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Togo – Lomé : Le système « Araignée » a de beaux jours devant lui

De la même manière que les liquides prennent la forme du récipient qui les contient, les mots, eux aussi, prennent souvent leurs significations selon les endroits où ils sont utilisés.

Au Togo, quand vous êtes au village, vous pensez à l’insecte quand on vous parle d’araignée. Mais quand vous êtes dans un commissariat de police, il s’agit certainement du système mis en place par les forces de l’ordre pour contrer le grand banditisme. Si vous habitez les quartiers de Sagbado, Kégué ou Agoè à Lomé, vous avez une toute autre définition du mot « Araignée ». Sûrement que beaucoup de villes d’Afrique ou d’ailleurs ont eux aussi leur « Araignée » baptisé autrement.
Ici, il s’agit du réseau de branchement clandestin à l’électricité.

A Sagbado, Agoè, Kégué et leurs périphéries, « Araignée » est le système clandestin mis en place pour disposer de l’électricité chez soi. L’évolution galopante de la démographie semble avoir pris au dépourvu les autorités du pays.
La vitesse de réaction ou d’action de l’État semble ainsi inversement proportionnelle à celle de l’extension des habitations.

Les nouveaux quartiers n’étant pas viabilisés, l’extension du réseau électrique officiel n’est pas effective dans ces zones. Les populations sont obligées de recourir à ces branchements clandestins.

articleAraigneeLe système de branchement et de facturation

L’extension clandestine a pour point de départ un abonné au réseau officiel. De son domicile partent donc des fils à l’air libre ou enterrés. Ces divers fils desservent d’autres maisons proches ou lointaines. Le réseau longe les rues, les traverse, passe dans les égouts, dans les tuyaux sous des maisons. Le réseau aboutissant chez les « clients » de cet opérateur privé (c’est bien de cela qu’il s’agit finalement) dispose d’un compteur appelé communément « additionneuse ». Et je vous assure que ça additionne vraiment au vu des montants payés.

A chaque fin de mois, le fournisseur passe faire ses relevés et fait donc payer le client. Le prix du kilowhatt-heure dépend de son bon vouloir
Bien de conflits naissent entre voisins car le système de « facturation » n’est pas toujours clairement défini au départ. Les « clients » se plaignant souvent que le « fournisseur » veut leur faire payer sa propre consommation en intégralité. Là, il s’agit de la consommation due à la compagnie officielle fournissant le courant.

Tout un système économique s’est ainsi créé. Et dans ce système, les prestataires poseurs des fils ont une très bonne place. Ce sont souvent les « petits électriciens » du coin ou juste des bricoleurs.

 Les problèmes liés à « Araignée »

  • Sécurité des personnes

Ce réseau, sans protection et ne respectant aucune norme, comporte beaucoup de dangers semblables à un venin d’araignée (le système porte bien son nom).
Les fils aériens ou enterrés n’obéissent à aucune règle et le matériel utilisé n’est pas souvent de qualité.
Les «poteaux électriques» du système « Araignée » ne sont en fait que des troncs d’arbres coupés et plantés n’importe comment. En saison de pluie notamment, il est courant de voir les fils sortant du sol et des poteaux qui tombent. Ces fils électriques, souvent d’origine chinoise et de piètre qualité, se révèlent de véritables bombes à retardement pour les usagers. Les populations font face à des incendies dus à des courts-circuits notamment. Des enfants ou passants ont été électrocutés pour avoir touché un fil électrique dénudé.

  • Sécurité des biens

L’énergie électrique fournie est souvent de piètre qualité du fait du nombre excessif de connexions. Un abonnement normal de type domestique peut servir à créer un réseau « Araignée » de dix à quinze maisons voire plus. Les baisses de tension et les disjonctions sont fréquentes. Ce qui détériore les appareils ménagers. Les incendies indiqués plus haut touchent évidemment les biens aussi.

L’État même y perd de l’argent. En Côte d’Ivoire, en 2013, les pertes étaient estimées à 2,5 milliards de francs cfa.

Il urge donc que l’État prenne ses responsabilités en suivant l’évolution de l’urbanisation. La sécurité des populations en dépend. Une meilleure stratégie de suivi des implantations d’habitation reste à définir pour éviter le branchement électrique clandestin qui n’est d’ailleurs qu’un problème parmi tant d’autres (rue sans nom, manque de système d’évacuation d’eaux usées, absence du réseau d’adduction d’eau entre autres).

Je ne puis finir sans indiquer que « Araignée » de Dakar concerne plutôt l’abonnement à Canal Horizons. D’un seul abonné officiel s’étend la toile vers beaucoup d’autres et c’est toute une mini-industrie.

Je vous l’avais dit : « A chaque ville, son araignée ».

Nota Bene : J’ai choisi sciemment de ne m’appesantir que sur les conséquences touchant directement la population

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Commentaires

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Le problème de ces extensions électriques sauvages est réel. Les populations y sont souvent contraints. L'Etat a le devoir de mettre à la disposition de chaque citoyen de l'électricité sécurisée. J'aurai été très satisfaite si ton article avait intégré des données sur ces extensions à Lomé et l'estimation des conséquences. Merci bien :D

Mawulolo
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Des données, il est très difficile d'en trouver. J'ai fait quelques recherches sans succès. J'ai donc décidé d'aborder le sujet comme ça.
Comme tu es sur place (à Lomé) tu peux prendre ce relais là et affiner .