à l’aéroport, ou même juste à côté confère une notoriété particulière dans certaines zones. Ah oui, c’est un privilège de voir des avions, de très près, même si on n’y monte pas. Ou alors qu’on y monte sans qu’il ne décolle. Ainsi les agents de fret, les bagagistes, les agents d’enregistrement et les agents des boutiques de la zone “Duty-free” d’un aéroport sont des stars dans leurs quartiers. Ils servent de coursiers de luxe.

Il n’est pas rare d’entendre dire “Ah ! moi mon parfum est original et de très bonne qualité car il vient de l’aéroport”. Il en est de même pour les liqueurs achetés en zone Duty-free. Il fallait remercier le ciel pour cela.

Tout ce qui est proche des avions, donc proches du ciel ne peut être que bon.

Un de mes voisins qui faisait partie du corps des soldats du feu de l’aéroport était devenu le facteur du quartier. Tous les courriers à destination des pays étrangers lui étaient remis pour affranchissement au bureau de poste. Là, c’est plus proche des avions, et donc le courrier est directement expédié. C’est ce que tout le quartier croyait.

Des voisins comme ceux-là, c’est vraiment le ciel qui nous les envoyait.

Pilotes, stewards et hôtesses, rois du ciel

Ces trois catégories sont carrément des super-héros. Oui, eux l’avion c’est leur maison, ils y montent chaque jour et mieux ils volent avec. Ils sont dans le ciel tous les jours. Heureusement que nos pays ne disposent pas de fusées, sinon nos astronautes auraient été des demi-dieux.

La majorité des enfants et adolescents de tout pays rêvent de devenir pilote. Si cela ne marche pas, on accepterait de devenir mécanicien de vol ou encore stewards ou hôtesse. L’essentiel était de toucher le ciel, au sens propre comme au figuré.

Les parachutistes, dompteurs du ciel

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Enfant regardant un parachutiste dans le ciel – Photo libre : pxhere

Les parachutistes de l’armée togolaise nous émerveillaient lors des défilés militaires. Lorsqu’ils étaient dans le ciel, nous laissions notre position devant la télé et sortions pour venir les suivre des yeux dans les cieux. Puis, nous retournions au salon pour ne pas rater l’atterrissage sur la pelouse du Stade municipal de Lomé.

Nous rêvions de devenir des parachutistes et fabriquions même des bonhommes avec des restes de sandales plastiques. A ces bonhommes, nous accrochions, avec des fils, un parachute fabriqué avec des restes de sacs plastiques usagés. Pour le lancer le plus haut possible, nous y mettions un caillou, qui tombait du « parachute » arrivé au sommet de sa montée, et le laissait voler au gré du vent, entre ciel et terre.

Travailler dans le ciel, un vrai rêve pour tout le monde même si des fois il y a la foudre à craindre, le feu du ciel. Sacré ciel, dirait-on.

Ce n’est certainement pas pour rien que la quasi-totalité des religions placent Dieu et le paradis dans le ciel. Peut-être que nous voulons dans le fond, toujours nous en approcher un peu, non ?


Manger, ce n’est pas que … manger

Manger est un acte simple, qui, à priori, sert à couvrir un besoin fonctionnel. Celui d’alimenter le corps et lui apporter les nutriments nécessaires à son développement. Bon, enfin pour ceux qui le savent ou qui en ont les moyens car certains mangent juste pour ne plus avoir faim.

Mais au-delà du fait de remplir son estomac, le fait de manger ou les moments pendant lesquels on accomplit cet acte, revêtent aussi des symboles qui vont au-delà de la simple alimentation.

Plat de pâte de maïs avec une sauce pimentée – Photo : Roger Mawulolo

Manger pour draguer

Parmi les différentes techniques d’approche entre personnes qui se désirent, il y a le manger. Cela se traduit souvent par une invitation à aller dans un restaurant ou dans une gargote ou encore en bord de route, dans certains pays.

Chacun y va par ses moyens. Ceux qui ont les moyens financiers pourront inviter dans un restaurant huppé tandis qu’à Nyékonakpoè à Lomé, Kossigan pourra inviter Adjovi chez la vendeuse sur un des trottoirs du boulevard, pour manger du poulet. A Dakar, Souleymane peut inviter Penda, dans un tangana s’il ne peut pas faire comme Djibilène qui lui, a invité Dibor aux Almadies.

Ne vous-y trompez pas, il n’y a pas que les hommes qui invitent à manger pour séduire. Il arrive qu’une jeune dame invite le sujet de ses convoitises chez elle, pour lui faire à manger. Histoire de le rassurer et de lui montrer que si jamais il se décide dans le bon sens, ses papilles gustatives ne le regretteront jamais.

Manger pour sceller un lien religieux

Un des symboles forts que comporte l’action de manger est de sceller un lien ou un pacte.

Chez les Chrétiens, nous connaissons le dernier repas du Christ qui est perpétué de nos jours par la Sainte Cène. Ce partage de pain et de vin est décrit comme un renouvellement de l’alliance entre Dieu et les Chrétiens.

Quant aux musulmans, la consommation de la viande du sacrifice de mouton à Tabaski a aussi ce sens de renouvellement des liens avec Dieu. On fait comme Abraham.

Chez les animistes, il en est de même. On peut manger un aliment spécifique ou préparé de façon particulière pour sceller un lien avec un dieu. Du dieu alors dépend le type d’aliment.

Le manger comme outil d’éducation

Le moment de manger est pour beaucoup un moment de définition ou d’apprentissage des règles sociales. C’est un moment pour enseigner le respect du droit d’aînesse mais aussi de la charge de s’occuper des plus jeunes.

Pendant le repas pris ensemble, dans certaines cultures ou habitudes, c’est l’aîné qui procèdera à la distribution de la viande, du poisson ou des œufs. L’aliment principal du repas est consommé de manière libre mais l’aîné ou le plus âgé parmi les enfants, veille à ce que personne ne soit lésé.

Une forme d’exercice à la gestion du pouvoir. Lorsque l’aîné habituel est absent, celui qui le suit directement en âge prend alors le relais.

Feuilles d’artémisia en séchage – Photo : Roger Mawulolo

Se soigner en mangeant

“La nourriture est votre premier médicament”, a dit Hippocrate, le père de la médecine.

Depuis quelques années, il se développe en Afrique une consommation de plats ou de sauces, à base de produits thérapeutiques. En fait, cela a toujours été le cas, car avant la médecine dite moderne, les Africains usaient de beaucoup de plantes ayant des vertus médicinales.

Ainsi l’artémisia, pour combattre le paludisme, se retrouve dans beaucoup de préparations. Le même cas pour le moringa. Plein de recettes (sauce, poudre pour assaisonner…) sur la base de ces deux produits sont élaborées avec des promesses de prévention ou de guérison de maladies suite à leur consommation. Durant les périodes d’épidémie, beaucoup de recettes reviennent à la surface. D’autres sont même allés plus loin en recommandant l’artémisia contre la Covid-19.

Dans un couple aussi, on peut bien vouloir booster la libido avec des plats spécifiques. Je n’en citerai pas 😀

Pour contribuer à une cause

Les déjeuners ou dîners de bienfaisance aussi ont pignon sur rue. Il s’agit d’organiser un dîner avec un coût de participation assez élevé pour qu’une partie puisse servir à une cause. Cette dernière peut aller de la recherche de fonds pour l’éradication d’une maladie ou d’un mal (cancer, faim, sida…) ou alors pour contribuer au renforcement d’une caisse (parti politique, association).

Voilà, les exemples peuvent se multiplier pour les fonctions de l’action de manger qui n’est donc pas qu’alimentaire.


28 mai : les menstrues, parlons-en

Le 28 mai est la journée internationale de l’hygiène menstruelle. Certains se demandent sûrement à quoi cela peut bien servir. Et bien, cela a tout son sens car les périodes de menstrues ne sont pas toujours très aisées à vivre pour toutes les concernées et cela pour diverses raisons. Il fallait donc s’y pencher sérieusement.

Je vous assure que ce ne sont pas les douleurs physiques que ressentent certaines femmes à cette période qui font le plus mal.

Que celui qui n’a jamais fait une blague de mauvais goût, relative aux menstrues, sur une camarade de classe, une sœur ou une voisine lève la main.

Serviettes hygiéniques – Image libre par burin kul de Pixabay 

De sa puberté à sa ménopause, la femme connait des écoulements sanguins mensuels. Ces écoulements sont appelés menstrues ou règles et surviennent à des périodes souvent bien déterminées selon chaque femme.

Le sujet des menstrues est encore entouré de beaucoup de tabous.

Le 28 mai : journée internationale de l’hygiène menstruelle

La célébration de cette journée a débutée en mai 2013 à l’initiative de l’ONG Wash United. Elle avait organisé une campagne de sensibilisation à l’hygiène menstruelle. La campagne eût un grand succès et il est apparu nécessaire d’informer le plus largement possible, toutes les couches de population sur le sujet. Les activités se sont donc poursuivies en l’année 2014, qui a été marquée par l’organisation d’une journée dédiée.

Le choix du 28 mai relève de beaucoup de symboles relatifs au cycle menstruel. Il a généralement une durée de 5 jours et survient en moyenne tous les 28 jours. Le mois de mai étant le 5e du calendrier grégorien.

Parler des menstrues sous nos cieux

Pour indiquer qu’une femme a ses menstrues, plusieurs expressions sont utilisées. Nous avons, entres autres, « elle a vu la lune », « elle a mis les mains au sol », « sa lune est au ciel » ou encore « elle est en période ». Les adeptes du langage militaire quant à eux affectionnent plutôt « les anglais sont là », « les anglais ont débarqué » ou alors « les bérets rouges sont dans la place », « les Apaches (Indiens d’Amérique) ont déterré la hache de guerre » et « l’armée rouge est en ville ».

Le sujet semble ainsi être traité avec beaucoup de pudeur allant même des fois au mépris ou à la moquerie à l’endroit des femmes qui ont leur cycle menstruel.

Les difficultés connues par les femmes en menstrues

La période menstruelle, qui est pourtant un cycle naturel et signe de bon fonctionnement du corps de la femme, n’est pas toujours facile à vivre pour elles.

Certaines cultures recommandent l’isolement de la femme pendant cette période. Pour d’autres une femme en menstrues n’a pas l’autorisation de faire la cuisine. Elle “salirait” le repas ou alors apporterait des malédictions à tous ceux qui en consommeront.

Dans beaucoup de religions, la femme en menstrues n’a pas le droit de s’approcher des endroits sacrés. Elle n’est même pas autorisée à accomplir certains rituels.

Une autre difficulté est la non-disponibilité d’eau potable et de toilettes adéquats pour une hygiène appropriée à la circonstance. Ainsi une commerçante établie habituellement dans un marché pourrait être contrainte de rester chez elle pendant toute la durée de ses règles. Les marchés, de chez nous, manquant souvent de toilettes propres, d’eau potable et courante. Il en serait de même pour une élève dont l’établissement scolaire fait face à ce même manque d’équipements sanitaires. Le cumul de ces jours perdus peuvent induire des conséquences telles que des pertes économiques ou alors le décrochage scolaire.

Une autre difficulté et non des moindres est le manque de ressources financières pour s’offrir des serviettes hygiéniques.

Le terme de précarité menstruelle est de plus en plus utilisé pour désigner la difficulté ou le manque d’accès des femmes aux protections hygiéniques, pour cause de pauvreté.

Les serviettes hygiéniques

Les serviettes sont un outils indispensable pour les femmes en menstrues. Elles servent à les protéger et à maitriser l’écoulement du sang. Généralement, les serviettes sont à usage unique ou lavables, donc réutilisables.

Il importe donc de les choisir avec soin. Des serviettes de mauvaise qualité pouvant causer des démangeaisons voire des lésions ou des infections.

La pauvreté empêche certaines catégories de femmes de se procurer les serviettes hygiéniques de qualité. Pour d’autres, elles peuvent faire face à des difficultés d’approvisionnement en cette matière quand bien même elles ont les moyens financiers de s’en procurer.

Le manque de moyens pour l’acquisition des serviettes de protection en temps de menstrues ou l’ignorance tout simplement poussent certaines femmes à utiliser du papier hygiénique ou du coton. Ces deux moyens ne sont pas vraiment appropriés.

Il est important que nous arrêtons de stigmatiser nos filles, nos sœurs et nos mères à cause des menstrues.

Les menstrues sont naturelles et non sales ou impures

Il serait temps de briser les tabous et comprendre que les menstrues sont une spécificité féminine. Le sujet doit être largement abordé pour mettre à l’aise les femmes mais aussi les hommes. En agissant ainsi, nous contribuerons à réduire cette stigmatisation que beaucoup de femmes subissent lors de cette période particulière.

Alors, femmes, soyez dignes et demeurez fières de vous, même en vos périodes de règles.

Production de serviettes hygiéniques lavables


Fête de l’Indépendance au Togo : le «27 avril, s’il m’était chanté»

Le « 27 avril, s’il m’était chanté » est le nom donné aux concerts de célébration des anniversaires de l’Indépendance du Togo. Quatre années déjà que le Chœur de l’Unité Togolaise, son initiateur, offre cette célébration tout en musique. De belles surprises ont été servies au public. Comme en 2020, le concert s’est déroulé en mode virtuel, sur les plateformes YouTube et Facebook du groupe. La pandémie de coronavirus oblige.

« 27 avril s'il m'était chanté » avec le Chœur de l'Unité Togolaise - Photo fournie par le Chœur
« 27 avril s’il m’était chanté » avec le Chœur de l’Unité Togolaise – Photo fournie par le Chœur

Cette édition 2021 du «27 avril, s’il m’était chanté » en a agréablement surpris plus d’un. Au-delà des prestations musicales, les internautes ont eu droit à une sorte de théâtre chanté.

Au rythme des périodes marquantes de l’histoire du Togo, les titres des chants se sont égrenés, surtout dans la première partie. Ainsi, de l’arrivée des colons Portugais à nos jours, en passant par la traite négrière et les diverses dominations occidentales sous lesquelles le pays a transité, chaque ère a eu son chant.

Que dire de la qualité du collège de narrateurs faisant office d’« impresario ». Conduit par Mario Attidokpo, l’ensemble intitulé « Les griots noirs » du Togo a donné un cachet particulier au concert. Un pur délice que d’écouter et voir ce groupe de conteurs, fondé en 1998. Un scénario savamment orchestré. Tout en musique dirais-je.

Les internautes n’ont pas manqué de faire part de leurs commentaires admiratifs pendant le direct. Partons donc à la découverte du chef d’œuvre.

Le parcours du drapeau national, tout un symbole

Le drapeau du Togo a débuté son parcours pour ce concert, à Kara, ville située à 500 kilomètres de la capitale Lomé. Il y a cheminé de la statue du Père de la nation à la Place de la victoire.

Il est ensuite passé par la faille d’Alédjo puis a atterri à Lomé. Là, il a notamment parcouru le carrefour « les deux lions », (situé à Agoé, un quartier au nord-ouest de Lomé), la colombe de la paix, la place de l’Indépendance, le rond-point de l’aéroport international Général Gnassingbé Eyadéma pour atterrir à la salle de spectacle.

« Mia denyigbã lonlon la » (Notre patrie bien aimée) de Ephraïm Amou a sanctionné l’arrivée du drapeau.

Les origines et les hymnes d’avant le 27 avril 1960

L’histoire de cette partie a donc transitée par les arrières grands-pères, le grand-père, le père du narrateur principal qui l’a ensuite raconté à sa mère. Et cette dernière l’a transmise à son fils. En tout cas, c’est ce qu’il a dit. Certainement que pour l’équité du genre, une valeur chère au Togo, la place de la femme devait être marquée.

Le fil de l’histoire a donc donné l’interprétation des chansons. Et la première fut « Blewu » (Lentement mais sûrement) de Bella Bellow. Pour dire comment la marche du peuple a été patiente même quand elle n’a pas toujours été paisible.

Ensuite, une série de 4 hymnes de pays autres que le Togo a été exécutée. Ne soyez pas étonnés car l’histoire du pays le justifie. De protectorat allemand sous le nom Togoland, le pays a été tour à tour sous domination britannique puis française. Et avant d’être connu sous sa forme actuelle, le Togo a eu une de ses parties rattachée à l’ex Gold-Coast (actuel Ghana). Le Chœur de l’Unité a donc matérialisé cette frange de l’histoire nationale par l’exécution des hymnes allemand (Deutschlandlied), anglais (God Bless The Queen), français (la Marseillaise) et ghanéen (God Bless Our Homeland Ghana).

Les griots noirs durant le concert «27 avril, s’il m’était chanté» – Photo fournie par le Chœur de l’Unité Togolaise

Les hymnes à partir du 27 avril 1960

Le 27 avril 1960, l’hymne national « Terre de nos aïeux » est devenu celui du Togo. Mais beaucoup ignoraient, sans doute, jusqu’à cette édition du « 27 avril, s’il m’était chanté », que 3 compositions ont été en compétition avant ce choix.

Le Chœur de l’Unité Togolaise a ainsi fait ce rappel historique en les exécutant. Tour à tour « L’Éternel, bénisse le Togo » de Humpfrey Kwassi Gonyuie, « Medo gbe na wo » de Seth Yeboah puis « Terre de nos aïeux » de Alex Casimir Etsri Dosseh-Anyron, qui allait définitivement être retenu, ont été exécuté. Le dernier cité l’a été en français et en éwé.

Après le rappel des différents présidents qui ont dirigé le Togo, « Unité nationale » qui a été l’hymne du Togo du temps du parti unique dès l’année 1969, a été chanté. Par abus de langage, beaucoup de Togolais nomme cet hymne « Écartons tout mauvais esprit ». Ce qui a dû rappeler des souvenirs à beaucoup, surtout les Togolais nés avant 1990.

Un petit détour par les chansons populaires et scolaires

« Nye denyigba lonlon si dzi wo dzim d’o la » (Ma patrie bien aimée qui m’a vu naître) de Bella Bellow a servi d’ouverture à cette phase, puis « Koulémé » (C’est dangereux), d’une autre grande voix de la musique togolaise, Fifi Rafiatou a été interprété.

« Indépendance tcha-tcha » du Congolais Joseph Kabasélé a donné des airs de rumba au concert. Mais avant que le lingala congolais ne résonne, le célèbre « Toutou gbôvi » a fait sombrer le narrateur principal dans un profond sommeil. Ses jeunes compères ont dû alors le réveiller avec énergie. Ce qui est normal puisque cette chanson est une des douces berceuses dont usent les mères togolaises pour endormir ou calmer les bébés. Le dormeur réveillé a ainsi avoué que la mélodie a été trop « succulente » à ses oreilles. Ce sont ses mots.

Les chansons scolaires, qui ont rythmé la vie d’écoliers des togolaises et togolais, ont fait vibrer la toile si l’on s’en tient aux commentaires reçus. Que d’émotion ! « Le pays que nous habitons s’appelle le Togo », « le village que tu vois tout là-bas », « le matin tout resplendit », « je te chante ma patrie », « Citoyens togolais » et « Mihé yi agblé fan » (Allez aux champs) ont donné la chair de poule à plus d’un. Kékéli Woussou, le directeur technique du Chœur de l’Unité Togolaise s’est chargé de leur arrangement musical. Un talent sûr à encourager.

Une chute tout en retro et respect aux aînés

« Xôla kplôm » (Conduis-moi Sauveur) et « Mia denyigba lonlon la », deux chansons en langue éwé ont été exécutées. Puis, la dernière ligne droite a été amorcée par un featuring entre le Chœur et l’artiste togolais Agboti Yawo.

L’intemporel « ablodé gbadza » (Indépendance totale) a été exécuté. Puis « tsô wo dzi » (Donne ton cœur à …) a servi de note finale à ce concert. Le Chœur de l’Unité Togolaise a ainsi montré tout son respect et sa reconnaissance envers l’œuvre musicale des anciens.

Au total, au moment de la mise en ligne du présent billet, soit 48 heures après l’évènement, près de 29.500 vues, 1040 likes et 1315 commentaires ont été récoltés sous la vidéo du concert postée sur Youtube et Facebook. Et ces statistiques sont en constante augmentation. Ce qui n’est pas rien.

Une chose est sûre : le public togolais attend impatiemment la prochaine sortie du Chœur de l’Unité Togolaise. Et pas seulement pour une nouvelle édition du « 27 avril, s’il m’était chanté »

Peut-être entendrons-nous encore ce que les arrières grands-pères auront dit aux grands pères qui auront dit aux pères qui ensuite diront aux mères pour nous.


Le masque, notre nouvel ami

Avant quand on disait masque, nous pensions aux bals masqués, aux carnavals, aux masques africains ou japonais. Le film “The mask” de Jim Carrey même nous venait à l’esprit ou alors les sorciers des tribus amérindiennes ou africaines.

De nos jours tout a changé. Et dès l’évocation du terme “masque”, nous pensons tous à la protection contre le coronavirus. Et plus d’un an maintenant que ce compagnonnage dure.

Ce « ton pied, mon pied »* semble encore avoir de beaux jours devant lui.

Masques FFP2 et chirurgicaux – Photo : Roger Mawulolo

Le masque fait désormais partie de nos quotidiens et a modifié considérablement nos vies ainsi que nos habitudes. Selon le pays où vous êtes, à part masque, vous l’entendrez appeler cache-nez, bavette ou cache-bouche.

Avant l’instauration du port obligatoire du masque induit par le coronavirus, c’était souvent les Chinois que je voyais avec, dans les aéroports. Et cela nous faisait plutôt une impression bizarre. On en souriait même.
A Dakar, nous le portions de temps en temps au cours des périodes de grande poussière.

Ceci dit, je peux alors avancer sans masque dans mon billet.

Le masque “médical” et sa petite histoire

Selon le site web “Sciences et avenir”, le masque en son utilisation médicale est apparue pour la première au 17è siècle, plus précisément en 1619 lors de la grande épidémie de peste. Une invention du médecin du roi Louis XIII, Charles de Lorme. Le masque avait alors la forme d’une tête d’oiseau avec des lunettes et un long bec.

Celui qui le portait revêtait également un long manteau ainsi que des gants et des bottes en cuir pour se protéger des virus et autres microbes. Le long bec dispose de deux trous pour permettre au porteur de respirer, et est rempli d’aromates et de désinfectants. Le premier pour donner une odeur supportable et le deuxième pour empêcher les germes d’arriver au porteur. Il a donc évolué à travers le temps et grâce aux recherches et à la science ainsi qu’à l’avancée des technologies pour arriver aux diverses formes que nous lui connaissons, de nos jours. Nous pouvons citer les masques FFP2, FFP3 et bien d’autres.

Le masque contre la peste, 17è siècle – Image libre par Enrique Meseguer de Pixabay

Les désagréments du masque

Êtes-vous déjà passé, avec votre masque, dans une zone aux odeurs nauséabondes ? Mince c’est une galère. Il faut être fort et courageux pour ne pas enlever son masque.

C’est pareil, lorsque l’on passe à côté d’un “volcan”. Par “volcan”, j’entends un fumeur. C’est leur surnom.

Le fumeur passif que vous êtes donc sent son masque rempli de fumée de cigarette. Et cela est très désagréable. Vous serez obligés d’enlever votre masque pour pouvoir reprendre une bonne bouffée d’oxygène.

Reconnaître ses ami-e-s portant le masque

Depuis que nous sommes astreints au masque, il a fallu développer d’autres techniques pour reconnaître nos connaissances. Chacun a dû reprogrammer son logiciel de reconnaissance faciale et en a élargi les paramètres.

Les ami-e-s qui avaient déjà des styles particuliers d’habillement nous ont bien facilité la vie. C’était leur signe particulier. Les chaussettes colorées, les pantalons et costumes coupés bien près du corps sont des paramètres qui ont permis de vite reconnaître certains tandis que les habitués des chapeaux ou encore des pantalons ne descendant pas jusqu’aux chaussures ont aidé, pour d’autres.

A tout cela, on peut rajouter la voix même si le masque peut la modifier ainsi que la démarche, le teint ou même les montures de lunettes pour ceux et celles qui en portent.

Qui dit mieux ? L’homme s’adapte toujours et c’en est encore une preuve.

Le sourire invisible des dames

Beaucoup n’osent le reconnaître que tout bas mais moi je le dis tout haut ou l’écris noir sur blanc. Depuis que nous portons le masque, il nous est difficile de voir les jolis sourires de nos amies. Nous nous contentons de le deviner ou de le percevoir à travers le masque ou encore à l’expression de leurs yeux. Pour moi qui vit au Sénégal et qui connaît la beauté du sourire des dames d’ici, ce n’est que regret.

Que tout lecteur qui ne se reconnaît pas dans mes propos lève la main.

Le style malgré tout …

Même avec le masque, il y en a qui garde le style et le bon goût. Pour ceux-là, les couleurs des masques sont toujours bien choisies et en harmonie avec le vêtement porté. Que leurs masques soient en tissu-pagnes ou autres, la concordance des couleurs est recherchée.

A Abidjan, on dira “Qui va se négliger ?”.

D’autres encore portent des masques de marque ou floqués. Un signe de classe malgré tout le stress que peut engendrer la situation sanitaire. Je ne sais pas si les grandes marques comme Nike, Adidas, Puma, Louis Vuitton, Versace ou autres ont envoyé beaucoup de masques en Afrique. Mais dans nos rues et nos marchés, il y en a plein. Et beaucoup se sapent avec.

Les Togolais diront : “Même quand on pleure, on voit”.

Je dirai “Le port correct du masque et le respect des gestes barrières sont le commencement de la sagesse”.
Et pourquoi ne pas finir par La compagnie créole dans “Le bal masqué”, un tube des années 80-90, puisque c’est du masque qu’on parle.

Allez à très bientôt et surtout prenez soin de vous.

Le bal masqué – La compagnie bréole

* ton pied, mon pied : expression utilisée au Togo pour dire que nous sommes inséparables quel que soit l’endroit où l’on va


L’Atelier des médias, mon passeport et moi

L’ Atelier des médias sur Radio France internationale (RFI) a diffusé la lettre de mon passeport en audio. Ma voix et ma respiration ont été mises à contribution.

Ah… pour ceux et celles qui ne le savent pas, je fais la genèse de l’histoire. En octobre dernier, mon passeport avait pris la décision de me faire part de toute son indignation. Oui, son indignation était grande face aux misères que je lui faisais depuis mars 2020. Aussi avait t-il décidé de me dire tout ce qu’il avait sur le cœur dans un courrier reçu le 12 octobre 2020. Cette lettre avait tout l’air d’une demande d’explication avec un doux rappel de souvenirs partagés ensemble.

Au vu des relations nous liant et également à cause de l’affection que je lui porte, et il le sait, j’ai adressé une réponse à mon passeport le 18 novembre 2020.

Sur le site de l’Atelier des médias, vous retrouverez l’intégralité du podcast de l’émission des 20 et 21 février 2021. Grâce à Mondoblog Audio, un mondoblogueur lit, chaque semaine, un de ses billets pour les auditeurs de RFI.

Pour finir, le fond sonore est la chanson « Nye dzi » (mon cœur) de la diva togolaise feue Bella Bellow. Une chanson d’ailleurs bien choisie car elle dit en langue Ewe du Togo « Nye ma gble wo ɖi akpɔ o…ne gbe ku ko ama mi ame« . Ce qui signifie en français « je ne t’abandonnerai jamais…seule la mort pourra nous séparer ».
Vous percevrez également le bruit de la machine à écrire de mon passeport ainsi que ses jurons. 😀

Voilà ! Maintenant que vous savez tout, écoutez ci-dessous l’extrait de l’émission relatif à mon audio 👇