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Les déclarations d'amour d’avant les réseaux sociaux

De nos jours, déclarer son amour à une personne du sexe opposé est devenue une action banale. Grâce aux réseaux sociaux, l’approche est devenue vraiment trop facile. Mais ça, c’est maintenant. Avant les années 2000, ça n’était pas du tout aisé. D’ailleurs l’année dernière, à la même période, je vous parlais des rendez-vous galants d’avant les réseaux sociaux. Déclarer sa flamme était tout un art, qui mérite d’être traité avec respect, surtout en cette période de Saint-Valentin.

Ne voyez surtout pas ici les confessions d’un ancien mauvais garçon. Non ! Moi, je veux juste partager avec vous les résultats de mes observations.

Lettre d'amour - Image libre : www.pixabay.com
Lettre d’amour – Image libre : www.pixabay.com

De nos jours, il suffit d’envoyer à la personne convoitée une demande d’ami sur l’une des nombreuses applications disponibles sur les réseaux sociaux et d’attendre la réponse. On peut aussi piquer son numéro dans un groupe Whatsapp où il/elle se trouve. Et le tour est joué pour la suite.

Snapchat, Messenger, Instagram et que sais-je encore ont vite fait de prendre la place du courage dont un garçon ou une fille devait se doter pour déclarer sa flamme. Même LinkedIn, réputé être un réseau social professionnel, est utilisé par certains pour approcher celle ou celui qui fait battre leur cœur ou vibrer leur corps.

Avant, il fallait une bonne dose de courage pour entamer les premières approches. Comme nous le disions, il fallait un courage indien et une détermination allemande pour enclencher les premiers feux. Oui, les feux de l’amour…

Les moments dont je veux prétendre parler sont ceux d’avant le foisonnement même des chaînes privées de télévision et de radio. Ces chaînes qui ont précédé les réseaux sociaux en Afrique ont aussi beaucoup changé la donne de l’expression des sentiments. A ces moments, nous n’avions pour médias que les chaînes nationales de radio et de télévision. Les seuls téléphones disponibles étaient les fixes et ce n’était pas donné à tout le monde d’en avoir un.

D’abord, se former

Oui, il fallait se former à l’art de parler aux filles. Il n’y avait pas d’école pour cela. Mais cela passait par les discussions avec les plus âgé(e)s. Pour nous les garçons, c’était un peu plus facile d’en discuter avec nos grands frères. Chacun donnait sa recette mais d’autres étaient dans le secret absolu. Selon moi, les meilleures conseillères étaient les filles plus âgées. Elles donnaient des astuces pour savoir aborder et servaient parfois d’intermédiaires.

Pour mieux comprendre les filles, nous nous cachions pour lire ce qu’elles lisaient pour y puiser l’inspiration. Il ne fallait pas qu’un vrai garçon soit vu avec cette lecture destinée aux filles 😀 . Les diverses séries (blanche, passion, azur…) de la collection « Harlequin » nous donnaient de bonnes pistes. Nous lisions aussi les romans-photos. Les collections « Nous-deux », « Intimité », « Lancio Lucky », « Charme », « Étoile d’amour » et autres faisaient notre bonheur. Les acteurs comme Marina Santi, Ornella Pacelli, Alberto Di Stefano, Simona Pelei, Adriano Celentano, Danilo Verde, Chris Olsen et Gordon Gray n’avaient plus de secrets pour nous. Même le style d’habillement pouvait être copié. Certains garçons tentaient d’appliquer à la lettre ce qu’ils y lisaient mais moi je préférais essayer d’africaniser les approches. Il faut préciser que les mères faisaient une guerre farouche à ce genre de lecture. Elles trouvaient que cela dépravait leurs filles.

Ceux qui voulaient « paraître plus homme » que les autres se cherchaient des méthodes à la « Malko », le personnage principal des livres de la collection « SAS » de Gérard de Villiers. Si vous voulez savoir ce qu’il fait pour aboutir aux croupes callipyges et aux bas-jarretelles, vous pouvez lire les livres en question.

Les lettres d’amour utilisées par les garçons

Il fallait d’abord trouver le papier, puis rédiger la lettre et la remettre à la destinataire.

Le type de papier à utiliser n’était pas facile à trouver même dans les librairies. Avec nos bourses peu fournies, nous options pour le papier A4 ou des feuilles de bloc-notes. Trouver un papier de couleur avec de jolis motifs n’était pas aisé. Les feuilles mobiles, quant à elles, nous semblaient trop ordinaires pour le but sacré qui était à atteindre. En désespoir de cause, nous nous contentions des feuilles de cahier. Mais nous prenions soin de bien les sortir du cahier pour éviter que les agrafes n’y laissent des trous béants.

Après, il fallait s’occuper du fond de la lettre. Les plus heureux étaient ceux qui avaient la rédaction facile. Il ne fallait surtout pas faire trop de fautes, surtout si celle qui est visée faisait partie des meilleures élèves de la classe. Un poème bien imaginé ou recopié d’un livre pouvait faire effet. Il fallait passer pour un gars original. La langue anglaise pouvait servir. Quelques paroles de « Nothing gonna change my love for you » de Glenn Medeiros pouvaient faire mouche (voir vidéo en fin de billet). Dans l’enveloppe, on pouvait rajouter une rose ou alors parfumer légèrement le papier.

Après tout cela, il faut pouvoir faire parvenir la lettre. Si on a un ami de confiance assez courageux, on l’utilisait comme émissaire, ou encore une cousine ou une petite sœur. Sinon on pouvait s’arranger pour glisser la lettre dans le casier ou un des cahiers de la convoitée pendant la récréation. On peut aussi lui emprunter un livre et y glisser la lettre avant de le lui rendre.

C’était rare de voir une fille prendre les devants avec une lettre d’amour. Mais cela n’était pas impossible. Moi, j’ai joué de malchance en novembre 1992. Une fille m’a promis, elle-même et de vive voix, une lettre. C’était un vendredi. Mais le lundi suivant, il n’y avait pas de cours car ce qu’on appelle au Togo la grève générale illimitée a débuté et a duré plus d’un an. L’année scolaire fut blanche. Je partis au Ghana et ne revins à mon collège que 2 ans après.

Le cahier d’amitiés (d’amour) pour les filles

Souvent ce sont les filles qui en disposaient. Dans la plupart des cas, ils étaient remplis par leurs amies. Il s’agissait de donner, sur des pages d’un cahier, ses petits noms, ses citations favorites, ses couleurs préférées, ses vraies amies et autres. Le tout accompagné de petits dessins qui équivalent un peu les smileys d’aujourd’hui. On peut y ajouter des photos si on en a et aussi recopier un texte d’une chanson préférée. L’imagination et l’inspiration sont libres.

S’il arrivait qu’une fille vous sollicite, vous un garçon, pour remplir son cahier d’amitiés, cela indiquait qu’il y avait une petite étincelle. Si elle vous donne son cahier directement, cela pouvait indiquer une technique d’approche pour créer le lien. Et ça ce sont les plus courageuses qui le faisaient. Nous pouvions encore croire que c’était juste de l’amitié. Mais quand elle vous envoie son cahier d’amitié par une intermédiaire, là c’est sûr qu’il y a quelque chose. De toute façon, nous nous disions que de l’amitié à l’amour, il n’y a que quelques pas. Nous étions aux anges quand nous avions nos noms mentionnés dans le cahier d’une fille comme amis préférés.

Certains garçons disposaient quand même en cachette d’un cahier d’amitiés. Nous nous moquions d’eux lorsque nous le savions. Nous les traitions de « masculins faibles ». En lisant cela, ne vous dites surtout pas que les Africains sont éduqués pour être macho. C’était juste des conceptions d’adolescents en matière d’amour.

La parole et les gestes pour tout le monde

A part les supports que constituaient la lettre ou le cahier d’amitié, la parole était à l’usage de tous. Et là, il fallait avoir les bons mots pour surtout introduire. Une introduction ratée pouvait faire tomber à l’eau tous vos plans.

La bonne vieille technique était de prétendre reconnaître la personne quelque part. Elle est maintenant désuète pour certains mais reste toujours de mise. Il fallait juste dire « Heu… Mademoiselle j’ai l’impression de vous avoir déjà vue quelque part… » La suite dépendait alors de la réponse qu’elle vous servait.

Les filles étaient plus subtiles et n’attaquaient presque jamais de front. Elles avaient plutôt tendance à trouver un moyen indirect de familiarisation avec le garçon convoité. Même si elles pouvaient laisser percevoir leurs sentiments, elles s’arrangeaient toujours pour que ce soit les garçons qui introduisent véritablement la drague. Elles pouvaient aussi passer par ses amies pour faire savoir. C’était presque toujours indirect. Mais je ne dis pas qu’il n’y avait pas de courageuses. Certaines pouvaient prendre le taureau par les cornes pour s’adresser directement à l’élu de leurs cœurs et déclarer leur amour.

Pour cet aspect, nous essayions de lire des documents pour connaître les gestes qui pouvaient montrer qu’une fille vous aimait ou du moins vous appréciait. La vie n’était pas facile.

Tout ce que j’ai dit peut paraître assez anodin, mais imaginez avec moi quel a été le sentiment d’un de mes camarades de classe lorsqu’une fille est allée le dénoncer à la surveillance générale de notre collège pour lui avoir écrit une lettre d’amour. Mieux, la dénonciation a, après, été portée à notre connaissance en plein cours avec une punition pour le garçon. À la récréation, tout le collège était au courant. C’était donc vraiment des affaires importantes.

Par Roger Mawulolo (facebook) (twitter)
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Commentaires

Cupido
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J'ai toujours cru que Nothing Gonna Change My Love for you était de George Benson ou Grover Washington. Mince alors... j'en ai une autre pour toi : Est-ce que tu viens pour les vacances ? David et Jonathan... héhéhé. En tout cas, j'ai encore en mémoire, (le cerveau est un drôle d'organe) le parfum d'une lettre d'amour qui m'a été envoyé. Eh oui, les nanas parfumaient les feuilles sur lesquelles elles avaient couché les mots mignons.

Mawulolo
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Moi je n'ai pas changééééé d'adreeeessse.... Je serai j'y pense un peu en avance...au rendez-vous de nos promesses

Lucrece
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A toutes les filles qu'on a aimé avant... ;)

Mawulolo
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....je suis resté adolescent...
Elles avaient des océans au fond des yeux...

Marek Abi
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Aah les fameuses lettres. Maintenant je comprends mieux pourquoi j’écris aujourd’hui