Crédit:

Dakar : quand retentit ta sonnerie

A Dakar, quand la sonnerie de la porte de votre domicile résonne, il ne s’agit pas seulement de visiteurs connus. Je peux même dire souvent, ce sont des inconnus très spéciaux. Et cela vous révèle un vrai pan de la vie sociale et sociologique du Sénégal.

Sonnerie - Image de cocoparisienne sur Pixabay
Sonnerie – Image libre de cocoparisienne sur Pixabay

A Dakar, quel que soit le quartier où vous vivez, plusieurs catégories de personnes peuvent sonner à votre portail. Même si vous avez un agent de sécurité devant le domicile, cela ne manquera pas.  Quelquefois lui-même peut venir vous appeler pour répondre à ces visiteurs inattendus.

Dans ce billet, je ne vais pas évoquer les mendiants normaux de Dakar ou les agents des société de prestation comme la Senelec (Société nationale d’électricité), la Sonatel (Société Nationale des Télécommunications) ou la SDE (Société Nationale des Eaux).

Je vous présente ces visiteurs que j’ai souvent accueillis à ma devanture. Et je vous assure, ici, il vaut mieux le faire avec le sourire. C’est toute votre vie sociale dans votre quartier qui peut en dépendre. Et préparez votre dictionnaire Wolof car vous en aurez besoin.

Les jeunes du quartier pour l’« ataya » et les « navétanes »

Deux raisons principales peuvent les amener à sonner à votre porte.

Ils sont en petits groupes dans votre rue et ont besoin d’un peu d’argent pour faire du thé. Le fameux ataya sénégalais. Sans hésitation, ils peuvent venir sonner chez vous et vous exposer leur problème. « Sama grand, nakayi tey ? (Mon grand, et la journée ?) Nous voulons asséter (acheter) du sucre quoi, c’est pour le thé. » Il vous parle en vous tendant directement la main pour vous saluer. Oui, au Sénégal, ne pas se donner la main quand on se salue est un signe de manque de respect. En fin de billet, vous pourrez apprécier le clip « Ataya » du groupe Positive Black Soul. Il date des années 90.

La deuxième raison ce sont les navétanes (championnat de football se jouant pendant les vacances). L’équipe du quartier, généralement appelée ASC (Association Sportive et Culturelle) envoie ses émissaires solliciter un appui financier des riverains. L’approche est la même que ceux qui veulent faire du ataya. C’est juste le motif qui change.

Lorsque vous accédez à leur demande, ils vous remercient et sollicitent les bénédictions divines pour vous et votre famille. Les mots habituels « Dieuredieuf grand. Na la Yalla na fèye » (Merci grand, que Dieu te le rende). Même quand vous dites que vous n’avez rien à leur donner, il vous remercie en disant « grawoul » ou « amoul problème quoi, nio far » (pas de problème, nous sommes ensemble). Et ils promettent de revenir vous voir en cas de besoin. Et y rajoutent le mot incontournable au Sénégal. Ce mot est : « inchallah » (Si Dieu le veut).

Les enfants pour le «  ndeweneul »

Le « ndeweneul » est une forme de vœu pour que vous soyez encore en vie et en bonne santé jusqu’à l’année prochaine. Il est sous-entendu que le remerciement au don qui porte ce nom est une prière pour une nouvelle année heureuse pour vous.

Pendant les périodes de fêtes (Tabaski, Pâques, Noël notamment), les enfants s’organisent en cohorte pour solliciter de petits cadeaux, de maison en maison. Ils sonnent alors chez vous et demande le « ndéweneul ». Généralement, ici au Sénégal, toutes les fêtes religieuses sont célébrées par tous, sans distinction entre musulmans et chrétiens. Et tous ces jours sont d’ailleurs fériés, ce qui montre la laïcité du pays de la Téranga.

A ces enfants, faites juste de petits cadeaux sans vous offusquer.

L’envoyé de la mosquée

Celui-ci est généralement une personne âgée et c’est un homme. Souvent, il vous montre une liste de tous les dons déjà reçus dans le quartier. Vous y voyez des noms ou des anonymes. Si vous n’avez pas d’argent à donner, il peut vous faire promettre pour un jour et une heure donnés. Et je vous assure, il le respectera. En période de Ramadan (jeûne musulman), c’est une demande spéciale pour le « sukkeroukor » (sucre du jeûne) pour le « ndogou » (rupture du jeûne). Et en temps normal, c’est pour des travaux à la mosquée ou les personnes nécessiteuses qui sollicitent la mosquée.

L’approche est tellement bien appliquée qu’il est souvent assez difficile de refuser d’aider.

Les chercheurs d’emploi

Une troisième catégorie de personne ce sont les chercheurs d’emploi. Plutôt des chercheuses.

Ce sont généralement des groupes de jeunes filles à la recherche d’emploi. Elles se proposent pour s’occuper du ménage, de la cuisine ou de la lessive. Pour la lessive, elles vont se dire « lingères ». Aussi vous demandent-elles  souvent, après que vous ayez ouvert le portail, « Bougoulène diank ? » (Voulez-vous une servante ?).

Pendant les vacances scolaires, le phénomène s’amplifie car beaucoup d’étudiantes ou d’écolières de la ville ou venues des zones rurales s’y mettent aussi.

Au Sénégal, la vie est assez simple si vous la prenez du bon côté. Pour maintenir des rapports cordiaux avec votre voisinage, il est bien de contribuer de temps en temps à la préparation du ataya. Il ne sert à rien d’éviter tout le quartier en se mettant à l’écart. Depuis mon enfance, mes parents ont bien pris soin de m’apprendre que notre première famille demeure le voisinage. Cette leçon est bien valable partout dans le monde.

Par Roger Mawulolo (facebook) (twitter)

Partagez

Auteur·e

Commentaires

Eléonore
Répondre

Très intéressant de faire contribuer le voisinage sans distinction de religion. Le premier groupe, je suis certaine qu'ils sont fréquents. Hahaha...

Mawulolo
Répondre

Ah lol... Toi même tu peux venir sonner et on te gère... :D
La même histoire peut se raconter sur Lomé
Merci pour la lecture et le commentaire...